Dans la pile à combustible à membrane échangeuse d'anions, le KOHaqueux est remplacé par une membrane de polymère électrolytique solide pouvant conduire les ionshydroxydeOH−. Cette architecture de piles à combustible permet de résoudre les problèmes de fuite d'électrolyte puisque ce dernier est solide, et de précipitation de carbonates puisqu'on n'a plus de contre-ion cationique, le tout en continuant de bénéficier des avantages d'une pile à combustible alcaline. Le CO2 réagit avec l'eau pour forme de l'acide carbonique H2CO3 qui se dissocie ensuite en HCO3− et CO32−. Le rapport de concentrations[ CO32− ] / [ HCO3− ] à l'équilibre est inférieur à 0,07 %, et ces espèces ne précipitent pas sur les électrodes en l'absence de cations tels que K+ ou Na+[7]. Il est cependant difficile d'arriver à une absence totale de cations car la plupart des membranes sont conditionnées sous forme hydroxyde ou bicarbonate fonctionnelle à partir de leur forme halogénée initiale chimiquement stable, et des cations peuvent s'adsorber de manière compétitive sur les sites actifs et générer une double couche électrique (couches de Helmholtz) ayant un impact significatif sur les performances de la pile à combustible[8].
La grande majorité des membranes/ionomères développés à ce stade sont entièrement à base d'hydrocarbures, ce qui facilite le recyclage du catalyseur et limite la diffusion transmembranaire du combustible (fuel crossover). Le méthanol a l'avantage de faciliter le stockage et le transport et a une densité d'énergie volumique plus élevée que l'hydrogène. De plus, le passage du méthanol de l'anode à la cathode est réduit dans les piles à combustible à membrane échangeuse d'anions par rapport aux piles à combustible à membrane échangeuse de protons car les ions vont dans le sens opposé dans la membrane, de la cathode vers l'anode. Il est également possible d'utiliser des alcools plus lourds que le méthanol car le potentiel d'anode des piles à combustible à membrane échangeuse d'anions est suffisant pour oxyder les liaisons carbone–carbone de l'éthanol CH3CH2OH et du propanol CH3CH2CH2OH, par exemple[9].
Difficultés
La principale difficulté dans le développement de ce type de piles à combustible est la membrane échangeuse d'anions (AEM). Ces membranes sont constituées d'une ossature en polymère portant des groupescationiques échangeurs d'ions qui facilitent la mobilité des anionshydroxydeOH−, de manière symétrique au Nafion utilisé pour les membranes échangeuses de protons, dans lequel des groupes anioniques sont liés au polymère pour faciliter la mobilité des protonsH+. Les membranes échangeuses d'anions doivent présenter une conductivité suffisante pour les ions OH− ainsi qu'une bonne stabilité mécanique sans détérioration chimique à des pH et des températures élevés. Les principaux modes de dégradation de ces membranes sont l'élimination d'Hofmann en présence d'hydrogène β et l'attaque nucléophile directe par les ions OH− sur les sites cationiques. Supprimer les hydrogènes β est un moyen de protéger les membranes de l'élimination d'Hofmann au niveau des sites cationiques.
Une autre difficulté consiste à obtenir une conductivité ionique pour les ions OH− dans les membranes échangeuses anions qui soit comparable à celle des ions H+ observée dans les membranes échangeuses de protons. Le coefficient de diffusion des ions OH− étant moitié moindre que celui des ions H+ dans l'eau, il est nécessaire d'augmenter la concentration en ions OH− pour obtenir des valeurs semblables, qui implique que le polymère ait une capacité d'échange d'ions également plus élevée[10], le souci étant qu'une capacité d'échange ionique accrue conduit à un gonflement du polymère lors de son hydratation, ce qui dégrade ses propriétés mécaniques.
Enfin, la gestion des quantités d'eau à la fois dans la membrane échangeuse d'anions et au niveau des deux électrodes — car de l'eau est consommée à la cathode et produite à l'anode — pose également des problèmes spécifiques qui imposent de veiller à un équilibre minutieux de l'humidité des gaz d'alimentation afin d'assurer des performances optimales aux piles à combustible[11].
Notes et références
↑La désignation de ce type de pile à combustible n'est pas normalisée et varie significativement selon les auteurs : « pile à combustible alcaline à membrane échangeuse d'anions » (alkaline anion exchange membrane fuel cell, AAEMFC), « pile à combustible alcaline à membrane » (alkaline membrane fuel cell, AMFC), « pile à combustible à membrane échangeuse d'hydroxyde » (hydroxide exchange membrane fuel cell, HEMFC), « pile à combustible alcaline solide » (solid alkaline fuel cells, SAFC), etc.
↑(en) Martin Winter et Ralph J. Brodd, « What Are Batteries, Fuel Cells, and Supercapacitors? », Chemical Reviews, vol. 104, no 10, , p. 4245-4270 (PMID15669155, DOI10.1021/cr020730k, lire en ligne).
↑(en) Paul W. Majsztrik, Andrew B. Bocarsly et Jay B. Benziger, « Viscoelastic Response of Nafion. Effects of Temperature and Hydration on Tensile Creep », Macromolecules, vol. 41, no 24, , p. 9849-9862 (DOI10.1021/ma801811m, Bibcode2008MaMol..41.9849M, lire en ligne).
↑ a et b(en) Riccardo Narducci, J.-F. Chailan, A. Fahs, Luca Pasquini, Maria Luisa Di Vona et Philippe Knauth, « Mechanical properties of anion exchange membranes by combination of tensile stress–strain tests and dynamic mechanical analysis », Journal of Polymer Science Part B: Polymer Physics, vol. 54, no 12, , p. 1180-1187 (DOI10.1002/polb.24025, Bibcode2016JPoSB..54.1180N, lire en ligne).
↑ a et b(en) Xiaojuan Zhang, Yejie Cao, Min Zhang, Yingda Huang, Yiguang Wangn Lei Liu et Nanwen Li, « Enhancement of the mechanical properties of anion exchange membranes with bulky imidazolium by “thiol-ene” crosslinking », Journal of Membrane Science, vol. 596, , article no 117700 (DOI10.1016/j.memsci.2019.117700, S2CID213381503, lire en ligne).
↑(en) Latifah A. Adams, Simon D. Poynton, Christelle Tamain, Robert C. T. Slade et John R. Varcoe, « A Carbon Dioxide Tolerant Aqueous-Electrolyte-Free Anion-Exchange Membrane Alkaline Fuel Cell », ChemSusChem, vol. 1, nos 1-2, , p. 79-81 (PMID18605667, DOI10.1002/cssc.200700013, lire en ligne).
↑(en) J. N. Mills, I. T. McCrum et M. J. Janik, « Alkali cation specific adsorption onto fcc(111) transition metal electrodes », Physical Chemistry Chemical Physics, vol. 16, no 27, , p. 13699-13707 (PMID24722828, DOI10.1039/c4cp00760c, lire en ligne).
↑(en) J. R. Varcoe et R. C. T. Slade, « Prospects for Alkaline Anion-Exchange Membranes in Low Temperature Fuel Cells », Fuel Cells, vol. 5, no 2, , p. 187-200 (DOI10.1002/fuce.200400045, lire en ligne).
↑(en) T. J. Omasta, L. Wang, X. Peng, C. A. Lewis, J. R. Varcoe et W. E. Mustain, « Importance of balancing membrane and electrode water in anion exchange membrane fuel cells », Journal of Power Sources, vol. 375, , p. 205-213 (DOI10.1016/j.jpowsour.2017.05.006, lire en ligne).