Karl Gützlaff s'est choisi pour nom chinois : 郭士立 ; pinyin : guō shì lì, nom toujours en usage actuellement en chinois, même si son nom officiel était devenu ultérieurement 郭實腊 (pinyin : guō shí là).
Biographie
Jeunesse et formation
Très tôt orphelin, Karl Friedrich August Gützlaff est d'abord apprenti sellier à Stettin (aujourd'hui Szczecin)[1] , puis, en 1820, il profite d'une visite du roiFrédéric-Guillaume III dans cette ville pour lui présenter un poème de sa composition et obtenir son soutien pour pouvoir suivre des études. En , Karl Gützlaff entre à l'école missionnaire de Johannes Jaenicke à Berlin, qui est soutenue par le roi et qui se caractérise par son adhésion au piétismemorave. En 1821, fortement influencé par August Tholuck, il connaît une expérience spirituelle de conversion. Il étudie les langues de manière intensive. De 1823 à 1826, il poursuit sa formation à Rotterdam, apprenant le néerlandais et le malais pour se préparer au service missionnaire dans les Indes néerlandaises. Il acquiert également les bases des langues turque et arabe.
Premières années de mission
En 1827, la Société des Missions néerlandaise envoie Karl Gützlaff à Batavia. C'est là qu'il apprend la langue chinoise. Le missionnaire britannique Walter Medhurst l'encourage à approfondir ses études sur ce pays[2].
En 1828, il quitte la société en 1828, et se rend d'abord à Singapour, puis à Bangkok avec Jacob Tomlin de la London Missionary Society, où il travaille à une traduction de la Bible en thaï. Il fait un bref voyage à Singapour en , où il épouse une missionnaire anglaise, Maria Newell. Tous deux retournent à Bangkok en où ils travaillent sur des dictionnaires cambodgien et laotien. Mais avant que le travail ne soit terminé, Maria meurt en couches, laissant un héritage considérable. En 1834, Gützlaff se remarie, cette fois avec Mary Wanstall, qui dirigeait une école et un foyer pour aveugles à Macao.
Mission en Chine
À Macao, puis à Hong Kong, Gützlaff travaille à une traduction chinoise de la Bible, publie un magazine en langue chinoise, l'Eastern Western Monthly Magazine(en), et écrit des livres en langue chinoise sur divers sujets (voir liste des œuvres. En 1834, il publie le Journal de trois voyages le long de la côte chinoise en 1831, 1832 et 1833. En cours de route, il distribue des tracts qui ont été préparés par un autre missionnaire pionnier en Chine, Robert Morrison. À la fin de 1833, il a joué le rôle d'interprète cantonais du naturaliste George Bennett lors de sa visite à Canton[3].
En 1837, Gützlaff et un autre missionnaire, Williams, apprennent le japonais avec des matelots japonais naufragés et font des traductions préliminaires en japonais de la Genèse, de l'évangile selon Matthieu et des épîtres de Paul afin de faciliter l'évangélisation ultérieure du Japon (qui n'est pas encore ouvert aux étrangers à cette date)[4].
Dans les années 1830, William Jardine de la Jardine, Matheson & Co. convainc Gützlaff de travailler comme interprète pour les capitaines de sa compagnie pratiquant la contrebande côtière de l'opium, avec l'assurance que cela lui permettrait de rassembler davantage de convertis. Il fut interprète auprès du plénipotentiaire britannique lors des négociations pendant la première guerre de l'opium de 1839-1842, puis magistrat à Ningbo et Zhoushan. Il est nommé premier assistant du secrétaire chinois de la nouvelle colonie de Hong Kong en 1842 et est promu au poste de secrétaire chinois en août de l'année suivante[6]. En réponse au refus du gouvernement chinois de laisser entrer les étrangers à l'intérieur du pays, il fonde une école pour les "missionnaires indigènes" en 1844 et forme près de cinquante Chinois pendant ses quatre premières années.
Dernières années
Devenu haut-fonctionnaire britannique, Karl Gützlaff s'éloigne quelque peu de ses objectifs missionnaires et un visiteur remarque en 1848 qu'il est devenu un notable corpulent bénéficiant d'un important statut social à Hong-Kong[2]. Sa deuxième femme, Mary, meurt en 1849 à Singapour et y est enterrée. Gützlaff se marie une troisième fois, avec Dorothy Gabriel, lors de son séjour en Angleterre en 1850.
Malheureusement, Gützlaff se révèle un piètre gestionnaire et il se fait escroquer par une partie de ses propres élèves missionnaires autochtones. Si certains sont bien sincères et conduisent bien des activités d'évangélisation, d'autres ne sont que des opiomanes qui inventent des rapports de conversion mirifiques au retour de voyages fictifs, mais prennent bien livraison des Nouveaux Testaments fournis par Gützlaff pour ensuite les revendre à l'imprimeur qui lui-même les revend à Gützlaff. Ce scandale éclate alors que Gützlaff est en tournée en Europe pour collecter des fonds. Brisé par la révélation de cette fraude, Gützlaff meurt à Hong Kong en 1851, laissant une fortune de 30 000 livres sterling[6]. Il est enterré dans le cimetière de Hong Kong.
Postérité
Poursuite de son œuvre missionnaire
La Chinese Evangelization Society(en) qu'il a formée a envoyé en Chine Hudson Taylor, un missionnaire particulièrement actif qui a fondé la Mission intérieure chinoise. Celle-ci devait avoir un impact majeur en termes d'évangélisation de la Chine. Hudson Taylor appela Gützlaff le grand-père de la Mission intérieure chinoise.
Sinologie
Le , Gutzlaff est devenu membre de la toute nouvelle "Société pour la diffusion du savoir utile en Chine". Les membres du comité représentaient une large palette de la communauté des affaires et des missionnaires de Canton : Sir James Matheson (Président), David Olyphant(en), William Wetmore, James Innes, Thomas Fox, Elijah Coleman Bridgman, et John Robert Morrison. John Francis Davis(en), à l'époque Chief Superintendent of British Trade in China, en était membre honoraire[7].
Influence
David Livingstone : c'est après avoir lu l'"Appel aux Églises de Grande-Bretagne et d'Amérique au nom de la Chine" de Gützlaff que David Livingstone a décidé, en 1840, de devenir missionnaire médical[8]. Toutefois, le déclenchement de la première guerre de l'opium rend la Chine trop dangereuse pour les étrangers et la London Missionary Society l'envoie alors en Afrique[9].
Karl Marx est allé écouter les conférences de Gützlaff alors que celui-ci était à Londres en 1850 pour collecter des fonds. Il a également lu les nombreux écrits de Gützlaff, qui sont devenus des sources des articles anti-impérialistes et anti-religieux de Marx sur la Chine dans le London Times et le New York Daily Tribune dans les années 1840 et 1850[10],[11].
Mémoriaux
Une rue est nommée Gutzlaff Street(en) à Hong Kong, et une île porte son nom.
Œuvres
Karl Gützlaff a été un auteur prolifique en chinois : catéchismes, tracts, biographies de personnages bibliques et une dizaine de romans[12]. Ci-dessous une liste de ses principales publications dans les langues européennes :
(nl) Karl Friedrich A. Gützlaff, Verslag van den driejarig verblijf in Siam en eene reize langs de Kust van China naar Mantchou-Tartarije, Rotterdam, [13] ("Rapport du séjour de trois ans au Siam et d'un voyage le long de la côte de la Chine vers la Mantchou-Tartarie" (c'est-à-dire la Mandchourie))
(nl) Karl Friedrich A. Gützlaff, Reizen langs de Kust van China, en bezoek op Corea en de Loo-cho-eilanden, in de jaren 1832 en 1833, door K Gutzlaff, benevens een overzigt van China en Siam en van de verrigtigen der protestantsche zendelingen, in deze en aangrenzende landen, door W. Ellis, en twee andere historische anlagen, Rotterdam, M. Wijt & Zonen, [13] ("Voyage le long de la côte chinoise, et visite de la Corée et des îles Loo-cho, dans les années 1832 et 1833, par K Gutzlaff, ainsi qu'un aperçu de la Chine et du Siam et des établissements missionnaires protestants, dans ce pays et les pays voisins, par W. Ellis, et deux autres annexes historiques.")
(en) Karl Friedrich A. Gützlaff, China Opened; or, A Display of the Topography, History ... etc. of the Chinese Empire, revised by A. Reed, vol. 1, Londres, Smith, Elder & Co., (lire en ligne)
(en) Karl Friedrich A. Gützlaff, China Opened; or, A Display of the Topography, History ... etc. of the Chinese Empire, revised by A. Reed, vol. 2, Londres, Smith, Elder & Co., (lire en ligne)
(en) Karl Friedrich A. Gützlaff, Journal of Three Voyages Along the Coast of China, in 1831, 1832 and 1833 With Notices of Siam, Corea, and the Loo-Choo Islands, Londres, Thomas Ward and Co, (lire en ligne)[14]
(en) Karl Friedrich A. Gützlaff, Notices on Chinese Grammar : Part I. Orthography and Etymology, Batavia, Mission Press, , publié sous le pseudonyme de "Philo-Sinensis"
Sylvia Bräsel: Ein Mittler zwischen Ost und West: Karl Friedrich August Gützlaff – der erste Deutsche in Korea. In: Baltische Studien, Neue Folge, Band 89, Verlag Ludwig, Kiel 2004 (ISBN3-933598-95-8), S. 137–150.
Sylvia Bräsel: Gützlaff, Karl (1803–1851). In: Dirk Alvermann, Nils Jörn (Hrsg.): Biographisches Lexikon für Pommern. Band 1 (= Veröffentlichungen der Historischen Kommission für Pommern. Reihe V, Band 48,1). Böhlau Verlag, Köln Weimar Wien 2013 (ISBN978-3-412-20936-0), S. 107–110.
Hanbao – der chinesische Name für Hamburg. In: Bernd Eberstein(de): Hamburg–China. Geschichte einer Partnerschaft. Hans Christians Verlag, 1988 (ISBN978-3-7672-1022-6), S. 146–153.
Melanie Hanz: Der Missionar Karl Gützlaff (1803–1851) als Vermittler zwischen China und dem Westen. Magisterarbeit, Universität Marburg 1999.
Thoralf Klein(de), Reinhard Zöllner (Hrsg.): Karl Gützlaff (1803–1851) und das Christentum in Ostasien. Ein Missionar zwischen den Kulturen. Steyler Verlagsbuchhandlung, Nettetal 2005 (ISBN3-8050-0520-2).
Paik Lak-Geeon: The History of Protestant Missions in Korea 1832–1910. Pjöngjang 1929.
Werner Raupp(de) (Hrsg.): Mission in Quellentexten. Geschichte der Deutschen Evangelischen Mission von der Reformation bis zur Weltmissionskonferenz Edinburgh 1910. Verlag der Evangelisch-Lutherischen Mission, Erlangen / Verlag der Liebenzeller Mission, Bad Liebenzell, 1990 (ISBN3-87214-238-0) und 3-88002-424-3, S. 287–291.
↑(en) William Ellis, Polynesian Researches, Londres, Fisher, Son & Jackson, (lire en ligne), Introduction lxxxiii
↑ a et b(en) Charles Taylor, Five Years in China, New York, J B McFerrin, (lire en ligne), 51
↑(en) George Bennett, Wanderings in New South Wales, Batavia, Pedir Coast, Singapore and China : being the journal of a naturalist in those countries, during 1832, 1833 and 1834 (Vol. 2), Londres, Richard Bentley, , p. 28
↑(en) Jessie Gregory Lutz et Robert Frykenburg, Opening China : Karl F.A. Gützlaff and Sino-Western Relations, 1827-1852, Grand Rapids (Michigan), Wm. B. Eerdmans Publishing, , 364 p. (ISBN978-0-8028-3180-4, lire en ligne), p. 95
↑(en) David Riazanov, « Karl Marx en Chine », Labour Monthly, (lire en ligne)
↑ a et b(en) James William Norton-Kyshe, History of the Laws and Courts of Hong Kong, vol. 1, Londres, T. Fisher Unwin, .
↑(en) Elijah Coleman Bridgman et Samuel Wells Williams, Proceedings for the formation of, Maruzen Kabushiki Kaisha, coll. « The Chinese Repository », (lire en ligne), p. 378-381
↑(en) A. D. Roberts, Oxford Dictionary of National Biography, Oxford, Oxford University Press, , « Livingstone, David (1813–1873) »
↑(en) Jessie G. Lutz et R. Ray Lutz, Christianisme en Chine du XVIIIe siècle à nos jours, Stanford University Press, (1re éd. 1996), 483 p. (ISBN978-0-8047-3651-0, lire en ligne), « Karl Gützlaff's Approach to Indigenization : the Chinese Union »
↑Une liste des œuvres de Gützlaff en chinois se trouve dans (en) Alexander Wylie, Memorials of Protestant Missionaries to the Chinese : Giving a List of their Publications and Obituary Notices of the Deceased, Shanghai, American Presbyterian Mission Press, , p. 56-63, cité dans (en) Song Gang et John T.P. Lai, Reshaping the Boundaries : The Christian Intersection of China and the West in the Modern Era, Hong Kong, Hong Kong University Press, , 136 p. (ISBN978-988-8390-55-7 et 988-8390-55-4, lire en ligne), « The British Image in Karl Gützlaff's Novels Shifei lüelun and Dayingguo tongzhi », p. 59
↑« Review of Journal of Three Voyages Along the Coast of China, in 1831, 1832 and 1833; with Notices of Siam, Corea, and the Loo-Choo Islands by Carl Gutzlaff », The Quarterly Review, vol. 51, , p. 468–481 (lire en ligne)
(en) Jessie Gregory Lutz et Robert Frykenburg, Opening China : Karl F.A. Gützlaff and Sino-Western Relations, 1827-1852, Grand Rapids (Michigan), Wm. B. Eerdmans Publishing, , 364 p. (ISBN978-0-8028-3180-4, lire en ligne)
(en) Song Gang, Reshaping the boundaries : the Christian intersection of China and the West in the modern era, Hong Kong, Hong Kong University Press, , 136 p. (ISBN978-988-8390-55-7 et 988-8390-55-4, lire en ligne)