Les partis politiques au Mali sont reconnus depuis 1991 comme « des organisations de citoyens réunis par une communauté d'idées et de sentiments, prenant la forme d'un projet de société, pour la réalisation duquel ils participent à la vie politique par des voies démocratiques ».
Après le coup d’État de Moussa Traoré le , les partis politiques sont dans un premier temps interdits. Les revendications pour le multipartisme se développent à partir de 1990 mais Moussa Traoré reste intransigeant, position manifestations réprimées par le régime autoritaire avant qu’Amadou Toumani Touré renverse le régime et préside le Comité de transition pour le salut du peuple qui instaure une république démocratique fondée sur le multipartisme. Depuis 1991, le nombre de partis politiques, qui peuvent se créer librement, explose pour atteindre 120 partis en 2009.
Historique
Avant l’indépendance : deux grands partis
Après la Seconde Guerre mondiale, plusieurs partis politiques sont créés au Soudan français, colonie française correspondant à l’actuel Mali.
Trois partis sont créés au début 1946. Le Parti démocratique soudanais est créé le . Ce parti est proche du Parti communiste français.
Le , est créé le Bloc démocratique soudanais, officiellement proche de la SFIO mais qui se rapproche du PCF. Le Parti progressiste soudanais (PSP) est créé le . Il constitue en milieu rural une trentaine de comités à travers le pays et recrute chez les notables locaux, les chefs de canton désignés par le colonisateur[1].
Mais l’US-RDA arrive en tête aux premières élections municipales organisées à Bamako le ainsi qu’aux élections municipales du . Modibo Keïta devient le premier maire de Bamako[4].
Aux élections pour l’Assemblée territoriale soudanaise de mai 1957, l’US-RDA obtient 35 députés et le PSP seulement cinq[5].
La première république : l’US-RDA, parti unique de fait
L’indépendance du Mali, après l’échec de la Fédération du Mali qui regroupait le Soudan français et le Sénégal, est proclamée lors du congrès extraordinaire de l’US-RDA qui décide de l’orientation socialiste de la nouvelle république[6]. Son président Modibo Keïta est élu président de la république.
L’US-RDA domine largement la vie politique. Le PSP, dont les cadres avaient majoritairement intégré l’appareil d’État, décide de rejoindre en 1959 les rangs du parti de l’indépendance[7]. L’US-RDA devient de fait le parti unique, fonctionnant selon le principe du centralisme démocratique[6].
Les anciens leaders du PSP, Fily Dabo Sissoko et Hammadoun Dicko, opposés à l’orientation socialiste et à la création du franc malien, sont arrêtés et condamnés en 1962, emprisonnés à Kidal avant de mourir certainement assassinés.
Le président Modibo Keïta fait face à une division au sein de son parti, partagé entre une aile droite et une aile gauche. Il tente de maintenir l’unité mais est contraint de dissoudre le Bureau politique national le [6].
Sous Moussa Traoré : de l’interdiction des partis au parti unique
Le , le régime de Modibo Keïta est renversé par des militaires conduits par Moussa Traoré, qui prend la tête du Comité militaire de libération nationale. Le capitaine Yoro Diakité prend la tête d’un gouvernement provisoire. La constitution est suspendue le , et les partis politiques sont interdits[8].
Le , une constitution approuvée par référendum (qualifié de farce par les opposants) par 99,71 % prévoit, après une période transitoire de cinq ans, l'élection du chef de l'État au suffrage universel, une Assemblée nationale et un parti unique[9].
Des partis politiques voient le jour dans la clandestinité. Au début des années 1970, le Parti malien du travail (PMT) s'engage pour la défense des libertés individuelles et l'instauration du pluralisme politique. Les militants du PMT s'impliquent au sein de l'Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM). Lors du 2e congrès du syndicat (appelé « congrès de revitalisation des travailleurs maliens »), l'UNTM réclame le départ des militaires. La junte militaire fait dissoudre la direction de l'UNTM et arrêter des membres du bureau syndical[10].
Le , Moussa Traoré, unique candidat à l’élection présidentielle est élu ainsi que les 82 députés, tous membres de l’UDPM[12].
L’opposition démocratique, présente tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, notamment en France, tente de s’organiser. Le PMDR appelle, lors de sa conférence de Tombouctou en 1979, « les patriotes et démocrates maliens » à s’unir pour combattre le régime de Moussa Traoré[10].
L’année 1990 est marquée par la contestation du parti unique et les revendications du multipartisme et de la démocratie au Mali. Les 28 et , l'Union nationale des travailleurs du Mali tient son conseil central extraordinaire et déclare: « Considérant que le parti unique constitutionnel et institutionnel ne répond plus aux aspirations démocratiques du peuple malien ; […] le conseil central extraordinaire rejette en bloc le dirigisme politique qui entrave le développement de la démocratie au Mali […] opte pour l'instauration du multipartisme et du pluralisme démocratique[9].
Alors que les partis politiques sont toujours interdits, plusieurs associations vont être créées : l’Association des jeunes pour la démocratie le [9]
Le Congrès national d'initiative démocratique (Cnid) est créé le [13]. Le , l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema) est créée. Présidée par Abdrahamane Baba Touré elle regroupe des militants des plusieurs partis clandestins (US-RDA, PMDR, PMT, FDPM) opposés au régime autoritaire de Moussa Traoré.
À partir de décembre 1990, les associations mobilisent la population. Le Cnid organise une manifestation pacifique qui réunit 10 000 personnes à Bamako le [14], puis, avec l’Adéma, une nouvelle manifestation, unitaire, le , qui rassemble de 30 000 à 50 000 personnes dans les rues de Bamako[15],[16]. Les manifestations se poursuivent au début de l’année 1991 : le à Bamako et le à Ségou[14]. Le , une nouvelle marche est organisée par les deux associations rejointes par l’Association pour la justice, la démocratie et le progrès (AJDP) et la Jeunesse libre et démocratique (JLD). Le , l’Adema, le Cnid et l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) organisent une marche silencieuse en souvenir de Cabral, leader étudiant assassiné le [14].
Le , alors que des manifestations violemment réprimées se succèdent, le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré arrête Moussa Traoré[14]. Un Comité de transition pour le salut du peuple est créé auquel participe des militaires et des représentants des associations. Une conférence nationale établit une nouvelle constitution et écrit une charte des partis politiques.
Depuis 1991, le multipartisme
La constitution de la 3e république reconnaît le multipartisme.
Très rapidement le nombre de partis explose mais très peu ont des élus aux élections nationales. En 1992, 48 partis ont été créés, 24 participent aux élections municipales et 22 au premier tour des élections législatives en 1992[9] où, en dehors de l’Adéma-Pasj qui obtient 76 députés sur 116, seuls neuf partis ont entre un et neuf élus[10] :
La multitude de partis incite à la création d'alliances électorales. En 1996 sont créées trois coalitions. L’Adéma-Pasj réunit ses alliés au sein de la Convergence nationale pour la démocratie et le progrès[18], créé le , alors que l’opposition se regroupe dans deux coalitions, le Rassemblement des forces patriotiques[19], créé le , et le Front pour le changement et la démocratie[20], créé le [10].
Quelques mois plus tard, après les ratées du premier tour des élections législatives le , les partis politiques de l'opposition se réunissent au sein du Collectif des partis de l’opposition (Coppo) et la plupart boycottent les élections présidentielle et législatives de juillet 1997[10].
Depuis plusieurs années, des petits partis ont choisi de fusionner avec des partis plus importants. Ainsi, le , le Parti malien pour le progrès social (PMPS Ciwara Ton), créé en 1991 et dirigé par Moriba Samaké, a décidé de se fondre dans l'Union pour la république et la démocratie (URD)[22]. En 2008, le Rassemblement national pour la démocratie (RND), le Parti pour l'unité, la démocratie et le progrès (PUDP), le Parti pour la démocratie, la culture et l'intégration (PDCI) ont décidé de fusionner avec Adéma-Pasj[23].
En juillet 2009, 120 partis politiques sont enregistrés auprès du Ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales[24].
Partis politiques représenté à l’Assemblée nationale depuis 1992
Partis représentés à l’Assemblée nationale depuis 1992
La charte des partis politiques a été établie par une ordonnance du Comité de transition pour la salut du peuple (CTSP) le [25]. Elle se définit comme « un ensemble de principes qui régit la vie des partis » et a pour objet « de codifier leurs règles de formation, de fonctionnement et de financement »[26].
Selon cette charte, les partis politiques « organisations de citoyens réunis par une communauté d’idées et de sentiments, prenant la forme d’un projet de société, pour la réalisation duquel ils participent à la vie politique par des voies démocratiques » ont « vocation à mobiliser et éduquer leurs adhérents, à participer à la formation de l’opinion, à concourir à l’expression du suffrage et à encadrer des élus »[26]
Les partis se forment et exercent leur activité librement. Cependant, la charte précise un certain nombre d’interdits : « ils ne doivent pas porter atteinte à la sécurité et à l’ordre public, ainsi qu’aux droits et aux libertés individuels et collectifs » ; ils n’ont pas le droit de créer des « organisations à caractère militaire ou paramilitaire » et ne peuvent se fonder » sur une base ethnique, religieuse, linguistique, régionaliste, sexiste ou professionnelle », ni vouloir « porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine de l’État »[26].
Des modifications à cette charte sont apportées par une loi du [27] et par une loi du [28].
Le financement public
La charte des partis politiques prévoit un financement public des partis par une aide financière de l’État inscrite au budget de l’État à raison de 0,25 % des recettes fiscales[29].
Cette aide est répartie entre les partis politiques selon plusieurs critères :
15 % des crédits alloués est reversé aux partis ayant participé aux dernières élections générales municipales ou législatives
40 % est reversé proportionnellement au nombre de députés élus
35 % est reversé proportionnellement au nombre de conseillers communaux élus
10 % est reversé proportionnellement au nombre de femmes élues (5 % pour les députées, 5 % pour les conseillères communales).
Pour bénéficier de cette aide, les partis doivent remplir certaines conditions :
justifier la tenue régulière des instances statutaires du parti ;
disposer d'un siège national exclusivement destiné aux activités du parti distinct d'un domicile ou d'un bureau privé ;
disposer d'un compte ouvert auprès d'une institution financière installée au Mali ;
tenir un inventaire annuel des biens meubles et immeubles et présenter les comptes annuels à la Section des comptes de la Cour suprême au plus tard le 31 mars de chaque année ;
justifier d'un compte dont la moralité et la sincérité sont établies par le Rapport de vérification de la Section des comptes de la Cour suprême ;
justifier de la provenance de ses ressources financières et de leur utilisation ;
avoir participé aux dernières élections générales législatives ou communales.
Au titre de l’année 2009, le gouvernement a annoncé l’octroi de subventions à 32 partis politiques éligibles selon ces critères, pour un montant global de plus 1,1 milliard de francs CFA[30],[31].
Les partis de l’opposition
L’Assemblée nationale adopte le la loi portant statut des partis de l’opposition en république du Mali. Cette loi « a pour objet de conférer un statut juridique à l’opposition dans un cadre démocratique et pluraliste aux fins de contenir le débat politique dans les limites de la légalité et d’assurer l’alternance pacifique au pouvoir. » Elle définit les devoirs (contribuer au développement de l’esprit démocratique, respecter la constitution et les institutions, défendre les intérêts supérieurs de la Nation, cultiver la non-violence comme forme d’expression, cultiver l’esprit républicain par le respect de la règle de la majorité) et les droits (droit de représentation en fonction de leur poids politique au sein des organes et des institutions où ils siègent, libre accès aux renseignements par voie d’audience spéciale dans les ministères et administrations publiques, droit de recevoir et d’être reçu par les missions diplomatiques accréditées au Mali et les personnalités étrangères en visite au Mali. Ces droits « sont inaliénables et imprescriptibles »[32].
Le Centre malien pour le dialogue inter-parti et la démocratie
Le Centre malien pour le dialogue inter-partis et la démocratie (CMDID) est une plate-forme regroupant 52 partis politiques (dont 14 représentés à l’Assemblée nationale), créée en avril 2008[33].
Le CMDID a pour but de contribuer à la promotion de la démocratie et du multipartisme au Mali en vue de consolider l’unité et la cohésion nationale, par le renforcement du dialogue entre les partis et de leurs capacités institutionnelles et organisationnelles[33].
En 2009, le CMDID a élaboré un « plan d’action » qui inclut sa participation au processus de réformes engagées, une plus grande participation des femmes et un dialogue avec les acteurs de la société civile afin d’accroître la confiance des citoyens envers les partis politiques[34].
Le CMDID organise des rencontres entre les différents partis sur des thématiques comme le rapport de la mission de consolidation du processus démocratique au Mali de Daba Diawara[33].
Le CMDID bénéficie d’un soutien financier de l'Institut néerlandais pour la démocratie multipartite (IMD)[34].
Le conseil d’administration du CMDID est présidé par le Dr. Amadou Sy[33].
Notes et références
↑Pierre Boilley, Les Touaregs Kel Adagh: dépendances et révoltes : du Soudan français au Mali contemporain, Éditeur KARTHALA Editions, 1999
↑Ali Cissé, Mali, une démocratie à refonder, Paris, L'Harmattan (études africaines), 2006 p.44
↑ a et bBiographie de Jean Silvandre, Biographies des députés de la IVe République sur le site de l’Assemblée nationale française [1], consulté le 4 février 2010
↑Amadou Ballo, École normale supérieure de Bamako, département d'études et de recherches d'histoire et de géographie, Bamako, Presse universitaire de Bordeaux (coll Pays enclavés N°6), 1993
↑ abc et dMarie-France Lange, Insoumission civile et défaillance étatique : les contradictions du processus démocratique malien, Autrepart (10), 1999 pp 117-134 [3]
↑ abcdef et gBakary Camara, Le processus démocratique au Mali depuis 1991— Entre fragmentation de l’espace politique et coalitions : Quels sont les impacts de la démocratisation sur la condition de vie des maliens ? [4]
↑Seydou M. Diarrah 1991cité par Bakary Camara, le processus démocratique au Mali
↑El Hadji Omar Diop, Partis politiques et processus de transition démocratique en Afrique noire: recherches sur les enjeux juridiques et sociologiques du multipartisme dans quelques pays de l'espace francophone, Publibook, 2006 p.71
↑ abcd et eRetour triomphal du président Tall à Bamako « le Cnid est une équipe » dixit l’avocat, Le Matinal, 14 octobre 2008 [5]
↑Espoir 2002 regroupe le RPM, le Cnid, le MPR et 12 autres partis politiques : Rassemblement pour la démocratie et le progrès (RDP), Rassemblement pour la démocratie du travail (RDT), Part populaire pour le progrès (PPP), Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), Rassemblement des républicains (RDR), le Parti écologiste pour l’intégration (PEI), Rassemblement pour la justice et le progrès (RJP), Parti libéral malien (PLM), la concertation démocratique (CD), le Parti du renouveau démocratique et du travail (PRDT), Mouvement populaire pour la démocratie directe] (MPDD) et Mouvement populaire pour la lutte ouvrière (MPLO)
↑M. Keïta, Partis : Le PMPS se fond dans l’URD, L’Essor, 8 avril 2008
↑Issa Fakaba Sissoko, La vraie face de Me Abdoulaye Garba TAPO Fusion ADEMA-RND, Radio Steve Bantou Biko, 4 mai 2008 [7] ; http://www.kurukanfuga-pdhre-afrique.org/spip.php?article11684
Cheick Tandina, Division, fusion, naissance, L’Aube, 12 Mai 2008 [8] ; Samba Traoré, Le PDCI phagocyté lui aussi par le parti de Dioncounda Traoré L’Indépendant, 16 juin 2008
↑Ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales, Liste des partis politiques, 7 juillet 2009