Le film est construit à la façon des récits picaresques. Deux hommes se rendent à Saint-Jacques-de-Compostelle, non pour le pèlerinage, mais dans l'intention de voler quelques pèlerins. Pierre est âgé et croyant ; Jean[1] jeune et athée. Ils y feront des rencontres troublantes, les unes symboliques (Dieu le père qui se sépare en trois personnages en les quittant), les autres les faisant voyager dans l'espace comme dans le temps. Le film fait ainsi apparaître un évêque hérétique du IVe siècle, le Christ et ses disciples, des inquisiteurs, le marquis de Sade, un Jésuite et un Janséniste ou encore des convulsionnaires. Les personnages principaux se retrouvent personnellement mêlés aux multiples querelles qui, depuis ses origines, ont jalonné l'histoire de l'Église[2].
Le film est parsemé de nombreuses citations en clin d'œil aux spectateurs avertis en théologie[3]. Bien qu'il possède plusieurs niveaux de lecture, il reste accessible au plus grand nombre.
La plupart des grandes hérésies sont évoquées, ainsi que les rapports entre la religion et l'ordre social (scène du restaurant, intervention des gendarmes…) ou la vie intime (scène de l'hôtel) dans un climat souvent onirique ainsi qu'il est de coutume chez Buñuel. Le film se termine sur une image d'aveugles qui, leur chemin barré par un minuscule fossé où se perd leur canne, ne peuvent suivre Jésus dispensant son enseignement.
Jean-Claude Carrière, assistant du réalisateur, a mis en garde dans une interview contre tout contresens sur le film, qui se veut une évocation du mécanisme des hérésies davantage que de la religion. Le film montre de façon très subtile que toute hérésie combine une interprétation particulière d'un écrit obscur d'une part, et d'une recherche de pouvoir ou de prestige de l'autre, à travers de nombreux exemples. Le duel argumenté et mortel du janséniste et du jésuite, s'affrontant à coup d'épée comme de répliques, est à cet égard représentatif du film.
Quelques critiques au moment de sa sortie
« C'est une farce sérieuse, ou si l'on préfère, un film d'une sévérité facétieuse. À tout prendre, un film qui n'est pas antipathique […]. C'est tout bonnement une fantaisie sur le thème le moins fantaisiste qui soit : les hérésies ou plutôt les quelques hérésies qui depuis le début de notre ère ont agité et perturbé le christianisme. »
« Brillant, classique par sa forme, baroque par son esprit, tel apparaît dès l'abord le nouveau film de Luis Buñuel […]. En ne s’attachant qu’aux aspects extérieurs des débats qui marquèrent l’histoire de l'Église, La Voie lactée ne permet pas de comprendre l'histoire tout court. Si l'on peut le regretter, ce n'est pas une raison pour bouder le film. »
— L'Humanité dimanche, François Maurin, 23 mars 1969
Notes et références
↑On remarquera que ce sont les prénoms respectifs du plus « respecté » d'une part et du plus jeune d'autre part des apôtres.
↑« " LA VOIE LACTÉE " de Bunuel », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑Par exemple des citations du concile de Braga par de jeunes élèves d'un établissement d'enseignement.