Alors que le genre cinématographique du péplum était en déclin en Italie, son foyer traditionnel, le producteur germano-polonais Artur Brauner décide de le relancer. Les studios roumains venaient de réaliser deux grands films d’inspiration historique et patriotique commandé par le régime communiste, Les Guerriers sorti en 1967 et Columna(en) en 1968, montrant la lutte des Daces contre la conquête romaine de Trajan. Brauner, qui avait contribué au second, profite du fait que les Roumains disposent d’une grande quantité de décors, d’armures romaines et accessoires ainsi que de chevaux et figurants en abondance fournis par l’armée roumaine, sans commune mesure avec ce que pouvaient mobiliser les studios ouest-européens[1].
Le tournage dure 5 mois, de mai à septembre 1968, aux studios Bukaresti à Buftea, et se passe par une chaleur étouffante atteignant parfois 60°C. Siodmak déserte plusieurs fois les plateaux pour aller visiter des membres de sa parenté européenne[2].
Le sujet était tiré d’un roman historique allemand de Felix Dahn, paru en 1876 et qui s’était vendu à deux millions d’exemplaires, ce qui augurait bien du succès du film[1]. En 1966, le film allemand Nibelungen de Harald Reinl, également inspiré de l'épopée germanique, avait fait 3 millions d'entrées en 12 mois. Les producteurs avaient d'ailleurs songé à Harald Reinl comme réalisateur avant que les banquiers n'imposent le choix de Robert Siodmak, plus connu[2].
La version originale allemande est sortie en deux parties : Pour la conquête de Rome I (1968), longue de 103 min, et Pour la conquête de Rome II (1969), longue de 84 min ; pour la distribution aux États-Unis, les deux ont été fusionnées en un seul film de 92 min, ce qui entraîne parfois une mortalité étonnamment rapide des personnages[3].
Mathaswintha, d'abord supplantée par sa sœur et enfermée dans un château, prend sa revanche et la fait assassiner : dans une séquence singulièrement sensuelle puis violente, Amalaswintha prend son bain nue avant d'être asphyxiée par une fumée jaune qui envahit la pièce tandis que Mathaswintha jouit du spectacle en regardant la scène par une lucarne en forme de masque[4]. Cette scène, absente du roman de Dahn, paraît inspirée de la mort de Fausta, épouse de l'empereur Constantin, que son époux, selon certaines sources, fit suffoquer dans un bain surchauffé[5].
Au cours du film, quatre grandes batailles se succèdent. L’un après l’autre, les protagonistes sont assassinés ou tués au combat jusqu’à la bataille du Vésuve en 552. Finalement, les derniers Goths s’embarquent sur une flotte viking pour retourner dans leur pays d’origine, l’île de Gotland dans la mer Baltique, et y enterrer les corps de leurs chefs[1].
Réception
Le contenu historique du film s’inspire du récit de l’historien byzantin Procope de Césarée mais Hervé Dumont estime que Dahn, trop passionné par son sujet, est passé à côté de la réalité des faits[1]. Dahn a voulu montrer l’épopée tragique de la destruction d’une tribu germanique : l’historiographie nationaliste allemande de son temps opposait volontiers les nobles héros germains aux Byzantins décadents représentés par des généraux eunuques même si, en fait, les clivages étaient beaucoup moins tranchés et les combattants passaient facilement d’une allégeance à l’autre[6]. Le jeune roi Totila, qui assure le commandement des Goths dans la guerre, reprend l’ambition de Théodoric d’unir les Goths et les Romains pour en faire un seul peuple mais son rêve débouche sur une issue fatale[7].
Brauner déclare avoir voulu faire « le plus grand film allemand depuis que les Allemands font du cinéma ». Cependant, Siodmak, avec plusieurs scénaristes dont Ladislas Fodor, s'est donné beaucoup de mal pour retirer du film les éléments trop nationalistes du roman[2]. Siodmak dit ;
« Nous avons extirpé tout le contenu idéologiquement gênant. Reste une histoire passionnante. Car ce qui m'intéresse en premier lieu, ce sont les caractères, les actes et les comportements des protagonistes. J'essaie de leur infuser un peu de vie, de leur conférer une dimension shakespearienne[2]. »
Malgré ces précautions, selon Derek Elley, le film souffre de son excessive longueur, du caractère trop statique de la mise en scène et du manque d'implication des acteurs[4]. L'accueil de la presse allemande est moqueur ou défavorable[2]. Mais ce film, le dernier réalisé par Siodmak, a un grand succès auprès du public allemand[8].
Le général byzantin Narsès, un eunuque que les auteurs anciens décrivent comme petit et maigre, est interprété par l'acteur nain américain Michael Dunn[9].
Fiche technique
Titre : Pour la conquête de Rome I.
Titres originaux : Kampf um Rom I (titre allemand) ; La calata dei Barbari (titre italien) ; Lupta pentru Roma I (titre roumain)