Construit aux temps des guerres franco-anglaises, le pont Valentré[note 1], par lequel on pénètre toujours, mais seulement à pied, dans la ville de Cahors, constitue un exemple rare d'architecture militaire française de cette époque, et l'un des plus beaux ponts médiévaux fortifiés subsistant encore.
Sa construction fut décidé par les consuls de la ville en 1306, et la première pierre fut posée le . Il avait une fonction de forteresse, destinée à défendre la ville contre les attaques en provenance du sud. Toutefois, ni les Anglais, ni Henri IV ne l'attaquèrent.
L'origine du nom Valentré est incertaine[2]. Valentré pourrait être la déformation du mot balandra, qui désigne la salamandre. Cet animal, peut-être représenté au sommet d'une pile du pont, est censé représenter le diable (le pont Valentré est aussi appelé « pont du Diable »). Une autre hypothèse fait référence à la balandra (« balandre » ou « bélandre » en français), à l'origine barque à fond plat utilisée pour le transport des personnes et des marchandises, qui aurait servi de bac avant la construction du pont.
La construction pouvait entraîner la création d'un second axe commercial est-ouest, qui était jusqu'alors nord-sud. La ville subit ainsi une importante modification qui allait se répercuter sur toute la cité. Le pont était protégé spirituellement par une chapelle dédiée à la Vierge dans le châtelet occidental.
Il fut achevé en 1378, son aspect initial a été sensiblement modifié au cours des travaux de restauration entrepris en 1879. En 1930, il est mentionné être dans un parfait état de conservation, lors de la parution d'un guide touristique[3].
En dos-d'âne, long de 138 mètres, avec six grandes arches ogivalesgothiques de 16,50 mètres, ce pont est flanqué d'avant-becs crénelés et surmonté de trois tours carrées à créneaux et mâchicoulis dominant l'eau de 40 mètres. Deux barbacanes protégeaient son accès, mais seule celle du côté de la ville (à l'est) a été conservée.
La légende du pont Valentré
La construction en s'éternisant sur plus d'un demi-siècle (le pont a été commencé en 1308 et achevé en 1378), fit naître la légende que chaque cadurcien se plaît à raconter. Exaspéré par la lenteur des travaux, le maître d'œuvre signe un pacte avec le Diable. Selon les termes de ce contrat, Satan mettra tout son savoir-faire au service de la construction, et s'il exécute tous ses ordres, il lui abandonnera son âme en paiement. Le pont s'élève avec rapidité, les travaux s'achèvent, le contrat arrive à son terme. Pour sauver son âme, car il ne tient pas à finir ses jours en enfer, il demande au diable d'aller chercher de l'eau à la source des Chartreux, pour ses ouvriers, avec un crible.
Satan revint naturellement bredouille, l'exercice étant impossible, et perdit son marché. Décidé à se venger, le Diable envoya chaque nuit un diablotin pour desceller la dernière pierre de la tour centrale, dite tour du Diable, remise en place la veille par les maçons. C'est pour cela que le chantier, d'après la légende, aurait duré 70 ans.
En 1879, lors de la restauration du pont, l'architecte Paul Gout fait apposer dans l'emplacement vide une pierre sculptée à l'effigie d'un diablotin. C'est un certain Calmon, sculpteur originaire de la région qui réalisa la sculpture. Ainsi à chaque fois que le Diable vérifie si le pont est bien inachevé, il se fourvoie en pensant que c'est l'un des siens qui démantèle le pont.
ainsi qu'une curieuse cage, prétendument destinée à la punition des femmes infidèles, découverte dans le Lot au pied de l'ouvrage à la fin du XIXe siècle.
Sculpture représentant un diablotin, au coin de la tour centrale, rappelant la légende.
Coupe latérale du pont Valentré (appelé pont de la Calendre) à l'entrée « Pont » du Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle de Viollet-le-Duc, en 1856.
Illuminations du pont Valentré vu depuis la Croix de Magne.
Fréquentation piétonne
Le passage sur le pont est gratuit. Le compteur, installé en fixe, a dénombré 231 500 visiteurs en 2017[9], et 250 000 visiteurs en 2020[10].
Notes et références
Notes
↑Il est le dernier des trois ponts fortifiés qui subsiste construits à Cahors entre 1250 et 1350[1].
↑Dr Henri Pélissié (préf. Eugène Grangié, Description du Pont du Diable), De la Barbacane au Pont du Diable : guide illustré du touriste et de l'archéologue à Luzech, Cahors, A. Bergon, , 364 p., in-8° (BNF34121319, présentation en ligne, lire en ligne), p. 138 et 139 (consulté le ).
Paul de Fontenilles, « Le Pont de Valentré à Cahors : Notice historique et archéologique », dans Congrès archéologique de France : XLIVe session, séances générales tenues à Senlis en 1877. Excursion archéologique dans le département du Lot, Tours/ Paris, Société française d'archéologie pour la conservation et la description des monuments, Paul Bouserez et Derache-Champion, , 620 p. (lire en ligne), p. 556-581.
Paul Gout, Histoire et description du pont de Valentré à Cahors (Lot)], Cahors, J. Brassac fils, , 35 p. (lire en ligne).
Raymond Rey, « Pont Valentré », dans Congrès archéologique de France : Ce session tenue à Figeac, Cahors et Rodez en 1937, Paris, Société française d'archéologie, A. Picard, , 572 p. (lire en ligne), p. 270-276
Maurice Scellès, « Le Pont Valentré », dans Congrès archéologique de France : 147e session, 1989, Quercy, Paris, Société française d'archéologie, , 542 p. (lire en ligne), p. 99-108.
Adaptations de la légende
Joël Polomski, Le Diable du pont Valentré, éd. du Fraysse, Castelnau-Montratier, 1990 (ISBN2-9518916-0-1) ; rééd. 2005 (ISBN2-9518916-2-8) ; 2008 (ISBN978-2-9518916-4-7) : bande dessinée, d'après le Légendaire du Quercy de Robert Martinot.
Christian Verdun, Les Vertiges de la cité : La Véritable Histoire du pont Valentré, Cahors, L'Hydre, , 66 p. (ISBN978-2-913703-79-7).