Lanfranc, à ses pieds, Bérenger de Tours qui soutient que la présence du Christ dans l'Eucharistie est purement symbolique et à qui Lanfranc s'est violemment opposé. Toile du XVIIIe siècle.
Lanfranc naît à Pavie vers 1010, d'Aribald et Roza. Il a deux neveux : Paul, abbé de St-Albans (1077-1093), et Lanfranc, abbé de Saint-Wandrille (1089-1091)[1].
Il est envoyé par Herluin avec trois moines pour restaurer la discipline monastique à l'abbaye de Saint-Évroult, mais il rentre au Bec avant 1049, reconnaissant son échec. Il reçoit la visite début 1061 de Mainier, prieur de Saint-Évroult venu le consulter à propos de l'élection du futur abbé. Il conseille au duc Guillaume avec Anfroi, abbé de Saint-Pierre de Préaux, d'envoyer Osberne, prieur de l'abbaye Notre-Dame de Cormeilles pour diriger cette abbaye[1].
Le théologien et la controverse avec Bérenger de Tours
En 1049, Lanfranc prend également part à une controverse eucharistique qui l'oppose à Bérenger de Tours. Celui-ci soutient que, dans le pain eucharistique, la présence du Christ est purement symbolique. Lui-même est partisan de ce qui deviendra (au concile de Trente) la doctrine de la transsubstantiation. Il est l'un des premiers à recourir aux catégoriesaristotéliciennes pour distinguer l’apparence (species) du pain et du vin de leur essence ou substance, qui selon lui est changée lors de la consécration. En 1050, il assiste au concile de Rome et au concile de Vercelli[1], qui voit la condamnation de Bérenger. Il rencontre Bérenger à la fin de l'année à la cour tenue à Brionne[1]. Il est également présent au concile de Tours en 1055, où il continue à croiser le fer avec Bérenger. En 1059, la « présence réelle » est adoptée par l'Église catholique lors d'un autre concile tenu à Rome. Bérenger est de nouveau condamné et doit lire une rétractation. Vers 1063, Lanfranc rédige le De corpore et sanguine Domini[1] en réponse au Scripta contra synodum de Bérenger, rétractation de sa rétractation de Rome.
Abbé de Saint-Étienne de Caen
En 1063, Lanfranc est désigné par le duc Guillaume, futur Guillaume le Conquérant, pour devenir le premier abbé de Saint-Étienne de Caen[1], abbaye créée sur l'initiative du duc, qui entend faire de Caen un second centre du pouvoir en Normandie. Il fait construire la nouvelle abbaye et constitue le temporel. Il y crée comme au Bec une école monastique. Il apporte avec lui les coutumes qu'il avait rédigées au Bec avec Herluin[1].
Le siège archiépiscopal de Rouen lui aurait été proposé en 1067, mais il refuse la position. Il effectue un voyage à Rome pour obtenir du pape le transfert de Jean d'Ivry à Rouen[1].
Après son couronnement en 1066, Guillaume le Conquérant entreprend la réforme de l'Église d'Angleterre. En 1070, Guillaume fait déposer l'archevêque de Cantorbéry, Stigand, par le concile de Winchester, sous le prétexte de simonie. Guillaume désigne le Lanfranc pour le remplacer[1]. Il est consacré le 29 août[1] et reçoit le pallium en 1071 des mains de son ancien élève, Alexandre II. Son épiscopat est marqué par le compromis dans la lutte de pouvoir entre princes et papauté ainsi que par la concurrence de l'archevêché d'York, qui prétend également à la primatie.
Il intercéda pour la vie de Waltheof, qui était probablement innocent, ne voulant pas qu'il fût exécuté pour la faute des autres, mais il échoua à convaincre Guillaume.
Hommages
Éditions de la correspondance
On doit à Luc d'Achery, qui en 1648 venait de se procurer une copie du XVIe siècle d'un manuscrit du XIIe siècle composé à l’abbaye du Bec, la publication du premier recueil des lettres de l’abbé Lanfranc[3]. Cette édition de la correspondance de Lanfranc devait être réimprimée en 1745 à Venise, puis en 1844 par John Allen Giles (1808–1884) ; ce dernier, disposant de quelques manuscrits supplémentaires, a complété quelques lettres et rectifié l'ordre des documents. Le P. Jacques Paul Migne l'a incluse dans sa Patrologia Latina[4]. Ce n'est qu'en 1961 qu’Helen Clover compila, dans le cadre de sa thèse, une nouvelle édition critique confrontant un cercle beaucoup plus vaste de manuscrits.
Odonymie
Le nom de Lanfranc a été donné en Normandie à différentes voies :