La reconnaissance et les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) semble très hétérogène en Ukraine. L'homosexualité y est légale depuis la chute de l'Union soviétique en 1991[1]. Cependant il n’existe aucun texte de loi qui vise la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle en particulier.
L'Église orthodoxe s'est opposée aux événements et groupes LGBT, souvent au nom de la « lutte contre l'immoralité », et a même encouragé les attaques violentes. Ainsi, de nombreuses personnes LGBT en Ukraine déclarent ressentir le besoin de mentir sur leur véritable orientation sexuelle ou identité de genre afin d'éviter d'être la cible de discrimination ou de harcèlement violent[2].
Si dans les pays d'Europe occidentale les homosexuels étaient brûlés vifs, sur les terres de Rus' de Kiev et du grand-duché de Lituanie, la législation était beaucoup plus douce envers ce groupe de personnes[réf. nécessaire]
À l'époque cosaque, les homosexuels étaient piétinés à mort par des chevaux, car on croyait que ce phénomène venait du diable et contredisait les normes chrétiennes[5].
Dans certains villages ukrainiens au XIXe siècle, la pratique de la masturbation mutuelle en groupe est devenue populaire parmi les adolescents, notamment les homosexuels (en langue ukrainienne : секеляння, sekeliannia)[6].
XXe siècle
Après la révolution de Février, toutes les lois de l'Empire russe ont été abolies, y compris l'article prévoyant l'emprisonnement des homosexuels. Les relations homosexuelles à l'époque de la République populaire ukrainienne étaient légales, mais les hommes politiques de l'époque ne discutaient pas de la situation sociale de ce groupe de population.
Après la guerre d'indépendance ukrainienne et la formation de l’URSS en 1922, les autorités ont d’abord traité les personnes LGBT de manière neutre et les ont surveillées secrètement. Mais après l'arrivée au pouvoir de Staline et la dénonciation de Guenrikh Iagoda, dans laquelle il accusait les homosexuels d'« espionnage », en 1933, dans le cadre de la terreur politique soviétique, l'homosexualité fut criminalisée. L'article correspondant a été inclus dans le Code pénal de la RSS d'Ukraine en 1934, mais était plus souvent utilisé contre les opposants politiques et les dissidents. Un célèbre condamné en vertu de cet article était le réalisateur d’origine arménienne Sergueï Paradjanov[7].
Depuis 1991, la communauté LGBT ukrainienne est devenue plus visible dans les centres urbains et il y a des boîtes de nuit LGBT, des publications et des organisations de défense des droits de l'homme[8].
Formation du mouvement des droits
En 1998, le premier groupe en faveur des droits LGBT est créé. Our World est un centre communautaire LGBT et une organisation de défense des droits de l'homme. En 2008, les organisations LGBT ukrainiennes se sont réunies au sein de l'« Union des organisations gays de l'Ukraine ».
Moins de 1 % des homosexuels ukrainiens parleraient ouvertement de leur orientation sexuelle.
Une église gay et œcuménique est créée à Donetsk en 2011. La paroisse de Saint Cornelius le centurion devient la première église gay du pays, paroisse qui offre un refuge et un lieu de parole et de prière. Roman Zouïev en est le prêtre fondateur[9].
Proposition de loi sur la « promotion de l'homosexualité »
En octobre 2012, le Parlement ukrainien adopte en première lecture la proposition de loi 8711 visant à combattre la « promotion de l’homosexualité », directement inspirée de la loi russe définitivement adoptée en 2013[10]. Néanmoins, à la suite de la révolution de février 2014, et de l'arrivée au pouvoir des pro-européens, ceux-ci assimilant la proposition de loi à la Russie, le Parlement retire l'examen de la proposition de son ordre du jour en janvier 2015[11].
Militantisme
Marche des fiertés
La première pride a lieu à Kiev le , alors qu'une centaine militants pour les droits des homosexuels défilent, sous la protection d'un important dispositif de police[3],[4]. Elle est coorganisée par Anna Sharyhina et sa partenaire, Vira Chemygina.
La pride de 2014 a été interdite par les autorités ukrainiennes en raison de leur impossibilité de garantir la protection des participants[12].
La deuxième pride de l'histoire de l'Ukraine a lieu le à Kiev, réunissant 300 participants[13]. Face aux menaces quant à sa tenue et aux demandes du maire de Kiev Vitali Klitschko d'y renoncer faute de sécurité[14],[15], le président Petro Porochenko exprime son soutien aux participants de la pride : « J’observe la marche de l’égalité à la fois en tant que chrétien et en tant que président européen. Et je pense que ces deux idées sont tout à fait compatibles ». Ce soutien présidentiel est une première dans l'histoire du pays[16]. C'est également la première fois que deux députés de la Rada y participent : Serhiy Lechtchenko et Svitlana Zalichtchouk, tous deux membres du Bloc Petro Porochenko[17].
En 2016 a lieu la première pride en dehors de la capitale, elle devait avoir lieu initialement en 2014, mais cette édition a été annulée par crainte des violences[28], elle s'est donc tenue le à Odessa ; elle rassemble une cinquantaine de participants[29],[30]. La seconde édition de la marche des fiertés dans cette ville a lieu le et rassemble 150 personnes[31],[32], la troisième le [33].
Le , 37 personnes participent à la première pride de Kryvyï Rih[34].
Le , c'est la ville de Kherson qui accueille sa première pride, qui réunit 150 personnes, sans incident[35].
Conditions de vie
Acception sociale
Il y a peu de soutien social pour les personnes LGBT à être honnêtes au sujet de leur identité sexuelle ou de genre et il existe à travers le pays un degré assez élevé de harcèlement verbal et physique, et d'intolérance[36].
Dans l'optique de la mise en œuvre de la libéralisation des visas entre l'Union européenne et l'Ukraine[37], cette dernière s'est engagée à rapprocher son droit du travail avec celui de l'UE. Ce rapprochement qui comporte des pans entiers de réformes obligatoires, compte également l'inscription dans le Code du travail de l'interdiction des discriminations en raison de l'orientation sexuelle[réf. souhaitée].
Le , la Rada rejette dans une première lecture cette modification, seuls 117 députés ayant voté favorablement alors que 226 étaient nécessaires[38]. À noter que parmi ces 117 députés, il y en avait notamment 78 du Bloc Petro Porochenko (représentant 66 % du groupe parlementaire) et 7 de Batkivchtchyna (58 % du groupe); contrairement aux élus du Parti radical d'Oleh Liachko ou de ceux issus de l'ancien Parti des régions qui ont à l'unanimité rejeté cette modification[39].
À la suite de ce vote négatif, les députés Svitlana Zalichtchouk et Mustafa Nayyem (Bloc Petro Porochenko) se sont excusés publiquement de ne pas avoir pu être présent lors de ce vote[40]. De même, le député Iehor Soboliev (Samopomitch) annonce qu'il y votera finalement favorablement en deuxième lecture[41]. Avant le second vote, le président d'Ukraine, Petro Porochenko appelle les députés à voter en faveur de cette modification dans le Code du travail en écrivant : « En tant que président, en tant que chrétien orthodoxe, qui suis marié depuis 31 ans et aime sa femme, comme père de quatre enfants, je suis pour la préservation des valeurs de la famille, de la société ukrainienne traditionnelle. Mais en tant que garant de la Constitution, je suis fermement contre toutes les discriminations contre les citoyens ukrainiens sur des motifs d'orientation sexuelle »[42].
Le une manifestation de 200 militants LGBT a eu lieu devant la Ukraine appelant à mettre fin à cette discrimination[43],[44]. Le jour même, à l'occasion de la deuxième lecture, le quorum n'est toujours pas atteint, seuls 206 députés sur les 226 nécessaires, votent l'amendement anti-discrimination en raison de l'orientation sexuelle, sur les 342 présents[45],[46].
Pour la troisième lecture, une nouvelle manifestation de défenseurs des droits LGBT est prévue devant le Parlement[47]. Le , jour du dernier vote, deux députés ont hissé une bannière dans l'hémicycle appelant à la tolérance et à voter cet amendement[48]. Après avoir, une troisième fois, échoué au niveau du quorum, avec 219 députés favorables sur les 226[49], un dernier vote a finalement lieu l'heure suivante, et celui-ci se révèle positif, 234 députés ayant voté favorablement[50],[51].
À la suite de ce vote, le président Petro Porochenko s'est réjoui que les députés aient voté favorablement à ce changement en écrivant sur Twitter : « L'Ukraine rompt avec les chaînes des discriminations de son passé soviétique. Et les valeurs familiales restent intactes. »[53],[54].
Le , Petro Porochenko promulgue officiellement la loi anti-discriminations dans le Code du travail[55].