Pierre Bolotte

Pierre Bolotte
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Fonctions
Préfet de la Seine-Maritime
-
Directeur général des collectivités locales
-
Préfet de la Seine-Saint-Denis
-
Jean Riolacci (d)
Préfet de Guadeloupe
-
Albert Bonhomme (d)
Jean Deleplanque (d)
Biographie
Naissance
Décès
Nationalité
Formation
Activité
Autres informations
Distinctions
Archives conservées par
Archives nationales (19930584/9)[1]
Fondation nationale des sciences politiques (Fonds Pierre Bolotte, PB, Département archives, DRIS, Sciences Po)[2]Voir et modifier les données sur Wikidata

Pierre Jacques Bolotte, né le à Neuilly-sur-Seine (France) et mort le 23 à Paris, est un haut fonctionnaire français[3].

Administrateur du régime de Vichy puis administrateur colonial conservateur, il s'engage dans la répression en Indochine, puis pendant la guerre d'Algérie, où il couvre et soutient les exactions des militaires français, s'oppose à Paul Teitgen et empêche la commission d'enquête menée par Maurice Garçon d'accéder aux documents qu'elle demande.

Alors qu'il est en poste en Guadeloupe, il tente de mettre en place, par des moyens extra-légaux, une politique d'avortements forcés. En Guadeloupe, il ordonne à la police de tirer sur les manifestants, y compris des lycéens ou de simples passants, pendant les manifestations des 26 et 27 mai 1967 qui font suite à une agression raciste. Le bilan du massacre s'élève à entre 7 et 87 (bilans officiels) et entre 80 et plus de 200 morts (bilan des historiens).

De retour en France métropolitaine, il est nommé préfet de Seine-Saint-Denis, demande l'autorisation au Ministère de l'Intérieur puis crée la Brigade anti-criminalité (BAC), héritière de la BNA (Brigade nord-africaine) et qui est généralisée ensuite sur tout le territoire français.

Les chercheurs mettent son action en relation avec celles de Maurice Papon et de François Le Mouël (fondateur de la BRI) dans la répression des minorités ethniques en France.

Biographie

Naissance et jeunesse

Pierre Bolotte naît le à Neuilly-sur-Seine[4]. Il est le fils du médecin général Marcel Bolotte et de son épouse Suzanne Fraisse[3]. Il fréquente des établissements parisiens (collège Stanislas, lycée Louis-le-Grand)[3]. Après des études de lettres (licence d'histoire, DES de philosophie), il est diplômé de l’École libre des sciences politiques[4],[3]. Le , il épouse Anne-Marie Guion avec laquelle il a deux enfants[3].

Vichy et Libération

Il devient chef adjoint du cabinet (CAC) du préfet du Morbihan Roger Constant le [5] (donc sous le régime de Vichy) et, à la Libération, il poursuit sa carrière dans le corps préfectoral[6], et devient directeur du cabinet du ministre de l'Information Pierre-Henri Teitgen, puis de J. Schuller, commissaire de la République à Poitiers[4] en [3].

En août de la même année, il est nommé à Baden-Baden chef de cabinet d’Émile Laffon, administrateur de la zone d'occupation française en Allemagne[4],[3], où il ne fait pas appliquer les demandes Alliées d'un processus de dénazification[7]. Il est appelé ensuite dans divers cabinets ministériels : ministère de la Reconstruction, de la Marine et celui du président du Conseil[4].

Indochine et Algérie

En 1950, il est envoyé en Indochine, dans le cabinet civil du maréchal de Lattre de Tassigny[4]. Il y fait de la « pacification sans se soucier du sort de la population », dans un premier temps, selon ses termes, puis essaie de rallier les vietnamiens à la République du Viêt Nâm[8]. Il fait ensuite un passage à Pointe-à-Pitre au secrétariat général du département de la Guadeloupe (1951-1952), puis rentre en métropole comme directeur adjoint de plusieurs ministères[3]. Il retourne en Indochine en 1953, cette fois au cabinet de Marc Jacquet, ministre chargé des Relations avec les États associés[4]. En 1954, avec le grade de sous-préfet de 1re classe[3], il est nommé chef de cabinet auprès du préfet chargé des relations de l’État français avec le Conseil de l'Europe, à Strasbourg[4].

En 1955, il est nommé sous-préfet de MilianaMiliana)[4],[3], chef d'état-major mixte[3] puis directeur de cabinet du préfet d'Alger[4],[3]. Il atteint le grade de sous-préfet hors-classe en 1956[3]. En 1957, pendant la bataille d'Alger, il est lui-même placé sur écoutes par Robert Lacoste et Charles Ceccaldi-Raynaud[9]. Pendant son passage à Alger, il s'oppose à Paul Teitgen, se rend complice des exactions des militaires et parvient à refuser aux membres de la commission d'enquête diligentée par le gouvernement français, comme l'avocat Maurice Garçon, de consulter les documents sur la répression[10]. Dans des notes secrètes, il qualifie les méthodes employées par les militaires pendant la bataille d'Alger comme « nouvelles » et « excellentes »[11].

Outre-Mers et massacre de mai 1967

Entre 1958 et 1962, il est secrétaire général à la préfecture de Saint-Denis de la Réunion[4],[3] après un passage au ministère de la France d'Outre-mer[3]. Il franchit les grades : sous-préfet hors-classe spéciale (1961), puis hors-cadre (1962)[3]. De 1962 à 1965, il travaille au ministère de l'Intérieur, au cabinet du préfet J. Aubert, directeur de cabinet du ministre[4].

En 1965, il est nommé préfet de la Guadeloupe[4] puis passe préfet hors-cadre[3]. En poste en Guadeloupe, il essaie de mettre en place une politique d'avortements et de contraceptions forcés sur la population locale. Pour ce faire, il met en place des structures extra-légales pour forcer les Guadeloupéens à subir des avortements[12]. Il échoue, notamment en raison d'un conflit avec l'évêque de l'île, qui s'y oppose[13].

De surcroît, il dirige la répression des manifestations des 26 et 27 mai 1967 qui faisaient suite à un incident raciste[14] en ordonnant l'ouverture du feu[15],[16] sur les manifestants de la place de la Victoire[17], y compris sur les lycéens ou des passants. Il demande que les manifestations soient « jugulées sans faiblesse »[18]. La répression dure trois jours où toute personne de couleur sortant dans la rue peut se faire tirer dessus par les forces de l'ordre[17].

Pour les autorités françaises, les bilans vont de 7 morts[15] jusqu'à plus de 80 morts[19], 87 selon le secrétaire d’État aux DOM-TOM Georges Lemoine, en 1985, utilisant des sources administratives, dont les Renseignements généraux (RG)[17]. Trente gendarmes sont blessés[20]. Les documents relatifs au massacre sont scellés sous statut Secret défense jusqu'en 2017. Les estimations des historiens varient entre 80 et plus de 200 morts, une tâche rendue ardue par la destruction d'une partie importante des archives disponibles sur le massacre[21].

Seine Saint-Denis, création de la BAC et fin de carrière

En 1967, il est nommé secrétaire général à la Délégation générale à la recherche scientifique et technique (DGRST), où il reste deux ans, avant de devenir en 1969, préfet du département de la Seine-Saint-Denis, nouvellement créé[4]. Il propose au Ministère de l'Intérieur, puis crée et met en place la première brigade anti-criminalité (BAC) sur le modèle de la Brigade nord-africaine à Saint-Denis en 1971[19],[22],[23]. Cette nouvelle organisation cible principalement les personnes d'origine Nord-Africaine en France et s'illustre par ses actions violentes[24].

Il s'oppose aussi à l'implantation d'universitaires en Seine-Saint-Denis, en raison de divergences politiques avec les universitaires de l'Université Paris-VIII-Vincennes–Saint-Denis, car il est profondément conservateur[25].

Il est promu au grade d'officier dans l'ordre national du Mérite[26]. En 1974, il est nommé directeur général des collectivités locales au ministère de l'Intérieur. En 1977, il est nommé préfet de la région de Haute-Normandie[4] et de la Seine-Maritime[3]. En 1982, il est nommé conseiller maître à la Cour des comptes[4] puis prend sa retraite de la fonction publique en 1986[3].

Carrière politique et décès

En 1983, il est élu conseiller municipal, puis adjoint au maire du 16e arrondissement de Paris, jusqu'en 2001 où il décide de prendre sa retraite[4]. Il a exercé la présidence de l'Association pour la connaissance et la mise en valeur du patrimoine[4]. Il est inhumé le [27].

Héritage

Son parcours est pris comme exemple par Martin Mourre comme illustration « de ces trajectoires particulièrement répressives de haut-fonctionnaires qui se sont illustrés à la fois dans l’espace impérial et en métropole »[28]. Son action est aussi mise en relation avec celles d'autres administrateurs coloniaux, comme Maurice Papon ou François Le Mouël (le fondateur de la BRI), par Routledge[29] :

« Comme Papon, le commissaire François Le Mouël passe les premières années de la campagne française en Algérie à travailler à la police judiciaire, avant de diriger des policiers parisiens harcelant les Nord-Africains de retour en France. Une décennie plus tard, il élabore le concept d'«anti-criminalité», selon lequel la lutte contre la criminalité consiste à «pénétrer la population» pour capturer «l'ennemi intérieur». Alors que tout au long de la première moitié du XXe siècle, l'État français justifie le contrôle policier des Africains comme moyen de «sauver l'empire des agitateurs indigènes indisciplinés», sa rhétorique à partir des années 1970 évolue vers le devoir impérieux de «protéger la nation des voyous criminels dangereux», c'est-à-dire de jeunes hommes en majorité non blancs, issus de milieux défavorisés en banlieue. La Brigade anti-criminalité (BAC) est créée dans la région parisienne en 1971 par Pierre Bolotte, un ancien officier colonial en Indochine et en Algérie, qui a été à la tête de la violente répression étatique de la grève des travailleurs de mai 1967 en Guadeloupe, causant la mort de dizaines de manifestants. Tout au long des années 1980, le discours politique façonne le concept d'«émeute», ignorant tout contexte structurel, comme preuve indiscutable de la bestialité des jeunes des banlieues non blancs, légitimant la mainmise de la police sur les cités ; des «réserves de chasse policières» gérées comme des «enclaves endo-coloniales». »

Récompenses et distinctions

Décorations

Notes et références

  1. « http://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/UD/FRAN_IR_001514/d_214 »
  2. « https://archives.sciencespo.fr/archive/egf/FR_751079802_580103/view:740 », sous le nom Fonds Pierre Bolotte, PB, Département archives, DRIS, Sciences Po (consulté le )
  3. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u et v Biographie de Pierre Bolotte, Who’s Who in France en ligne, page consultée le 15 février 2017.
  4. a b c d e f g h i j k l m n o p q et r Centre d'histoire de Sciences Po, Pierre Bolotte, notice biographique, consulté le 15 février 2017.
  5. René Bargeton, Dictionnaire biographique des préfets (septembre 1870-mai 1982), Paris, Archives nationales, , 555 p. (ISBN 2-86000-232-4), « Bolotte (Pierre Jacques) », p. 99-100.
  6. Jean-Marc Le Page, Les services secrets en Indochine, Nouveau Monde éditions, , 528 p. (ISBN 978-2-36942-024-8, lire en ligne)
  7. (en) Julia Wambach, « Vichy in Baden-Baden – The Personnel of the French Occupation in Germany after 1945 », Contemporary European History, vol. 28, no 3,‎ , p. 319–341 (ISSN 0960-7773 et 1469-2171, DOI 10.1017/S0960777318000462, lire en ligne, consulté le )
  8. Jean-Marc Le Page, « 1952 : une lueur d’espoir sur le front de la pacification en Indochine: », Guerres mondiales et conflits contemporains, vol. N° 287, no 3,‎ , p. 81–95 (ISSN 0984-2292, DOI 10.3917/gmcc.287.0081, lire en ligne, consulté le )
  9. Fabrice Arfi, « De Gaulle et la guerre d’Algérie : dans les nouvelles archives de la raison d’État | Panoramiques », sur Mediapart, (consulté le )
  10. Fabrice Riceputi, « Paul Teitgen et la torture pendant la guerre l�Alg�rie: Une trahison r�publicaine », 20 & 21. Revue d'histoire, vol. N�142, no 2,‎ , p. 3 (ISSN 2649-664X et 2649-6100, DOI 10.3917/vin.142.0003, lire en ligne, consulté le )
  11. « La Revue des droits de l’homme - Revue du Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux », sur journals.openedition.org (consulté le )
  12. Francis Sanseigne, « L’État contre lui-même: Contraception et illégalismes d’État de la métropole aux DOM (1961-1967) », Genèses, vol. n° 121, no 4,‎ , p. 52–75 (ISSN 1155-3219, DOI 10.3917/gen.121.0052, lire en ligne, consulté le )
  13. Michelle Zancarini-Fournel, « Contraception et avortement dans les Antilles françaises (Guadeloupe et Martinique, 1964-1975) », Clio. Femmes, Genre, Histoire, no 50,‎ , p. 87–108 (ISSN 1252-7017, DOI 10.4000/clio.17067, lire en ligne, consulté le )
  14. Alex Mahoudeau, « Mathieu Rigouste, La Domination Policière. Une violence industrielle », Carnets de géographes, no 15,‎ (ISSN 2107-7266, DOI 10.4000/cdg.7523, lire en ligne, consulté le )
  15. a et b Béatrice Gurrey, « Quarante ans de silence et toujours pas de bilan authentifié », Le Monde, 26 mai 2009, consulté le 15 février 2017.
  16. Oana Panaïté, Reading Communities: A Dialogical Approach to French and Francophone Literature / Communautés de lecture, Cambridge Scholars Publishing, (ISBN 978-1-4438-9856-0, lire en ligne)
  17. a b et c François-Xavier Gomez, « « Mé 67 », la mémoire d'un massacre en Guadeloupe », Libération, 7 mai 2015.
  18. Elsa DORLIN et Mathieu RIGOUSTE, Guadeloupe, mai 67: Massacrer et laisser mourir, Libertalia, (ISBN 978-2-37729-269-1, lire en ligne)
  19. a et b Warda Mohamed, « Affaire Théo » : les violences et sévices sexuels perpétrés par des policiers sont-ils exceptionnels ?, Bastamag, 14 février 2017, consulté le 15 février 2017.
  20. Oana Panaïté, Reading Communities : A Dialogical Approach to French and Francophone, Newcastle, Cambridge Scholars Publishing, , 210 p. (ISBN 978-1-4438-9856-0, lire en ligne), p. 52
  21. Gladys M. Francis, « Dialogisme, exotisme et chaos en milieu antillais: André Breton et Gerty Dambury », Cambridge Scholars Publishing,‎ (lire en ligne, consulté le ) :

    « La France dépêche des gendarmes mobiles sur l'île peu après l'ordonnance du préfet Pierre Bolotte qui autorise des CRS, tous blancs, à tirer sur les manifestants qui incluent des lycéens de Baimbridge protestant contre les tueries de badauds de la veille. Ces émeutes causent la mort de 80 à 200 ouvriers et passants guadeloupéens, contre 30 gendarmes blessés. Des syndicalistes et passants sont arrêtés, maltraités en prison et acquittés sous de faux chefs d'accusation. Au dossier de ces émeutes promptement scellé sous statut "secret défense" (jusqu'en 2017) se joint la destruction d'archives municipales et hospitalières qui accentuent le flou du compte des victimes. »

  22. Mathieu Rigouste, La domination policière: Édition augmentée, La fabrique éditions, (ISBN 978-2-35872-260-5, lire en ligne)
  23. Aya Cissoko, Au nom de tous les tiens, Seuil, (ISBN 978-2-02-150698-3, lire en ligne)
  24. Mathilde Blézat, Tifenn Hermelin, Le jiu-jitsu pratique et Charles Péchard, « Ceci n’est pas une bavure: Crimes policiers et luttes contre le permis de tuer », Z : Revue itinérante d’enquête et de critique sociale, vol. N° 8, no 1,‎ , p. 90–101 (ISSN 2101-4787, DOI 10.3917/rz.008.0090, lire en ligne, consulté le )
  25. Marc Giovaninetti, « Les implantations universitaires en Seine-Saint-Denis, 1967-1981 : tensions et contradictions politiques et structurelles: », Espaces et sociétés, vol. n° 159, no 4,‎ , p. 77–94 (ISSN 0014-0481, DOI 10.3917/esp.159.0077, lire en ligne, consulté le )
  26. Marchés tropicaux et méditerranéens, vol. 23, (lire en ligne), p. 316
  27. a et b Fred Réno, Jean-Claude William et Fabienne Alvarez, Mobilisations sociales aux Antilles : les événements de 2009 dans tous leurs sens, Paris, KARTHALA Editions, , 370 p. (ISBN 978-2-8111-0650-8, lire en ligne), p. 346
  28. Martin Mourre, « L’Armée, la haute function publique et le massacre de Thiaroye en 1944 au Sénégal: Bureaucratie impériale et petits meurtres entre amis », French Politics, Culture & Society, vol. 40, no 1,‎ , p. 107–127 (ISSN 1537-6370 et 1558-5271, DOI 10.3167/fpcs.2022.400105, lire en ligne, consulté le )
  29. (en) Chris Cunneen, Antje Deckert, Amanda Porter et Juan Tauri, The Routledge International Handbook on Decolonizing Justice, Routledge, (ISBN 978-1-003-17661-9, DOI 10.4324/9781003176619, lire en ligne)
  30. Bulletin officiel des décorations, médailles et récompenses no 9 du 21 août 1999.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes