En -229 et -228, la flotte romaine combat les pirates illyriens qui s’abritent dans les multiples îles de cette région, et à partir de -219, les Romains prennent le contrôle de la côte dalmate pour garantir leur sécurité en mer Adriatique. La romanisation de l’illyrien est à l’origine de la langue dalmate, l’une des langues romanes. Sous Tibère, la province sénatoriale de Dalmatie est réorganisée en l’an 10 en province impériale, avec comme capitale Salonae (Salone). Sous Vespasien, le gouverneur de la province est le jurisconsulte Pégase. À partir du IIe siècle, l’urbanisation et la christianisation des Dalmates progressent, la future Morlaquie devient une région importante de l’empire et au IIIe siècle, de nombreux officiers originaires de cette région jouent un rôle important : c’est le cas de l’empereur romain Carus (282-283), de ses fils et successeurs Carin (283-285) et Numérien (283-284), et de Dioclétien, empereur de 284 à 305. Ce dernier se fit construire près de Salone un vaste palais fortifié où il se retira en 305 après son abdication : c’est l’origine de la ville de Split. Jérôme de Stridon, traducteur de la Vulgate, était aussi originaire de cette région.
Du point de vue religieux, au VIe siècle, la plupart des Dalmates romanophones sont déjà chrétiens, alors que les Avars sont tengristes et les Slaves (dont font partie les Croates) ont leur propre religion[4],[5]. Le prêcheur Gottschalk d'Orbais, de passage dans la future Morlaquie au IXe siècle témoigne qu’à cette époque la christianisation des Croates était en cours. En outre, un texte de Constantin VII nous informe que les Slaves de la région furent christianisés « au temps de leur prince Porinos »[3].
Durant la longue période vénitienne (XIe siècle-1797) la Morlaquie est gouvernée par un provéditeur-général et beaucoup de ses habitants adoptent la langue vénitienne, mais la langue croate aussi se développe et des écoles, des publications en témoignent. La langue dalmate, en revanche, n’était pas enseignée et a fini par disparaître. L’occupation de base traditionnelle des Morlaques était l’élevagetranshumant et il est attesté dès le XIVe siècle qu’ils formaient des caravanes avec lesquelles ils se déplaçaient pour vendre leurs produits laitiers et lainiers, mais aussi pour transporter diverses autres marchandises, tels du plomb de Bosnie à Raguse (Dubrovnik) et du sel de la côte de la Mer adriatique vers l’intérieur des terres. Dans le commerce de Raguse, le caseus vlachescus ou vlachiscus (« fromage valaque », aussi appelé la brença, proche du roumain brânză) avait une telle importance, qu’il était employé comme moyen de paiement, et son prix était établi par la provéditure vénitienne comme cela apparaît dans un document de 1357[14].
Progressivement « Morlaques », comme « Dalmates », prend un sens surtout géographique et désigne les habitants de la Morlaquie quelles que soient leurs origines, langues et croyances[15]. Pour les encyclopédies françaises, par exemple, les Morlaques sont les « Slaves de Dalmatie »[16]. Par ailleurs les limites géographiques de la Morlaquie sont variables : on parle ainsi au XVIe siècle de « Morlaquie istrienne » (italien : Morlacchia istriana) pour la région des Istriens et de « Morlaquie émothienne » (italien : Morlacchia imoschiana) dans l'arrière-pays dalmate, à la frontière bosnienne[17].
Après 1996 commence une période de reconstruction qui, à partir de 2000, permet un développement essentiellement axé sur le tourisme, qui n’est pas sans effet sur la qualité des eaux et la préservation des paysages.
Sources
« Morlaquie », dans Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, Paris, Administration du grand dictionnaire universel, 15 vol., 1863-1890 [détail des éditions].
↑Wojciech Sajkowski, (en) « Morlachs, or Slavs from Dalmatia in French encyclopedias and dictionaries of the 18th and 19th » in Poznańskie Studia Slawistyczne n°15, 2018, pp. 207–218 - [1]
↑(grk) Constantin VII (empereur byzantin), De administrando Imperio (DAI), Constantinople, entre 948 et 952, Chapitre 30, origo gentis des Croates.
↑(en) Danijel Dzino, Becoming Slav, Becoming Croat: Identity Transformations in Post-Roman and Early Medieval Dalmatia, Leiden, éditions Brill, , « For the inscription from the font, see Delonga 1996: 205–7. Doubts about its authenticity and origins: Suić and Perinić 1962; Klaić 1971: 197–8; Jakšić 2002. » [p.187].
↑Marie-Madeleine De Cevin, L'Europe centrale au Moyen Age, Rennes, Presses universitaires de Rennes, (ISBN9782753522473), p. 36.
↑Miroslav Ružica, (en) « The Balkan Vlachs awakening, national policies, assimilation » in Proceedings of the Globalization, Nationalism and Ethnic Conflicts in the Balkans and Its Regional Context 2006, pp. 28–30 - [www.semanticscholar.org/paper/bc4218c948ab98ead629b78a48102050db19e39b]
↑Borna Fürst-Bjeliš, (en) « Territorialisation and de-territorialisation of the borderlands communities in the multicultural environment: Morlachia and Little Wallachia » in Acta geographica Bosniae et Herzegovinae 2014, vol. 1, ed. 2, pp. 45–54 - [2] & [3].
↑Marian Wenzel, (en) « Bosnian and Herzegovinian Tombstobes-Who Made Them and Why? » in (de) Sudost-Forschungen n°21 (1962): pp. 102-143
↑Ante Milošević, (hr) Stećci i Vlasi: Stećci i vlaške migracije 14. i 15. stoljeća u Dalmaciji i jugozapadnoj Bosni « Les Stećci et les migrations des Valaques aux XIV et XV-e siècles en Dalmatie et Bosnie du Sud-Ouest », 1991
↑John Van Antwerp Fine, (en) The Late Medieval Balkans: A Critical Survey from the Late Twelfth Century, University of Michigan Press, 1994, p. 19.
↑Redžo Trako, Stećci: Božanska igra brojki i slova « Stećci: jeu sacré des chiffres et des lettres », éd. Socijalna ekologija (en Croate), 2011. Zagreb: Croatian Sociological Society, Institute of Sociology at Faculty of Philosophy, University of Zagreb. 20 (1): p. 71–84.
↑(it) Giuseppe Vassilić, « Sui rumeni dell’Istria : riassunto storico-bibliografico » [« Sur les Roumains d’Istrie : résumé historico-bibliographique »], Archeografo triestino, Trieste, vol. 23, , p. 158-237 (lire en ligne, consulté le ).
↑Miroslav Ružica, (en) « The Balkan Vlachs/Aromanians awakening, national policies, assimilation » in Proceedings of the Globalization, Nationalism and Ethnic Conflicts in the Balkans and Its Regional Context n° 28–30, S2CID 52448884, 2006, [4].
↑Wojciech Sajkowski, (en) « Morlachs, or Slavs from Dalmatia in French encyclopedias and dictionaries of the 18th and 19th century », in Poznańskie Studia Slawistyczne n° 15, pp. 207–218, DOI10.14746/bp.2015.22.5, (ISSN2084-3011), 2018.
↑Dana Caciur, (en) « Considerations regarding the Morlachs migrations from Dalmatia to Istria and the Venetian settlement policy during the 16th century » in Poznańskie Studia Slawistyczne n° 22 (1), pp. 57–70. DOI10.14746/bp.2015.22.5, 2015, [5]
↑Dictionnaire Encyclopédique Italien (v. III, p. 729), Rome, Édition de l'Institut de l'Encyclopédie Italienne, fondé par Giovanni Treccani, 1970.