En ce qui concerne son histoire récente, la ville est prise par l'organisation terroriste État islamique à l'été 2014, Abou Bakr al-Baghdadi s'y proclame calife, et elle devient la « capitale » de l'EI, jusqu'à sa reprise par les forces armées irakiennes en 2017, après des combats et des bombardements qui l'ont partiellement détruite. La vieille ville, où se trouvait le patrimoine culturel, est quant à elle totalement détruite.
Géographie
Mossoul se trouve sur les rives du Tigre (cinq ponts permettaient avant la guerre de franchir le fleuve), à environ 350 km au nord de Bagdad et à une centaine de kilomètres des frontières syrienne et turque.
La partie est de la ville est parcourue par la rivière Khosr qui se jette dans le Tigre au niveau du premier pont(ar) (ou « vieux pont », ou « pont de fer »).
Démographie
Avant la Seconde guerre civile irakienne, la ville comptait environ 2,7 millions d'habitants, ce qui en faisait la deuxième ville irakienne au regard de la population, après Bagdad et avant Bassorah.
En 2023, Mossoul comptait 1,7 million d'habitants, soit davantage que le 1,3 million qui y vivait en 2014, quand Daech conquit la ville[2].
Toponymie
Son nom arabe de Mossoul, Al-Mawssil (ou Al-Moussel), lui a été attribué par ces derniers lorsqu'ils ont conquis la région au VIIe siècle et fait référence à un ancien pont de bateaux qui permettait de traverser le Tigre, puisqu'en arabe le verbe waSala signifie « relier »[3].
Auparavant, la ville se nommait Ninuwa ou Ninwa, selon les formes akkadiennes ou assyriennes retrouvées sur des tablettes cunéiformes, transcrit en Ninive en français, et dont l'étymologie est obscure[4]. Le nom de Ninawa est mentionné à 34 reprises dans la Bible.
On appelle aussi cette ville du nom de Oumou Rabïain qui veut dire littéralement « mère de deux printemps » parce qu’elle bénéficie en automne d'une deuxième saison printanière.
De Mossoul dérive le nom de mousseline (une autre origine du nom de ce tissu peut être aussi Maisolos, le port indien qui exportait les tissus produits à Mossoul[5]), désignant d'abord une étoffe fine et transparente originaire de cette ville[6]. Par analogie, le terme est passé en cuisine pour qualifier une préparation légère à laquelle est généralement ajoutée de la crème fouettée.
Cité liée à l'histoire biblique du prophète Jonas, la capitale de l'Empire assyrien, Ninive située dans les quartiers de la rive est du Tigre, connut son âge d'or durant le VIIIe siècle av. J.-C. L'héritage archéologique de la ville témoigne de la vitalité de la culture assyrienne dont la grande bibliothèque d’Assurbanipal fut l'illustration.
Ninive est tombée dans les mains des Chaldéens en l'an 611 av. J.-C., marquant la fin de l'Empire assyrien.
À la veille de la conquête musulmane, Ninive devient une importante métropole régionale. Peuplée essentiellement de chrétiens d'obédience nestorienne, elle abrite les tombes de plusieurs évangélisateurs.
Aujourd'hui, le nom de Ninive est donné à la fois au site archéologique de la ville et à la province qui s'étend sur une vaste plaine aux alentours de Mossoul.
Prise en 641 par les Arabes, l'antique cité de Ninive est peu à peu délaissée au profit de sa voisine Mossoul, établie de l'autre côté du Tigre. Celle-ci devient alors le principal pôle commercial de la région en raison de son emplacement, au carrefour des routes de caravanes entre la Syrie et la Perse. C'est à cette époque que Mossoul devient réputée grâce à ses tissus fins de coton, les mousselines, ainsi que pour son marbre.
Au Xe siècle, sous la dynastie arabe des Hamdanides, l'émirat de Mossoul, vassal du califatabbasside, acquiert une quasi-indépendance. Au XIe siècle, il forme une des principautés soumises à la dynastie turque des Seldjoukides, puis à celle des Zengides.
Promise à la souveraineté française par les accords Sykes-Picot de 1916, ce sont les Britanniques qui l'occupent en 1918, puis l'administrent. La France, aux termes de nombreuses tergiversations, renonce à ses droits sur le vilayet en échange d'une participation aux bénéfices pétroliers du bassin de Kirkouk, et le Royaume-Uni l'intègre au mandat britannique de Mésopotamie[7]. La Turquie proteste contre cette annexion mais la Société des Nations confirme l'action britannique en 1925. La commission d’enquête constituée par la SDN était pourtant parvenue à la conclusion que la population souhaitait la création d'un État kurde indépendant. La SDN promis la création d'une administration autonome kurde, mais cette promesse ne fut jamais honorée et les révoltes visant à exiger son respect furent écrasées par l'aviation britannique. Les États-Unis, tout comme la France, reçurent chacun en échange de leur soutien à cette annexion 23,75 % des actions de la compagnie Iraq Petroleum[8].
Durant l'opération Liberté irakienne qui entraîne la chute du régime dictatorial de Saddam Hussein, le musée archéologique de Mossoul, comme celui de Bagdad, est victime de pillages et beaucoup d'objets sont perdus ou détruits[10]. Mossoul passe sous le contrôle des peshmergas kurdes qui, bien qu'ils ne la revendiquent pas comme partie de leur région autonome du Kurdistan, s'y maintiennent jusqu'en 2005 comme alliés des Américains puis du gouvernement provisoire irakien[11]. Le , les troupes américaines ouvrent le feu sur des manifestants dénonçant leur présence en Irak : la fusillade fait au moins dix victimes. Trois mois plus tard, en juillet 2003, les deux fils de Saddam Hussein, Oudaï et Qoussaï sont tués à Mossoul lors d'une opération commando des forces spéciales.
La période de l'occupation américaine est marquée par de nombreux attentats avec cinq journalistes assassinés pour la seule année 2005[12]. La même année, un attentat lors des funérailles d'un leader chiite fait 50 morts et 90 blessés[13],[14],[15].
En 2008, la ville est disputée entre les forces américaines et gouvernementales et les groupes insurgés lors de la campagne de Ninive(en).
Après avoir vu leurs maisons marquées de la lettre de l'alphabet arabeن, signifiant Nazrani (Nazaréen), les chrétiens de Mossoul — environ 10 000 personnes principalement présentes dans les quartiers d'Alzehours et de Dargazliya — doivent choisir entre se convertir, payer un impôt de capitation (jizya) aux islamistes ou quitter la ville ; ils fuient en masse, se faisant par ailleurs souvent racketter leurs biens[19],[20].
Plusieurs monuments historiques sont démolis par les djihadistes de l'État islamique. Le 24 juillet 2014, deux mosquées sont détruites à l'aide d'explosifs, dont celle qui contenait la tombe du prophète Jonas[21], ainsi que d'autres restes archéologiques datant du VIIIe siècle av. J.-C. et de l'antique Ninive[22]. En février 2015, les djihadistes détruisent à la masse et au marteau-piqueur, des statues et des fresques assyriennes et parthes du musée de Mossoul[23], dans le même temps, la bibliothèque de la ville est volontairement incendiée, environ 8 000 ouvrages anciens partent alors en fumée[24].
Le 17 octobre 2016, le gouvernement irakien annonce le lancement de l'opération pour la reprise de la ville de Mossoul. Outre la participation des peshmergas kurdes dans l'offensive terrestre en attaquant à l'est de Mossoul, les forces irakiennes comptent sur le soutien militaire des États-Unis[25]. Alors que les combats empêchent l'accès de la ville, les habitants souffrent de malnutrition[26].
En mars 2017, Mossoul est victime de plusieurs attaques aériennes sous l'égide du gouvernement américain, qui causent la mort d'au moins 150 personnes. Le nombre de civils morts aurait doublé depuis la prise de pouvoir du président Trump aux États-Unis en raison du comportement des forces américaines depuis lors[27].
Le 21 juin, la grande mosquée d'Al-Nouri est détruite par l'État islamique, alors que les soldats de l'armée irakienne ne sont plus qu'à une cinquantaine de mètres de l'édifice[28],[29]. C'est dans ce lieu qu'Abou Bakr al-Baghdadi était apparu pour la première fois le , quelques jours après la proclamation du califat par son organisation[28],[30].
Le 9 juillet 2017, l'Irak annonce la libération de Mossoul[31].
Reconstruction de la ville
Au cours de la bataille, près de 20 000 maisons et six des cinquante-quatre quartiers que compte la partie ouest de la ville ont été presque entièrement détruits, et une dizaine d'autres quartiers gravement endommagés. C'est pourquoi plus de 900 000 Mossouliotes, soit la moitié de la population, sont privés de leur logement, obligeant un tiers d'entre eux à vivre dans des camps humanitaires, les autres étant hébergés chez des amis ou des voisins[32].
D'après une évaluation de l'ONU effectuée en , la reconstruction des seules infrastructures d'eau, d'électricité, des égouts, des routes, des ponts, des universités, des hôpitaux, des chemins de fer, devrait prendre cinq ans et coûter 700 millions de dollars. Le ministère irakien du Plan a évalué fin mai 2017 à 100 milliards de dollars sur dix ans la reconstruction des infrastructures et logements, en incluant toutes les zones qui ont été tenues par l'EI dans le pays[32].
Dans la partie orientale de la ville, des habitants ont pris en main le nettoyage de leurs quartiers, tandis que des écoles et des commerces ont rouvert, même si l'alimentation en électricité demeure aléatoire[32].
De nombreuses ONG agissent sur place pour aider les populations marquées par la guerre et par les exactions de l'EI[33],[34].
En septembre 2024, un reportage de l'AFP à Mossoul décrit une ville reconstruite où la vie sociale, notamment nocturne, a largement repris dans les cafés, les restaurants, et les bars à chicha[35].
Monuments
Édifices religieux musulmans
La grande mosquée d'al-Nuri, bâtie à l'origine au XIIe siècle mais reconstruite en 1942, était notamment célèbre pour son minaret incliné. Elle est détruite par l'État islamique en juin 2017 ;
L'église Notre-Dame de l'Heure, construite par les pères dominicains, possède un clocher dont l'horloge avait été offerte en 1870 par l'impératrice Eugénie. Contrairement à des informations erronées faisant état de la destruction à l'explosif par l'État islamique en 2016[36], celui-ci, bien qu'endommagé, est toujours debout et est en voie de restauration sous l'égide de l'Unesco[37] ;
L'église syriaque-orthodoxe Mar Touma située dans le vieux Mossoul. Célèbre pour son portail en marbre orné de bas reliefs représentant les douze apôtres entourant le Christ[38].
L'église Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours de Mossoul.
Édifices religieux juifs
Yehuda Alharizi, rabbin et poète d'Espagne qui visite le Kurdistan en 1230 est impressionné par la splendeur des synagogues de Mossoul[39]. Aujourd'hui, il semble qu'elles ont toutes été détruites[40], comme la synagogue Sassoun[41], ou converties en mosquées comme celle du prophète Ézéchiel[21]. Cependant une ancienne synagogue désaffectée depuis les années 1950, transformée en dépôt de munitions et d’obus par l'État islamique, subsiste à l'état de ruine dans la vieille ville de Mossoul[42],[43].
Une communauté juive existait à Mossoul depuis l'Antiquité, « forte de plusieurs dizaines de milliers d’âmes » quand elle a dû émigrer au milieu du XXe siècle, dont il ne reste quasiment plus personne[43],[39].
Économie
D'importants gisements de pétrole à proximité assurent une bonne partie de son activité (raffineries). C'est également le principal marché agricole de la région (céréales, plantes textiles, fruits).
↑ a et b(en) « The vanished synagogues of Mosul », JEWISHRENAISSANCE.ORG.UK, octobre 2017 (Extrait de Ethel Sara Wolper, Synagogues and the Hebrew prophets: the architecture of convergence, coexistence and conflict in pre-modern Iraq in Synagogues of the Islamic World, edited by Mohammad Gharipour, Edinburgh University Press, 2017
↑ a et b(en) Ora Shwartz-Be'eri, The Jews of Kurdistan : daily life, customs, arts and crafts, Jérusalem, UPNE, , 271 p. (ISBN965-278-238-6, lire en ligne), p. 25-34
(en) Habibollah Atarodi, Great powers, oil and the Kurds in Mosul (Southern Kurdistan/Northern Iraq), 1910-1925, University Press of America, Lanham, MA, 2003, 233 p. (ISBN0-7618-2536-3).
Percy Kemp, Territoires d'Islam : le monde vu de Mossoul au XVIIIe siècle, Sindbad, Paris, 1982, 184 p. (ISBN9782727400752) (texte remanié d'une thèse de 3e cycle).
(en) Dina Rizk Khoury, State and provincial society in the Ottoman empire: Mosul, 1540-1834, Cambridge University Press, Cambridge, New York, 1997 (rééd. 2002), 253 p. (ISBN978-0-521-89430-2).
Louis Le Fur, « L'affaire de Mossoul », Revue générale de droit international public, A. Pedone, Paris, 1927, 85 p.
Jean-Marie Mérigoux, Va à Ninive ! : un dialogue avec l'Irak, Mossoul et les villages chrétiens, pages d'histoire dominicaine, Cerf, Paris, 2000, 482 p. (ISBN2-204-06522-6).
Jean Richard, « La confrérie des Mosserins d'Acre et les marchands de Mossoul au XIIIe siècle », Orient syrien, 1966, vol. XI, fascicule 4, p. 451-460.
(en) Sarah D. Shields, An economic history of nineteenth-century Mosul, University of Chicago, Illinois, 1986, 230 p. (thèse).
(en) Sarah D. Shields, Mosul before Iraq: like bees making five-sided cells, State University of New York Press, Albany, NY, 2000, 278 p. (ISBN0-7914-4488-0).