Il est également connu sous les noms de plume Chrysis, Peter Lewys et Pibrac[3].
Biographie
Famille
Pierre Louÿs est le fils de Pierre Philippe Louis (1812-1889) et de sa deuxième épouse, Claire Céline Maldan (1832-1879), petite-fille de Louise Junot (1772-1820), sœur du duc d'Abrantès, et du docteur Sabatier, médecin de Napoléon. Il est peut-être en réalité le fils de Georges Louis (1847-1917), son demi-frère[4],[5], diplomate en Égypte en qualité de délégué de la France à la Commission de la dette égyptienne (1893-1903), puis ambassadeur de France en Russie (1909-1913), et grand-croix de la Légion d'honneur en 1913[6], fils né d'une première union de leur père. Jusqu'à ce que la mort les sépare, ils échangeront une correspondance quasi quotidienne.
Formation
Louÿs fait ses études à l'École alsacienne de Paris, où il se lie d'amitié avec son condisciple André Gide. Il rédige ses premiers textes durant son adolescence et tient un journal. Encore jeune homme, il commence à s'intéresser au mouvement littéraire du Parnasse, fréquentant les poètes emblématiques, Leconte de Lisle, José-Maria de Heredia (dont il épousera en 1899 la plus jeune fille, Louise). Il évolue aussi dans le réseau symboliste[7], mais Gide écrivait en 1892 : « Louÿs n'est pas symboliste du tout[8]. »
Débuts littéraires
Pierre Louÿs fonde en la revue littéraire La Conque, où sont publiées les œuvres d'auteurs parnassiens et symbolistes, des maîtres servant de modèles, comme Mallarmé, Moréas, Leconte de Lisle ou Verlaine, mais également de jeunes poètes encore inconnus comme Valéry, André Gide et Louÿs lui-même[9].
Son premier recueil de poésies, Astarté, paraît en à compte d'auteur, puis aux Arts indépendants Chrysis ou la cérémonie matinale en , Poésies de Méléagre, traduction, en , Lêda ou la louange des bienheureux ténèbres en , La maison sur le Nil ou les Apparences de la Vertu en , Scènes de la vie des courtisanes de Lucien de Samosate, traduction, en , et la même année Les Chansons de Bilitis qui reste son œuvre la plus connue, et un exemple de mystification littéraire. En effet, Louÿs a fait passer ces poèmes pour une traduction d'une poétesse grecque contemporaine de Sappho.
Ce recueil de courts poèmes en prose est marqué par les influences du Parnasse hellénisant et du symbolisme avec un profond goût de la sensualité, du bucolique (dans sa première partie) et de l'érotisme élégant. Les évocations naturelles et précieuses y côtoient ainsi des scènes érotiques. Ces poèmes inspirèrent certains musiciens, dont Claude Debussy qui en tira trois compositions, avec la collaboration amicale de Louÿs.
Romans
Son premier roman, Aphrodite (mœurs antiques), est publié en au Mercure de France. D'un style associant raffinement extrême, évocations sensuelles et décadentisme recherché, il est, selon Yves-Gérard Le Dantec[10], « le drame sans remède d'une adolescence passée à la recherche de l'amour vrai[11] ». Ce roman connaît un grand succès, aussi bien dans les milieux littéraires post-parnassiens qu'auprès du grand public, grâce à un article louangeur de François Coppée.
Après 1906 il écrit très peu, mais vers 1917 fait paraître Isthi (publié sans nom d'auteur à quelques centaines d'exemplaires), Poétique et surtout son chef-d'œuvre lyrique, le Pervigilium mortis, longtemps resté inédit. Ses Derniers vers, très amers, ne sont pas non plus publiés de son vivant. En , il publie dans la revue littéraire Comœdia un article intitulé « Molière est un chef-d'œuvre de Corneille », annonçant avoir mis au jour une supercherie littéraire, qui est à l'origine du débat de la paternité des œuvres de Molière[13].
Tout au long de sa vie, Louÿs a écrit un très grand nombre de curiosa, doublant notamment ses œuvres publiées d'une version érotique. D'autres textes, souvent ironiques, reprennent sous une forme coquine, voire pornographique, des œuvres sérieuses comme les quatrains de Pybrac ou le Manuel de civilité pour les petites filles à l'usage des maisons d'éducation. Il a également raconté ses difficiles relations avec les trois filles Heredia et leur mère dans Trois filles de leur mère, publié sous le manteau après sa mort, puis officiellement dans le catalogue de Jean-Jacques Pauvert.
Grand connaisseur de la littérature ancienne, Pierre Louÿs était aussi un bibliophile, qui possédait une bibliothèque de plus de 20 000 volumes (dont des unica). Passionné de bibliographie, il publia plusieurs articles sur ces questions et rédigea des milliers de fiches qu'il céda à son ami Frédéric Lachèvre, auteur d'une Bibliographie des recueils collectifs de poésies publiés de 1597 à 1700 qui fait encore référence aujourd'hui. Frédéric Lachèvre a lui-même publié les lettres qu'il a reçues de Pierre Louÿs, après la mort de ce dernier sous le titre, Pierre Louÿs et l'histoire littéraire (Paris, 1925).
Pierre Louÿs fut également photographe et dessinateur. L'éditeur Georges Briffaut publia par exemple en 1938 le recueil La Femme, poèmes accompagnés d'une suite de 16 phototypies d'après ses compositions[14].
À partir de 1917, il vit avec Aline Steenackers (1895-1979), qu'il épouse en 1923. Elle lui donne possiblement[15] trois enfants : Gilles (Paris 15e, 1920 - L'Escarène, 1993), Suzanne (Paris, 1923) et enfin Claudine (Paris 16e, 1925 - Saint-Cloud, 2020).
La fin de sa vie est difficile ; ruiné, paralysé et atteint de cécité partielle, il vit ses dernières années retiré dans la solitude. Mort d'une crise d'emphysème, il est inhumé à Paris, au cimetière du Montparnasse (division 26)[16].
L'œuvre de Pierre Louÿs est entrée dans le domaine public en 2000.
« Ici gît le corps délicat de Lydé, petite colombe, la plus joyeuse de toutes les courtisanes, qui plus que toute autre aima les orgies, les cheveux flottants, les danses molles et les tuniques d’hyacinthe.
Plus que toute autre, elle aima les glottismes savoureux, les caresses sur la joue, les jeux que la lampe voit seule et l’amour qui brise les membres. Et maintenant, elle est une petite ombre.
Mais avant de la mettre au tombeau, on l’a merveilleusement coiffée et on l’a couchée dans les roses ; la pierre même qui la recouvre est tout imprégnée d’essences et de parfums.
Terre sacrée, nourrice de tout, accueille doucement la pauvre morte, endors-la dans tes bras, ô Mère ! et fais pousser autour de la stèle, non les orties et les ronces, mais les tendres violettes blanches. »
— Tombeau d'une jeune courtisane (Les Chansons de Bilitis)
Œuvre
Poésie
Astarté, 1891
Chrysis ou la cérémonie matinale, 1893
Lêda ou la louange des bienheureuses ténèbres, 1894
Ariane ou le chemin de la paix éternelle, 1894
La Maison sur le Nil ou Les apparences de la vertu, 1894
Sanguines, 1903 (comprenant les contes suivants : L'Homme de pourpre, Dialogue au soleil couchant, Une volupté nouvelle, Escale en rade de Nemours, La fausse Esther, La Confession de Melle X, L'Aventure extraordinaire de Mme Esquollier, Une Ascension au Venusberg, La Persienne, Un piano)
Archipel, 1906 (comprenant les articles et contes suivants : La nuit de printemps, L'île mystérieuse, Les chercheurs de trésors, Une fête à Alexandrie, Sports antiques, Lesbos d'aujourd'hui, La femme dans la poésie arabe, La désespérée, Liberté pour l'amour et pour le mariage, Une réforme dangereuse, La ville plus belle que le monument, La statue de la vérité, La censure, Le boulevard, Le capitaine aux guides, Un cas juridique sans précédent)
Son journal est publié après sa mort et complété en 2003 (Mon Journal (-), éd. Alban Cerisier, Les Cahiers de la NRF, 232 p.)
Pierre Louÿs est l'auteur d'une correspondance dont une partie a déjà été publiée avec Claude Debussy, Paul Valéry et André Gide, son frère Georges Louis (Mille Lettres inédites de Pierre Louÿs à Georges Louis 1890-1917, éd. Jean-Paul Goujon, Fayard, 1320 p.) ou (Correspondance inédite, éd. Jean-Paul Goujon, Champion, 2006)
Une compilation du meilleur des recueils Sanguines et Archipel, selon l'auteur, est publiée sous le titre L'homme de pourpre (éd. Le Castor Astral)
↑Jean d'Ormesson, Saveur du temps, éditions Héloïse d'Ormesson, , 224 p. (ISBN978-2-35087-306-0, lire en ligne), « Pierre Louÿs : ombres et lumières d'un poète libertin ».
↑Michel Bounan, « Pierre Louÿs et l'inconvenance », dans Pierre Louÿs, Manuel de civilité pour les petites filles à l'usage des maisons d'éducation, éditions Allia, , 108 p. (ISBN978-2-904235-43-6, lire en ligne).
↑Michel Wattel et Béatrice Wattel, Les Grand’Croix de la Légion d’honneur : De 1805 à nos jours, titulaires français et étrangers, Paris, Archives et Culture, 2009, p. 270.
↑André Barre, Le Symbolisme : essai historique sur le mouvement symboliste en France de 1885 à 1900, suivi d’une bibliographie de la poésie symboliste, Paris, B. Franklin, , ix, 411, in-8° (OCLC556941818, lire en ligne), p. 421.
↑François Lesure, Claude Debussy, biographie critique, Fayard, , p. 168.
↑(en) David J. Niederauer, Pierre Louÿs : His Life and Art, Paris, David J. Niederauer, , 300 p. (ISBN978-0-920050-97-2, lire en ligne), p. 109.
↑Dictionnaire des auteurs Laffont-Bompiani, 1983, vol. III, p. 181.
↑Jean-Pierre Rioux, Nationalisme et conservatisme : la Ligue de la patrie française, 1899-1904, Paris, Beauchesne, (lire en ligne).
↑L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, t. 79, Paris, Benjamin Duprat, , 392 p. (lire en ligne), p. 198.
↑La Femme, Paris, Trente-neuf poèmes érotiques inédits, avec seize dessins de l’auteur reproduits en fac-similé et un portrait gravé par P.-A. Laurens, Mytilène, À l’enseigne de Bilitis [Georges Briffaut], 1938 — sur Marie-Saint Germain.
↑Voir le site internet consacré à Pierre Louÿs ; il existe un doute sur ces paternités tardives.
Jean-Paul Goujon, Dossier secret Pierre-Louÿs-Marie de Régnier, Paris, Christian Bourgois, 2002, 188 p. (ISBN9782267016314)
Vincent Bernière, « Pierre Louÿs et Jacobsen : Carnet de bal », dans Les 100 plus belles planches de la BD érotique, Beaux-Arts éditions, (ISBN979-1020402011), p. 38-39.
Divers
Yves-Gérard Le Dantec, « Pierre Louÿs », in Dictionnaire des auteurs Laffont-Bompiani, 1983, vol. III, p. 181
Gérard Manset lui consacre son 21e album, une suite de 18 titres, intitulé Opération Aphrodite, sorti le .