L'action se déroule dans une petite ville près de Marseille, la semaine de Noël. Un ancien repris de justice repenti, père de famille travaille comme mécanicien dans un garage. Un matin, il est réveillé aux aurores par deux policiers de façon musclée. Ceux-ci l'accusent d'être l'auteur d'un « casse » au chalumeau, survenu la nuit même chez son employeur. Ils se fondent sur les empreintes digitales et, surtout, sur le fait qu'il a été condamné cinq ans auparavant pour une affaire similaire. Ils l'emmènent au commissariat, d'où il ressortira à treize heures, soit quelques heures plus tard, mais pour être conduit à la morgue. Sa veuve porte alors plainte.
Le juge d'instruction Bernard Level (Jacques Brel) est chargé du dossier. Celui-ci vit seul avec son fils, un étudiant préparant l'agrégation et participant de temps à autre à l'agitation gauchiste dans son lycée. Tous deux devaient partir le soir même aux sports d'hiver, mais le magistrat doit annuler son départ. En lui confiant l'affaire qu'il est requis de "gérer au mieux", le Procureur de la République lui conseille d'être prudent et de ne pas oublier « que la police est la meilleure alliée de la Justice ».
Le juge reçoit le rapport du médecin légiste qui est formel : le suspect est mort de nombreux coups et blessures. Le juge commence l'instruction. Il comprend vite que la police couvre les inspecteurs impliqués. Il constate non seulement que les témoins ont été intimidés, mais qu'il y a aussi eu dissimulation d'un témoin : une prostituée que les policiers ont « éloignée » de la ville. Les inspecteurs vont même jusqu'à menacer la veuve. Plus tard, différentes manœuvres sont exercées sur son fils, puis sur sa maîtresse, pour l'influencer.
Le juge se retrouve au milieu d'un affrontement qui dépasse l'affaire. D'un côté, on fait pression sur lui, pour qu'il évite par principe de condamner des policiers. Les chefs de la police, tout comme l'avocat des deux inspecteurs, lui demandent de conclure qu'il s'est agi d'un malheureux accident, et d'accorder un non-lieu. D'un autre côté, des agitateurs se sont emparés de l'affaire. Ceux-ci aussi sont moins motivés par la recherche de la vérité que par le moyen qu'ils ont trouvé pour exprimer leur « haine du flic ». Ils organisent des distributions de tracts et des manifestations, qui tournent parfois à l'émeute.
Le juge d'instruction ne baisse pas les bras dans sa quête de la vérité. Il parvient à inculper les policiers, ces « assassins de l'ordre ». Ils seront jugés en Cour d'assises. Mais les deux policiers finissent par être acquittés, non seulement en conséquence des pressions évidentes exercées sur les témoins et de l'habileté du ténor du barreau qui défend les policiers, mais surtout à cause de la passivité inattendue de l'avocat de la veuve. En fait, avant le procès, il s'est vu offrir, par le grand avocat de la partie adverse, de remplacer un de ses collaborateurs parti fonder sa propre étude à Lyon.
Le réalisateur dévoile dans ses mémoires, Ma vie à belles dents qui avait fait beaucoup de bruit à sa première publication en 1975, toutes les difficultés qu'il a rencontrées à cause des pressions qu'on lui a fait subir pour tenter de le décourager de tourner ce film, ainsi que le silence médiatique et critique imposé autour de celui-ci : il n'a bénéficié de pratiquement aucune promotion et sa sortie en salle fut anormalement limitée en France. Ce film a également été très peu rediffusé à la télévision, comparé à d'autres. Selon Carné, tout a été fait pour qu'il passe inaperçu. Par conséquent, malgré un casting rassemblant plusieurs célébrités de l'époque, le film n'a rencontré qu'un succès restreint, bien qu'il y soit question d'un sujet brûlant. A l'étranger en revanche, il a reçu de très bonnes critiques et même quelques récompenses[2].
L'auteur du livre dont est tiré le scénario, Jean Laborde, fut chroniqueur judiciaire à France-Soir et à L'Aurore, entre les années 1964 et 1978. Il connaissait donc de près le système judiciaire français, de l'inculpation à la condamnation. Il couvrit entre autres, les célèbres affaires Marie Besnard et Dominici.
Le roman de Jean Laborde et donc le film de Marcel Carné sont directement inspirés d'une affaire réelle qui se déroula en : "L'affaire des policiers de Bordeaux" à laquelle Denis Langlois a consacré une quarantaine de pages de son livre "Les Dossiers noirs de la police française" paru en . On y note des différences importantes avec le film de Carné : en fait, le juge d'instruction, loin de résister courageusement aux pressions et d'inculper les policiers, prit rapidement une ordonnance de non-lieu. C'est la Chambre d'accusation qui renvoya les policiers devant la Cour d'assises de la Gironde où ils ne furent jugés qu'en , soit huit ans après les faits, et acquittés[3].
Restauration en HD 4K
Le film est restauré en 4K à l'initiative de LCJ Éditions et Productions en 2016 (avec le soutien du CNC) par les laboratoires Eclair suivi d'une numérisation.