De 1853 à 1896, il participe à des dizaines de soutenances de thèses de doctorat, en qualité de membre du jury[2].
Il devient professeur de philosophie morale à Bourges (1845-1848), à Strasbourg (1848-1857), puis de logique au lycée Louis-le-Grand à Paris (1857-1864). À partir de 1862, il est professeur suppléant de philosophie à la Sorbonne puis en 1864, il occupe la chaire d'histoire de la philosophie dans cette université jusqu'en 1898[5].
On lui doit en outre (avant Bergson) des considérations novatrices sur la durée de la vie. Il postule l'idée selon laquelle le temps passe plus vite au fur et à mesure que l'on grandit, cela étant dû au fait que l'homme a une vision subjective de la temporalité. Concrètement, le temps passe plus vite car « lorsque l’on a 10 ans, une année représente 10 % de notre vie, et semble vraiment une durée très longue. En revanche, à 50 ans, une année ne représente plus que 2 % de notre vie, et peut sembler durer 5 fois moins longtemps[8]. »
Dans son œuvre principale, La Morale, il développe une philosophie éthique qu'il qualifie lui-même d'eudémonisme rationnel« opposé d'un côté à l'eudémonisme utilitaire, et de l'autre au formalisme trop abstrait de la morale de Emmanuel Kant, mais en même temps les conciliant l'un et l'autre »[9]. Antonin-Gilbert Sertillanges reprendra à son compte cette conception[10]. Paul Janet qualifie également sa doctrine de déontologisme en le reliant cependant à un éclectisme éthique visant à concilier aussi bien Aristote que Kant ou John Stuart Mill.
Pour y parvenir, il part du principe selon lequel le bien moral suppose un bien naturel qui lui sert de fondement. Ce bien naturel n'est pas le plaisir mais l'excellence, ce qu'il y a de meilleur dans les biens extérieurs, puis dans le corps humain, puis dans l'âme. Et ce qu'il y a de meilleur dans l'âme est « la personnalité, c'est-à-dire la volonté raisonnable » en tant qu'elle s'unit avec la personnalité des autres hommes dans la fraternité et avec des biens impersonnels comme le beau, le vrai, le saint[11]. La distinction entre bien et plaisir signifie que tout plaisir n'est pas forcément un bien, mais non que tout bien ne soit pas un plaisir en quelques façons. Il y a du plaisir à agir comme le voulait Aristote, et l'action excellente apporte donc le plaisir le plus élevé, ce qui revient au bonheur, de sorte qu'il n'y a pas à opposer comme Kant la valeur morale et la nature humaine, ce qui serait contradictoire, mais plutôt à les accorder comme l'ont compris, selon Janet, les utilitaristes comme Bentham ou Mill. Seulement le bonheur n'est pas comme le pense Bentham le résultat d'un calcul aboutissant à combiner un maximum de plaisirs, c'est « la plus haute joie, le plus pur plaisir ».
Mais cette doctrine du bonheur est aussi une doctrine du devoir, c'est-à-dire de la loi qui consiste à chercher notre perfection, notre plus haut accomplissement moral possible qui est aussi le bonheur comme joie la plus haute. Comme le bien moral découle du bien naturel, « le devoir consiste à faire le bien. - Le bien consiste à faire son devoir. En d'autres termes, le devoir consiste à rechercher ce qui est naturellement bon ; et l'acte moralement bon est celui qui est fait par devoir. » ce qui s'accorde avec la doctrine morale de Kant.
↑Paul Janet, De plastica naturae vita quae a Cudwortho in systemate intellectuali celebratur [en ligne], Paris, Joubert, 1848, 60 p., URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5328207b, consulté le 11 décembre 2023.
↑ a et bChristophe Charle, « 60. Janet (Paul, Alexandre, René) », Publications de l'Institut national de recherche pédagogique, vol. 2, no 1, , p. 101–102 (lire en ligne, consulté le )
↑Gérard Vincent et Anne-Marie Dethomas, Sciences po: Histoire d'une réussite, Plon (réédition numérique FeniXX), (ISBN978-2-259-26077-0, lire en ligne)