Jingkun Xu naît le [1] à Pingdu, dans la préfecture de Qingdao, province du Shandong, à l'est de la Chine[2]. Il est issu d'une famille de viticulteurs modestes[3] établis dans un village de montagne[4], Dadeshan, à quatre heures de route du port de Qingdao. Fils unique, Jingkun est destiné à reprendre l'exploitation familiale[5]. Mais, à douze ans, il perd son avant-bras gauche dans un accident de feu d'artifice[6], ce qui le rend inapte au travail de la terre[5]. Après une période d'abattement[7], il concentre tous ses efforts sur l'athlétisme, pour lequel il a des dispositions[4].
Carrière
La Chine recherche des athlètes en vue des Jeux paralympiques de Pékin, qui auront lieu en 2008[5]. On offre le choix à Xu entre trois disciplines : la voile, la bicyclette ou la course à pied. En 2005, Xu a 16 ans, ne sait pas nager et n'a vu qu'une seule fois la mer[8]. On lui propose une initiation à la voile pour découvrir cet univers. Les débuts sont très difficiles[5]. Il se blesse souvent[4]. Cependant il choisit de relever le défi[5]. Il opte pour la voile. Au sein de l'équipe nationale chinoise[3],[9], il entame un lent apprentissage de trois années[8]. Les épreuves de voile des Jeux paralympiques ont lieu à Qingdao[10]. Sur un Sonar, avec deux coéquipiers[5], Xu termine 10esur 14[3].
Après les Jeux, l'équipe nationale de voile paralympique est dissoute[10]. Xu, à regret, doit s'éloigner de cette discipline. Avec un oncle, il crée une société d'architecture et de construction[5].
Il apprend qu'une navigatrice britannique, Ellen MacArthur, a effectué une tournée en Chine. Sur internet, il cherche à en savoir plus[4]. L'évocation par la jeune femme de ses tours du monde donne définitivement au garçon le goût de la mer[5]. « J’ai découvert, dit-il, que la navigation, au-delà de la compétition, est aussi une façon de vivre[4]. » Un désir de Vendée Globe vient de naître en lui, même s'il sait qu'il va falloir procéder par étapes pour y arriver. À partir de 2010, il se forme pour être moniteur de voile[8]. Il va devenir un instructeur renommé[4].
Il remet en état neuf mois durant un catamaranquillard de 24 pieds qu'il a trouvé dans une décharge[8]. Il le baptise China Dream[10]. À sa barre, en 2012, il est le premier marin à effectuer le tour de la mer de Chine en solitaire avec un seul bras. Il participe en outre à de nombreuses régates en solo, non sans succès[5], seul skipper handicapé parmi des valides[8]. « Là, je me suis dit qu’il fallait que je vise plus haut et que je devais aller voir plus loin. Inconsciemment, Ellen m’avait ouvert une fenêtre[5]. » Désormais, il veut voir d'autres pays, connaître d'autres gens[10].
Mini (2015)
En 2014, il vend sa maison et gagne la Bretagne. Il ne parle ni français ni anglais[9],[5]. Il achète un Mini, le Pogo 2LMS, qui devient China Dream. Il vit à son bord durant les mois de préparation[4]. Il se fait appeler « Jackie », et ce surnom va lui rester[11],[12]. En 2015, il dispute les courses du circuit Mini[13]. En septembre, il prend à Douarnenez le départ de la Mini Transat. Troisième marin chinois à s'élancer dans cette course, il est le premier à la terminer[14]. Il est également le premier handicapé à la terminer[8]. China Dream se classe 37e sur 46 bateaux de série[13].
Tour du monde en catamaran (2017-2020)
En 2017, aux championnats du monde de voile handisport, à Kiel, il se classe 4e en Hansa 303(en)[8]. De 2017 à 2020, accompagné de son épouse Sofia, il effectue un tour du monde de 34 000 milles[3] à la barre du catamaran Lagoon 42Qingdao Dream[9], sans pilote automatique[8], faisant escale dans 40 pays[7]. En Chine, il est élu marin de l'année 2020[4]. Il est très impliqué dans la promotion de la course au large dans son pays[15]. Cette année-là, il crée une école de voile à Sanya, dans une île du sud de la Chine[7]. En 2021, paraît son livre Humble Rêveur, qui raconte comment un enfant manchot d'un petit village de montagne est devenu un skipper de tour du monde[16]. Nous voyons en ce garçon, dit Xu, « le miracle de changer le destin avec des rêves et de la persévérance[7] ».
Xu a un petit budget et une toute petite équipe. Les deux seuls permanents sont Sofia, team manager, et lui-même[5]. Xu se charge de tous les petits travaux à bord, apprenant ainsi à mieux connaître son bateau[14]. En revanche, ces mêmes travaux ne lui laissent pas beaucoup de temps pour s'entraîner. Il ne peut faire mieux qu'une dizaine de navigations en solitaire et les 2 000 milles de qualification pour la Route du Rhum 2022[5]. Par manque de temps, il ne peut non plus apporter sur le bateau des aménagements qui pallieraient son handicap[14].
À la veille de la Route du Rhum, Xu est de très loin le participant le plus suivi sur les réseaux sociaux : plus de 23 millions de personnes s'intéressent à ses courses[18]. Quant à son épouse, elle n'est pas inquiète de le voir partir à la barre d'un foiler que, faute de temps, il ne maîtrise pas tout à fait : « Je ne suis pas nerveuse, dit-elle. J'ai confiance en ses capacités. Ce n'est pas un aventurier inconscient — il ne fera que des choses qu'il saura gérer[14]. » Il est le premier skipper chinois à prendre le départ de la Route du Rhum[6], et il la termine. Il est 29e sur 38 Imoca[19],[20].
En octobre 2023, China Dream Haikou devient Singchain Team Haikou. Singchain Investment est une société d'investissement de Singapour, spécialisée dans le secteur du Web3[21]. Xu est désormais aidé dans son projet de Vendée Globe par Mike Golding. Fin octobre, les deux hommes vont prendre le départ de la Transat Jacques-Vabre. Golding ne parle pas un mot de chinois. Xu arrive maintenant à s'exprimer en anglais, mais il est loin de posséder, dans cette langue, tout le vocabulaire très spécifique de la voile[12]. « La communication, reconnaît Golding, est notre plus gros défi[12]. » Le duo termine 33e sur 40 Imoca[22]. En décembre, Xu est 31esur 32 dans le Retour à la Base, course Imoca en solitaire Fort-de-France-Lorient[11].