Administrateur du régime de Vichy puis administrateur colonial conservateur, il s'engage dans la répression en Indochine, puis pendant la guerre d'Algérie, où il couvre et soutient les exactions des militaires français, s'oppose à Paul Teitgen et empêche la commission d'enquête menée par Maurice Garçon d'accéder aux documents qu'elle demande.
Alors qu'il est en poste en Guadeloupe, il tente de mettre en place, par des moyens extra-légaux, une politique d'avortements forcés. En Guadeloupe, il ordonne à la police de tirer sur les manifestants, y compris des lycéens ou de simples passants, pendant les manifestations des 26 et 27 mai 1967 qui font suite à une agression raciste. Le bilan du massacre s'élève à entre 7 et 87 (bilans officiels) et entre 80 et plus de 200 morts (bilan des historiens).
Les chercheurs mettent son action en relation avec celles de Maurice Papon et de François Le Mouël (fondateur de la BRI) dans la répression des minorités ethniques en France.
En 1950, il est envoyé en Indochine, dans le cabinet civil du maréchal de Lattre de Tassigny[4]. Il y fait de la « pacification sans se soucier du sort de la population », dans un premier temps, selon ses termes, puis essaie de rallier les vietnamiens à la République du Viêt Nâm[8]. Il fait ensuite un passage à Pointe-à-Pitre au secrétariat général du département de la Guadeloupe (1951-1952), puis rentre en métropole comme directeur adjoint de plusieurs ministères[3]. Il retourne en Indochine en 1953, cette fois au cabinet de Marc Jacquet, ministre chargé des Relations avec les États associés[4]. En 1954, avec le grade de sous-préfet de 1re classe[3], il est nommé chef de cabinet auprès du préfet chargé des relations de l’État français avec le Conseil de l'Europe, à Strasbourg[4].
En 1955, il est nommé sous-préfet de Miliana (à Miliana)[4],[3], chef d'état-major mixte[3] puis directeur de cabinet du préfet d'Alger[4],[3]. Il atteint le grade de sous-préfet hors-classe en 1956[3]. En 1957, pendant la bataille d'Alger, il est lui-même placé sur écoutes par Robert Lacoste et Charles Ceccaldi-Raynaud[9]. Pendant son passage à Alger, il s'oppose à Paul Teitgen, se rend complice des exactions des militaires et parvient à refuser aux membres de la commission d'enquête diligentée par le gouvernement français, comme l'avocat Maurice Garçon, de consulter les documents sur la répression[10]. Dans des notes secrètes, il qualifie les méthodes employées par les militaires pendant la bataille d'Alger comme « nouvelles » et « excellentes »[11].
Outre-Mers et massacre de mai 1967
Entre 1958 et 1962, il est secrétaire général à la préfecture de Saint-Denis de la Réunion[4],[3] après un passage au ministère de la France d'Outre-mer[3]. Il franchit les grades : sous-préfet hors-classe spéciale (1961), puis hors-cadre (1962)[3]. De 1962 à 1965, il travaille au ministère de l'Intérieur, au cabinet du préfet J. Aubert, directeur de cabinet du ministre[4].
En 1965, il est nommé préfet de la Guadeloupe[4] puis passe préfet hors-cadre[3]. En poste en Guadeloupe, il essaie de mettre en place une politique d'avortements et de contraceptions forcés sur la population locale. Pour ce faire, il met en place des structures extra-légales pour forcer les Guadeloupéens à subir des avortements[12]. Il échoue, notamment en raison d'un conflit avec l'évêque de l'île, qui s'y oppose[13].
De surcroît, il dirige la répression des manifestations des 26 et 27 mai 1967 qui faisaient suite à un incident raciste[14] en ordonnant l'ouverture du feu[15],[16] sur les manifestants de la place de la Victoire[17], y compris sur les lycéens ou des passants. Il demande que les manifestations soient « jugulées sans faiblesse »[18]. La répression dure trois jours où toute personne de couleur sortant dans la rue peut se faire tirer dessus par les forces de l'ordre[17].
Pour les autorités françaises, les bilans vont de 7 morts[15] jusqu'à plus de 80 morts[19], 87 selon le secrétaire d’État aux DOM-TOM Georges Lemoine, en 1985, utilisant des sources administratives, dont les Renseignements généraux (RG)[17]. Trente gendarmes sont blessés[20]. Les documents relatifs au massacre sont scellés sous statut Secret défense jusqu'en 2017. Les estimations des historiens varient entre 80 et plus de 200 morts, une tâche rendue ardue par la destruction d'une partie importante des archives disponibles sur le massacre[21].
Seine Saint-Denis, création de la BAC et fin de carrière
Il est promu au grade d'officier dans l'ordre national du Mérite[26]. En 1974, il est nommé directeur général des collectivités locales au ministère de l'Intérieur. En 1977, il est nommé préfet de la région de Haute-Normandie[4] et de la Seine-Maritime[3]. En 1982, il est nommé conseiller maître à la Cour des comptes[4] puis prend sa retraite de la fonction publique en 1986[3].
Carrière politique et décès
En 1983, il est élu conseiller municipal, puis adjoint au maire du 16e arrondissement de Paris, jusqu'en 2001 où il décide de prendre sa retraite[4]. Il a exercé la présidence de l'Association pour la connaissance et la mise en valeur du patrimoine[4]. Il est inhumé le [27].
Héritage
Son parcours est pris comme exemple par Martin Mourre comme illustration « de ces trajectoires particulièrement répressives de haut-fonctionnaires qui se sont illustrés à la fois dans l’espace impérial et en métropole »[28]. Son action est aussi mise en relation avec celles d'autres administrateurs coloniaux, comme Maurice Papon ou François Le Mouël (le fondateur de la BRI), par Routledge[29] :
« Comme Papon, le commissaire François Le Mouël passe les premières années de la campagne française en Algérie à travailler à la police judiciaire, avant de diriger des policiers parisiens harcelant les Nord-Africains de retour en France. Une décennie plus tard, il élabore le concept d'«anti-criminalité», selon lequel la lutte contre la criminalité consiste à «pénétrer la population» pour capturer «l'ennemi intérieur». Alors que tout au long de la première moitié du XXe siècle, l'État français justifie le contrôle policier des Africains comme moyen de «sauver l'empire des agitateurs indigènes indisciplinés», sa rhétorique à partir des années 1970 évolue vers le devoir impérieux de «protéger la nation des voyous criminels dangereux», c'est-à-dire de jeunes hommes en majorité non blancs, issus de milieux défavorisés en banlieue.
La Brigade anti-criminalité (BAC) est créée dans la région parisienne en 1971 par Pierre Bolotte, un ancien officier colonial en Indochine et en Algérie, qui a été à la tête de la violente répression étatique de la grève des travailleurs de mai 1967 en Guadeloupe, causant la mort de dizaines de manifestants. Tout au long des années 1980, le discours politique façonne le concept d'«émeute», ignorant tout contexte structurel, comme preuve indiscutable de la bestialité des jeunes des banlieues non blancs, légitimant la mainmise de la police sur les cités ; des «réserves de chasse policières» gérées comme des «enclaves endo-coloniales». »
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↑Alex Mahoudeau, « Mathieu Rigouste, La Domination Policière. Une violence industrielle », Carnets de géographes, no 15, (ISSN2107-7266, DOI10.4000/cdg.7523, lire en ligne, consulté le )
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↑Oana Panaïté, Reading Communities : A Dialogical Approach to French and Francophone, Newcastle, Cambridge Scholars Publishing, , 210 p. (ISBN978-1-4438-9856-0, lire en ligne), p. 52
↑Gladys M. Francis, « Dialogisme, exotisme et chaos en milieu antillais: André Breton et Gerty Dambury », Cambridge Scholars Publishing, (lire en ligne, consulté le ) :
« La France dépêche des gendarmes mobiles sur l'île peu après l'ordonnance du préfet Pierre Bolotte qui autorise des CRS, tous blancs, à tirer sur les manifestants qui incluent des lycéens de Baimbridge protestant contre les tueries de badauds de la veille. Ces émeutes causent la mort de 80 à 200 ouvriers et passants guadeloupéens, contre 30 gendarmes blessés. Des syndicalistes et passants sont arrêtés, maltraités en prison et acquittés sous de faux chefs d'accusation. Au dossier de ces émeutes promptement scellé sous statut "secret défense" (jusqu'en 2017) se joint la destruction d'archives municipales et hospitalières qui accentuent le flou du compte des victimes. »
↑Mathilde Blézat, Tifenn Hermelin, Le jiu-jitsu pratique et Charles Péchard, « Ceci n’est pas une bavure: Crimes policiers et luttes contre le permis de tuer », Z : Revue itinérante d’enquête et de critique sociale, vol. N° 8, no 1, , p. 90–101 (ISSN2101-4787, DOI10.3917/rz.008.0090, lire en ligne, consulté le )
↑Marc Giovaninetti, « Les implantations universitaires en Seine-Saint-Denis, 1967-1981 : tensions et contradictions politiques et structurelles: », Espaces et sociétés, vol. n° 159, no 4, , p. 77–94 (ISSN0014-0481, DOI10.3917/esp.159.0077, lire en ligne, consulté le )
↑Marchés tropicaux et méditerranéens, vol. 23, (lire en ligne), p. 316
↑ a et bFred Réno, Jean-Claude William et Fabienne Alvarez, Mobilisations sociales aux Antilles : les événements de 2009 dans tous leurs sens, Paris, KARTHALA Editions, , 370 p. (ISBN978-2-8111-0650-8, lire en ligne), p. 346
↑Martin Mourre, « L’Armée, la haute function publique et le massacre de Thiaroye en 1944 au Sénégal: Bureaucratie impériale et petits meurtres entre amis », French Politics, Culture & Society, vol. 40, no 1, , p. 107–127 (ISSN1537-6370 et 1558-5271, DOI10.3167/fpcs.2022.400105, lire en ligne, consulté le )