Les ossements de mammouths sont connus depuis la fin du XVIIIe siècle. Georges Cuvier voyait en eux les ancêtres des éléphants (ils en sont en réalité de proches cousins). Les premiers exemplaires de mammouths laineux congelés(fi) ont été découverts en Sibérie en 1799[5].
Dans L'Histoire de l'Amérique[6], il est fait état de la découverte d'ossements de grande taille au confluent de la rivière Scioto avec l'Ohio : « Les naturalistes (…) n'ont jamais connu d'animal vivant d'une pareille nature. (…) les dents qu'on a trouvées ressemblent beaucoup à celles des éléphants. (…) Le Docteur Hunter (…) après avoir examiné plusieurs morceaux des défenses, des dents maxillaires & des mâchoires, a prétendu qu'elles n'appartenaient pas à l'éléphant, mais à quelque grand animal carnivore d'une espèce inconnue (Phil. transact. vol LVIII, pag. 34). On a trouvé des os de la même espèce & d'une grandeur aussi remarquable près des embouchures de l'Oby, de la Jenifeia, et de la Léna, trois grandes rivières de Sibérie. »
Étymologie
Le mot « mammouth » vient du russeмамонтmamont, depuis le mansimang ont, signifiant « corne de terre ». Le mot apparut pour la première fois en anglais dans le Dictionariolum Russico-Anglicum de 1618 de Richard James[7].
Description
Comme tous les éléphantidés, les mammouths étaient de grands mammifères présentant une tête volumineuse avec une trompe et un corps massif pourvu de membres en piliers munis de cinq doigts. L'une des plus grandes espèces de mammouth, Mammuthus sungari, pesait en moyenne entre 6 et 8 tonnes, soit autant qu'un gros éléphant d'Afrique, mais des mâles auraient atteint le poids de 12 tonnes. Certains mammouths atteignaient 5 mètres au garrot.
Au cours de leur évolution, ils ont développé une importante adaptation au froid. La taille des oreilles et de la queue a fortement diminué, un clapet anal (valvule ou opercule correspondant à un repli de la peau) est apparu et trois couches ont permis de les protéger : une couche de graisse de 8 cm, une peau de 2 cm d'épaisseur et une fourrure composée
de trois sortes de poilsisolants[9]. Les poils extérieurs, exposés aux chocs thermiques, pouvaient atteindre un mètre de longueur. Ce lainage était composé de poils six fois plus épais qu'un cheveu humain. La tête, allongée et en forme de dôme, abritait des sinus très développés, permettant ainsi le traitement d'une grande quantité d'air froid[10].
Ces caractéristiques d'adaptation au froid ont été découvertes après séquençage du génome du mammouth en 2015 par Vincent Lynch, dont les travaux ont pour point de départ la comparaison entre le génome de deux mammouths et celui de trois éléphants d'Asie actuels[11].
Les mammouths sont en général caractérisés par des défenses proéminentes. La plus grande défense jamais retrouvée mesure près de 5 mètres. Les mammouths utilisaient ces longues défenses pour fouiller dans la neige les herbes à brouter. Des quartiers de la base et de la partie médiane de ces défenses ont été utilisés par l'homme pour la confection de sculptures.
Phylogénie des genres d'éléphants ainsi que d'autres familles proches, d'après les caractéristiques de leur os hyoïde, selon Shoshani et al. (2007)[15], les caractéristiques anatomiques du squelette, selon Cozzuol et al. 2012[16], et les caractéristiques génétiques selon Meyer et al. 2017[17] :
Mammuthus africanavus (entre 3 et 4 millions d'années), qui fait encore l'objet de controverses.
À partir de l'Afrique se développent en Eurasie puis en Amérique plusieurs espèces de mammouth qui ont pu être pour partie contemporaines :
Mammuthus rumanus (Stefanescu 1924) est le plus ancien mammouth d'Europe (3 à 2,5 millions d'années) ;
Mammuthus gromovi (Garutt et Alexeieva 1965) (2,3 millions d'années) est plus évolué que l'espèce roumaine ;
Mammuthus meridionalis (Nesti 1825), littéralement « le mammouth du sud », espèce eurasienne la plus ancienne (2,6 à moins d'un million d'années) qui gagne l'Amérique du Nord il y a 1,5 million d'années ;
Mammuthus primigenius (Blumenbach, 1799), le mammouth laineux, qui apparaît vers - 600 000 ans en Sibérie, s'étend en Europe de l'Ouest vers - 200 000 ans puis traverse le détroit de Béring exondé durant la dernière glaciation et se développe en Amérique du Nord. On a trouvé des mentons de mammouth en Europe et en France, dans la région parisienne, sur le site de Maisons-Alfort, Bonneuil-sur-Marne, et Vitry-sur-Seine. Des trouvailles ont été faites en Alsace ;
Mammuthus columbi Falconer, 1875, le mammouth de Colomb, vivant en Amérique du Nord tempérée et issu de Mammuthus meridionalis ; il est à l'origine du suivant ;
La plupart des mammouths ont disparu à l'issue de la dernière période glaciaire. Une petite population a survécu sur l’île Saint-Paul, en Alaska, jusque vers , tandis que les mammouths nains de l'île Wrangel n’ont pas disparu avant environ. L'extinction des mammouths n'est peut-être pas due à une cause unique mais à une combinaison de plusieurs facteurs.
Changement climatique
Les mammouths auraient pu disparaitre à la suite du réchauffement climatique de l'Holocène, qui a contribué à faire disparaître la steppe à mammouths, faite d'herbe et d'arbustes, au profit des forêts de conifères, au sud, et des régions de toundra, au nord. Les molaires du mammouth étaient parfaitement adaptées pour brouter de l'herbe, mais sans doute pas pour consommer des feuillages d'arbres. D'autres hypothèses ont été proposées concernant l'extinction des mammouths et de la mégafaune du Pléistocène en général : surchasse par Homo sapiens, théorie du géocroiseur tueur (astéroïde ou comète) du géophysicien Allen West[18].
Il y a 11 700 ans, la température et l'humidité globales ont augmenté rapidement, permettant la migration vers le nord des plantes comestibles. Dans un premier temps, les grands mammifères du Nord ont pu tirer parti de cet accroissement de nourriture disponible, mais le changement climatique a fini par les mettre en danger. Les nouvelles conditions météorologiques avantageaient les arbres, qui ont prospéré au détriment des étages inférieurs dont se nourrissaient les mammouths et les autres grands mammifères. Certains animaux, comme le bison et le wapiti, se sont adaptés à la nouvelle situation, mais d'autres, comme les mammouths, n'auraient pu s'adapter.
Outre le changement dans la végétation et les écosystèmes, l'augmentation de la température (6 °C entre 10000 et ) aurait lourdement affecté les mammifères adaptés au froid, causant finalement leur extinction. Dans le cas d'animaux comme le mammouth laineux, sa fourrure épaisse, qui permettait à son corps de conserver sa chaleur sous des climats glaciaux, pourrait l’avoir empêché d’éliminer l'excès de chaleur et aurait causé la mort de l'animal par hyperthermie. Les grands mammifères, qui ont un rapport surface-volume inférieur, auraient souffert plus que les petits mammifères. En outre, les pluies remplaçant les chutes de neige ne pouvaient réguler la température corporelle des mammouths, leur fourrure épaisse ne pouvant sécher au soleil et provoquant des épisodes d'hypothermie.
Toutefois des recherches récentes ont montré que la température moyenne annuelle de la période interglaciaire actuelle que nous connaissons depuis 11 700 ans n'est pas supérieure à celle des interglaciaires précédents, et donc que ces mêmes grands mammifères avaient survécu à des augmentations semblables de la température. Dans ces conditions, l'augmentation de température n'est pas à elle seule une explication suffisante. Auparavant le mammouth s'était adapté à plusieurs glaciations et réchauffements successifs par modification de sa pilosité, ainsi que de la taille et de la forme de ses défenses.
Surchasse
De nouvelles données, provenant d'études menées sur les éléphants vivants, suggèrent que, si la chasse par Homo sapiens n’a pas pu être la cause principale de l'extinction des mammouths, elle y a probablement contribué de manière importante. Nous savons en effet qu'Homo erectus (qui vivait il y a entre 1,6 million et 110 000 ans) consommait déjà de la viande de mammouth.
Les partisans de cette théorie, avancée pour la première fois dans les années 1960 par Paul S. Martin, de l'université d'Arizona, font remarquer la coïncidence apparente de l'expansion de l'homme dans le monde entier avec l'extinction de nombreuses espèces animales. La preuve la plus convaincante de cette théorie est le fait que 80 % des espèces de grands mammifères se sont éteintes en Amérique du Nord seulement quelques milliers d'années après l'arrivée des Paléoindiens au sud de l'inlandsis laurentidien. Un autre exemple est celui de l'île de Madagascar, colonisée depuis environ 1500 ans et où les hippopotames qui y vivaient ont disparu pendant les siècles qui ont suivi l'arrivée des humains, de même que les grands primates comme le lémurien géant Megaladapis. Dans le cas des mammouths, cette hypothèse a été corroborée par la découverte de squelettes de mammouth dans lesquels étaient fichées des pointes de projectiles.
Cependant les adversaires de cette théorie font valoir que les méthodes de chasse des hommes préhistoriques n'ont pu avoir un tel impact sur les populations de mammifères et invoquent le cas de l'Afrique, où les humains sont arrivés beaucoup plus tôt sans entraîner d’extinction importante. Autre argument contre cette hypothèse : dans la nature, les prédateurs ont tendance à ne pas chasser leurs proies de façon excessive, parce qu’elles ont besoin de se nourrir et de se reproduire. Cependant l'homme pourrait constituer une exception en raison de sa capacité à chasser d’autres types de proies ou à s'alimenter avec des végétaux si une espèce déterminée disparait.
Mammouths exceptionnellement conservés
Généralités
Des restes de mammoutheaux congelés ont été découverts dans les parties septentrionales de la Sibérie, tels « Dima » en 1977, « Lyuba » en 2007 et « Khroma » en 2009. La bonne conservation est très rare et implique que l'animal a été vite enfoui dans des liquides ou semi-liquides tels que du limon, de la boue ou de l'eau qui auraient ensuite rapidement gelé.
Plusieurs possibilités sont envisageables. Des mammouths ont pu être piégés dans des marais ou des sables mouvants, et mourir de faim ou de froid, ou encore se noyer. Ils ont pu passer à travers la glace dans des étangs ou des nids de poule. On sait que beaucoup sont morts dans des rivières, probablement en ayant été emportés par leurs flots. Dans la rivière Berelekh en Iakoutie, au nord-est de la Sibérie, plus de 9 000 ossements d'au moins 156 individus différents ont été retrouvés, apparemment rassemblés par le courant[19].
À ce jour (2016), quarante et un cadavres plus ou moins complets et préservés par le gel ont été trouvés[20]. Dans la plupart des cas, la chair montre des signes de putréfaction avant son gel et sa dessiccation. Les histoires de mammouths congelés dont la chair était encore mangeable après décongélation abondent, mais les sources sérieuses[21] indiquent en fait que les cadavres étaient fort décomposés et que l'odeur était si repoussante que seuls les chiens accompagnant les auteurs de la découverte avaient montré de l'intérêt pour la viande.
Par ailleurs, de grandes quantités d'ivoire de mammouths ont été découvertes en Sibérie. Les défenses de mammouth font l'objet de commerce depuis au moins 2 000 ans et s'échangent à prix d'or. Güyük, le Khan des Mongols au XIIIe siècle, est connu notamment pour avoir possédé un trône fabriqué en ivoire de mammouth
[22].
Liouba
Un mammoutheau femelle, surnommé Liouba (« Amour ») a été découvert congelé en dans la péninsule Yamal en Sibérie par des bergers nénètses qui eurent la bonne idée de prévenir immédiatement les autorités locales. Le spécimen a pu être transporté dans les meilleures conditions, en caisson réfrigéré, de Sibérie jusqu'à la faculté de médecine de l'université Jikei à Tokyo où il a été scanné. Sa conservation s'est avérée remarquable. Des échantillons de tissus ont été envoyés aux Pays-Bas pour une datation par le carbone 14 qui révéla que le jeune animal était mort il y a 40 000[23] ans.
L'analyse de son ADN, bien préservé, a révélé que Liouba appartenait à une population de Mammuthus primigenus qui, peu de temps après, allait être remplacée par une autre lignée de mammouths venant d'Amérique du Nord[24].
Les scientifiques qui ont étudié ce mammoutheau ont découvert qu'il stockait de la graisse dans une grosse bosse située à l'arrière du cou. Celle-ci permettait de réguler la température du corps[25].
L'examen des prémolaires et des défenses a révélé que l'animal, né au printemps, était âgé d'environ un ou deux mois lorsqu'il est mort noyé dans une rivière boueuse (un mélange dense d'argile et de sable était présent dans sa bouche et dans sa gorge). Quant au contenu intestinal, il a montré qu'à l'instar des très jeunes éléphants actuels, il avait ingéré les fèces d'un mammouth adulte, vraisemblablement sa mère, afin de s'inoculer la flore bactérienne indispensable à la digestion des plantes[23].
Nun cho ga
Un mammouthea! laineux momifié presque complet a été trouvé le 21 juin 2022 dans les champs aurifères du Yukon, un territoire du nord canadien[26]. Surnommé Nun cho ga (« gros bébé animal » en langue autochtone de la première nation Trʼondëk Hwëchʼin) l'animal probablement de sexe féminin mesurait un peu plus de 140 centimètres et aurait foulé le sol il y a environ 40 000 ans[27].
Séquençage de l'ADN et clonage du mammouth
Séquençage
Même dans le pergélisol, après quelques milliers d’années l’ADN est généralement si dégradé qu’on ne peut plus l’interpréter[28]. Il existe cependant de rares exceptions.
En , des chercheurs allemands, britanniques et américains ont réussi à séquencer complètement de l'ADN mitochondrial de mammouth[29], ce qui a permis d'en savoir davantage sur la relation étroite entre le mammouth et l'éléphant d'Asie. Il semble que les éléphants d'Afrique appartiennent à une branche différente du mammouth, dont la lignée se serait séparée il y a environ 6 millions d'années, à l'époque où se séparaient les lignées conduisant aux gorilles, aux chimpanzés et aux êtres humains.
Au Musée suédois d'histoire naturelle (SMNH) de Stockholm, Love Dalén (généticien évolutionniste) et de ses collègues ont réussi le séquençage de quelques éléments d’ADN provenant d'un mammouth laineux précoce (Mammuthus primigenius), et de deux échantillons venant de fossiles d’un précurseur dit « Mammouths des steppes » (Mammuthus trogontherii) trouvé par le paléontologue russe Andrei Sher[28].
En 2021, des fragments d'ADN extrait de 3 molaires de mammouth (trouvées dans les années 1970 dans le pergélisol de Sibérie orientale) ont pu être séquencés et analysés, montrant que plusieurs lignages de mammouths ont vécu en Sibérie, dont un lignage ancestral aux mammouth laineux et un lignage ancestral aux mammouths d'Amérique du Nord[30]. Ce sont les fragments d’ADN les plus anciens jamais extraits de fossiles à ce jour. Cette fois les fossiles (molaires) contenaient en réalité très peu d’ADN, mais les progrès de la bioinformatique, ont permis de retrouver 49 millions de paires de bases d'ADN nucléaire à partir de l’échantillon le plus ancien (trouvé près du village de Krestovka)[28].
Le Mammouth de Krestovka aurait vécu sur le territoire de l'ex Russie il y a 1,65 million d’années. Surprise, son ADN n’est pas celui d’une espèce qui serait à l’origine des mammouths laineux, mais pourrait être l’ancêtre de l’espèce nord-américaine plus tardive. 1. Love Dalén et ses collègues pensent que cette nouvelle espèce n’est pas issue d’un groupe qui s’est isolé, mais d’une hybridation entre deux espèces proches[28].
Le Mammouth d’Adycha a vécu il y a environ 1,3 million d’années. Sa molaire a fourni 884 millions de paires de bases, qui ont montré qu’il est de la lignée qui est à l’origine des mammouths laineux[28].
Le mammouth laineux de Chukochya a quant à lui vécu il n’y a « que » environ 600 000 ans, mais son ADN mieux conservé a pu fournir près de 3,7 milliards de paires de bases (plus que la longueur totale de son génome qui est d’environ 3,1 milliards de paires de bases)[28].
Les mammouths colombiens semblent avoir comme ascendance pour moitié la lignée des mammouths Krestovka et pour l'autre moitié des mammouths laineux (selon Dalén le mélange des lignées daterait d’il y a plus de 420 000 ans). Hendrik Poinar (expert en ADN ancien à l'Université McMaster d’Hamilton, au Canada) pense que des espèces différentes de mammouths (laineux et colombiens) se sont probablement plusieurs fois hybridées quand l'expansion glaciaire leur permettait de passer de l’Amérique à l’Eurasie[28].
Remarque : le record précédent d’ancienneté pour un mammifère (560 000 à 780 000 ans) datait de 2013 ; il avait été fourni par un fragment d’os de patte de cheval trouvé dans le Yukon (Canada)[31] ; il est largement dépassé[28].
En s'appuyant sur un cas reporté de croisement entre un éléphant d'Afrique et un éléphant d'Asie, certains ont développé la théorie que si les mammouths étaient encore vivants aujourd'hui, ils pourraient se croiser avec des éléphants d'Asie. Cela a conduit à l'idée qu'un animal proche d'un mammouth pourrait être recréé à partir de matériel génétique de mammouth congelé utilisé en combinaison avec celui d'un éléphant indien[32].
Les progrès du décodage du génome du mammouth ont relancé l'idée selon laquelle l'espèce pourrait un jour être ramenée à la vie. Les nouvelles technologies et la proximité génétique entre le mammouth et les éléphants actuels suggèrent des moyens par lesquels cette expérience pourrait être un jour réalisée. Des chercheurs de l'université d'État de Pennsylvanie qui ont séquencé environ 85 % du génome du mammouth laineux à partir de l'ADN d'échantillons de poils provenant de plusieurs spécimens, ont envisagé la possibilité de ramener cette espèce à la vie en insérant des séquences d'ADN de mammouth dans le génome de l'éléphant actuel. Même si les échantillons ont été traités pour éliminer les éventuelles contaminations bactériennes ou fongiques, certaines séquences pourraient provenir d'organismes extérieurs ; elles doivent encore être comparées à l'ADN des éléphants actuels. Cette étude est actuellement réalisée au Broad Institute[33],[34],[35].
Les informations issues du séquençage ne peuvent pas être utilisées directement pour synthétiser de l'ADN de mammouth, mais Stephan Schuster, le responsable du projet, souligne que les gènes du mammouth ne diffèrent de ceux de l'éléphant d'Afrique que par 400 000 sites ; il serait selon lui possible de modifier une cellule d'éléphant au niveau de ces sites afin de la faire ressembler à une cellule portant un génome de mammouth et de l'implanter dans une femelle éléphant[36].
Plusieurs équipes russes ou américaines déclarent depuis le début des années 2000 être en mesure de recréer un mammouth, cependant en 2017 aucun projet ne semble encore avoir porté des fruits. Selon les scientifiques, le gain d'une telle opération serait sans doute scientifiquement intéressant, mais douteux en termes écologiques et éthiques : en effet, le milieu dans lequel évoluaient les mammouths a disparu, et ils n'ont par conséquent plus de niche écologique, autant en termes de nourriture que d'interactions (prédateurs, parasites). De plus, créer un individu ne revient pas à recréer une population viable, qui demanderait de nombreux individus suffisamment éloignés génétiquement. Enfin, si une telle prouesse technologique venait à être réalisée, cet événement demeurerait une curiosité isolée, mais ne représenterait pas une avancée substantielle pour enrayer la crise écologique étant donné le coût d'une telle opération, sa complexité et sa déconnexion des processus écologiques réels[37].
Toutefois, selon Jacques Testart, « pour voir gambader dans nos champs des petits mammouths », il reste à accomplir « une chaîne de performances assez improbable car pour faire revivre (ou seulement vivre) un animal il faut mettre en jeu beaucoup plus que son ADN »[38],[39].
Une équipe de chercheurs dirigée par George Church, fondateur de la société Colossal Biosciences, a le projet d'insérer de l'ADN de mammouth dans le génome de celui des éléphants d'Asie, afin de leur conférer des caractéristiques propres aux mammouths, comme les longs poils, une circulation sanguine efficace, et des petites oreilles[40]. Le but serait de déplacer les éléphants d'Asie dans la toundra, afin d'empêcher leur extinction. L'introduction des hybrides permettraient aussi de préserver le pergélisol, qui sont des grandes réserves de gaz carboniques[41], et permettraient ainsi de ralentir le réchauffement climatique. Les scientifiques voudraient faire naître l'hybride en 2019, et pour cela utiliser un utérus artificiel, au lieu de le faire grandir dans l'utérus d'une éléphante d'Asie, afin de préserver l'espèce.
Les mammouths et l'Homme
Préhistoire
Il existe de nombreuses traces de coexistence entre les mammouths et les humains :
présence d'outils ou d'œuvres d'art réalisés à base d'ossements de mammouths ;
Le bruit a parfois couru que le mammouth ne serait pas vraiment éteint et que de petits troupeaux isolés survivraient dans la toundra de l'hémisphère nord, vaste et peu peuplée. Vers la fin du dix-neuvième siècle, selon Bengt Sjögren, des rumeurs persistaient sur la survie de mammouths au fin fond de l'Alaska[42]. En octobre 1899, un certain Henry Tukeman aurait raconté en détail comment il avait tué un mammouth en Alaska et avait ensuite donné l'exemplaire à la Smithsonian Institution de Washington. Mais le musée a nié l'affaire, qui s'est révélée être un canular. Sjögren croit que le mythe a commencé quand le biologiste américain C.H. Townsend, lors d'un voyage en Alaska, a vu des Esquimaux échanger des défenses gigantesques, qu'il leur a demandé si des mammouths vivaient toujours en Alaska et qu'il leur a montré un dessin de l'animal.
Dans la Chine ancienne, plusieurs textes et traités font état d'un animal appelé le Yin-shu, signifiant en chinois "rongeur caché" ou "rongeur discret". Cet animal y est décrit comme une forme gigantesque de la taupe vivant dans les toundra du nord de l'Asie, possédant des défenses et vivant sous la terre. La légende voulait qu'une fois au contact avec la surface ces gigantesque animaux mourraient instantanément. La théorie la plus populaire pour expliquer la figure du Yin-shu voudrait qu'il s'agisse de l'interprétation de la découverte de défenses de mammouth sur le sol de la toundra, théorie renforcée par le fait que de nombreux os de mammouths furent vendus en Chine en tant qu'os d'authentiques Yin-shu[43].
Au XIXe siècle, plusieurs rapports sur « de grandes bêtes velues » ont été transmis aux autorités russes par un membre d'une tribu sibérienne, mais aucune preuve scientifique n'a jamais été fournie. En 1946, un chargé d’affaires français travaillant à Vladivostok, M. Gallon, a assuré qu'en 1920 il avait rencontré un trappeur russe qui prétendait avoir vu des « éléphants » géants et velus, vivant au cœur de la taïga. Gallon ajoutait que ce trappeur n'avait même pas entendu parler auparavant des mammouths et qu'il parlait des mammouths comme d'animaux vivant dans la forêt, à une époque où on les imaginait vivant dans la toundra et dans la neige[42].
Une autre théorie explique que d'un ou plusieurs crânes de mammouth serait né le mythe des Cyclopes... Il y a trois mille ans, des marins grecs auraient découvert dans une grotte de Sicile des crânes gigantesques dont la cavité nasale forme un trou énorme, ressemblant à une orbite : le mythe du cyclope, géant à l’œil unique, se constitue… Ce que les navigateurs avaient déniché, était en fait des restes de mammouths dont l'orifice, commun à tous les proboscidiens - les « porteurs de trompe » -, a sans doute été pris pour l'orbite monstrueuse d'un œil unique[44]).
La société de vente aux enchèresChristie's a adjugé un squelette de mammouth pour 260 000 € le 16 avril 2007[45].
Le 9 décembre 2017, la société de vente aux enchères Aguttes a adjugé un squelette de mammouth vieux de 70 000 ans à la société Soprema pour un montant de 548 250 €[46].
↑W. Robertson, L'Histoire de l'Amérique, tome I, 1777, (1778 pour l'édition française), p. 482.
↑(en) Oxford English Dictionary, Oxford, England, Oxford University Press, (lire en ligne), « mammoth » :
« Russian †mamant in mamantova kost' mammoth's bone »
↑Patrick Paillet, « Le mammouth de la Madeleine (Tursac, Dordogne). Dans son siècle et aujourd’hui », Paléo, no 22, , p. 223-270 (DOI10.4000/paleo.2143).
↑La bourre laineuse bouclée très dense de moins de 5 cm, qui évite les pertes de chaleur ; le crin forme un sous-poil de 10 à 15 cm de long qui protège de l'air froid ; les jarres forment de longs poils atteignant parfois 1 m et qui donnent la couleur du pelage.
↑Un temps de mammouth : portrait d'un géant disparu, Archéa, Plume de carotte, , p. 17
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