Mœbius est l'un des fondateurs de la maison d'édition Les Humanoïdes associés, éditrice du magazine Métal hurlant. Il participe également à la conception graphique de films comme Alien et Tron. Son impact sur la bande dessinée, sous le nom de Giraud comme sous celui de Mœbius, font de lui l'un des dessinateurs francophones majeurs du XXe siècle.
Biographie
Enfance
Issu d'un milieu modeste, il passe son enfance à Fontenay-sous-Bois, dans la banlieue parisienne. Il vit alors chez ses grands-parents paternels, ses parents s'étant séparés lorsqu'il avait trois ans.
Il commence à dessiner à l'âge de 12 ou 13 ans, essentiellement des cow-boys et des indiens. À 14 ans, son père lui montre un numéro de Fiction, revue que Jean Giraud continue à acheter régulièrement, avec Galaxie, pendant une quinzaine d'années.
À l'âge de 18 ans, il publie ses premières illustrations en travaillant pour la publicité, la mode ou la décoration[3]. Il crée la même année sa première bande dessinée, Frank et Jérémie, publiée entre février et , dans les numéros 10 à 17 du mensuel Far-West. À partir de cette même année, il décide de se consacrer entièrement à la bande dessinée et collabore comme dessinateur à des revues telles que Fripounet et Marisette, Cœurs vaillants et Sitting-Bull[4].
Après avoir effectué un séjour de neuf mois au Mexique, chez sa mère, il effectue son service militaire, tout d'abord chez les chasseurs en Allemagne, puis en Algérie[2].
En 1962, il devient l'apprenti de Jijé, qu'il a rencontré avant son service militaire. Jijé jouit à cette époque d'une solide réputation dans le monde de la bande dessinée européenne. À ce titre, Jean Giraud se charge de l'encrage d'un épisode de Jerry Spring, La Route de Coronado, une série western publiée dans le journal Spirou[5],[6]. « C'était une époque merveilleuse. Joseph a été pour moi un père parfait ; je n'ai qu'à me féliciter des leçons qu'il m'a données »[7]. Il travaille aussi avec Jean-Claude Mézières sur la collection L'Histoire des civilisations chez Hachette en 1961 et 1962.
Pilote et Blueberry
En 1963, Jean-Michel Charlier cherche un dessinateur pour un western à paraître dans Pilote et en parle à Jijé, qui propose à Jean Giraud d'en devenir l’illustrateur. Ainsi commencent les aventures du fameux lieutenant Blueberry, qui a eu un très grand succès et est devenu un classique du genre. Jean Giraud signe les planches de cette série du diminutif de Gir, mais son nom complet apparaît sur la couverture des albums.
En mai 68, il est l'un des instigateurs du « tribunal du peuple » qui fait comparaître René Goscinny dans une brasserie de la rue des Pyramides pour le mettre en accusation comme « valet des patrons »[8]. « Goscinny […] s'est trouvé seul face à une meute de loups qui, au lieu de lui parler des problèmes de la B.D., se sont mis à l'agresser. Moi j'ai fait partie des loups, je l'ai attaqué d'une façon épouvantable »[7].
Mœbius
À partir de la fin des années 1960, Jean Giraud illustre une série de magazines et de livres de science-fiction dans lesquels il aborde des thèmes plus personnels et moins conventionnels. Ces illustrations sont signées Mœbius, pseudonyme inspiré du ruban à une seule face décrit par le mathématicien allemand August Ferdinand Möbius.
Ce pseudonyme est utilisé pour la première fois dans une bande dessinée intitulée L’Homme du XXIe siècle, publiée en mai 1963 dans le numéro 28 d'Hara-Kiri. Mœbius apparaît une dizaine de fois dans Hara-Kiri jusqu’au numéro 40, sorti en 1964. Par la suite, Jean Giraud n'utilisera plus cette signature sur une planche de bande dessinée jusqu'en 1971, mais il continuera à s'en servir pour ses illustrations de science-fiction. En 1970 il rencontre Alejandro Jodorowsky pour qui il réalise l'affiche du film El topo[9].
Il peut ainsi créer et publier des bandes dessinées de science-fiction dans le style underground, comme Arzach (prépublié en 1975 dans Métal hurlant, album en 1976) ou Le Garage hermétique (prépublié de 1976 à 1979 dans Métal hurlant, album en 1979 sous le titre Major fatal), qui influenceront une génération entière d'artistes. Il publie ces bandes dessinées sous le pseudonyme de Mœbius aux éditions Les Humanoïdes associés, ainsi que Le Bandard fou, Les Yeux du chat, etc.
Reconnaissance internationale et cinéma
Ses illustrations de science-fiction et Arzach, œuvre révolutionnaire pour l'époque[10], le font connaître à l'étranger et Jean Giraud/Mœbius est contacté par des cinéastes français et américains pour participer à la préproduction de films de science-fiction dans les années 1970.
Une première collaboration se noue avec Alejandro Jodorowsky et Dan O'Bannon, qui engagent Giraud pour les assister dans la création d'un film inspiré de Dune, le roman de Frank Herbert. Alors qu'il rentre du Festival de Cannes en compagnie de son producteur, Michel Seydoux, Jodorowsky découvre dans une station service les bandes dessinées de science-fiction signées Moebius, et les albums de Blueberry signés Jean Giraud. Séduit par les dessins, et ignorant qu'ils sont l'oeuvre du même artiste, il pense engager Mœbius pour les costumes de son film et Giraud pour le storyboard. Il rencontre alors Giraud chez son attaché de presse, se rend compte de sa méprise, et lui propose de travailler sur le projet Dune. Devant l'hésitation de celui-ci, il le menace d'embaucher Philippe Druillet à sa place, ce qui le convainc de s'engager[11].
Mais le projet est voué à l'échec, faute de moyens[9],[12]. Cet événement, qui met un terme à quasiment deux ans de travail, plonge dans l'abattement tous les collaborateurs du film. Mais Jodorowsky et Mœbius se recroisent par hasard, à un concert de Barbara, auquel ils sont placés côte à côte. De cette deuxième rencontre fortuite naît l'idée chez les deux hommes de collaborer ensemble à une série de bande dessinée. C'est ainsi que naît L'Incal, une saga de science-fiction en six volumes parus entre 1980 et 1988[11].
L'aventure hollywoodienne de Jean Giraud n'est pas finie car il est engagé en 1977 par Ridley Scott pour participer à la conception graphique des costumes[9] d’Alien, le huitième passager[3]. Par la suite, il acceptera d'autres collaborations pour le cinéma. Ainsi en 1982, il dessine les décors et les costumes du film Tron puis il réalise le story-board et crée les personnages du film d'animation Les maîtres du temps de René Laloux[9].
En 1986, Jean Giraud part vivre à Los Angeles et monte avec sa première épouse Claudine la maison d'édition Starwatcher Graphics. Il réussit en parallèle à convaincre Marvel Comics de publier la plupart de ses travaux produits jusqu’à présent sous sa signature Mœbius.
Cette rencontre l’amènera à illustrer une histoire du Surfer d'argent en collaboration avec Stan Lee et selon la méthode Marvel. Circonstance rare pour un auteur européen, cette contribution a influencé plusieurs auteurs de comics, comme Jim Lee ou Mike Mignola. Il continue de travailler sur des films américains comme Les Maîtres de l'univers réalisé par Gary Goddard pour lequel il dessine les personnages, Willow et Abyss mais pour ces derniers ses créations ne sont pas reprises par les illustrateurs suivants[9]. Il est également cofondateur des Éditions Aedena avec Jean Annestay et Gérard Bouysse, et travaille notamment sur des œuvres en tandem avec Geof Darrow ou Tanino Liberatore. Il est aussi l'auteur d'une autobiographie : Mœbius Giraud : Histoire de mon Double, aux Éditions no 1[13].
Diversification et expositions
En 1978, à Tahiti, il se rapproche de Jean-Paul Appel-Guery, gourou de la secte Iso Zen aussi appelée Siderella. Il affirme en être parti sept ans après, disant qu'« il y a une frontière que l'on ne peut pas franchir [qui est] celle de la dignité humaine »[14],[15],[16],[17].
En 1988, la poste française émet un carnet de douze timbres à 2,20 F sur le thème de la Communication dessinés par douze auteurs de BD français, parmi lesquels Mœbius, Reiser, Fred, Brétécher, Tardi, Bilal, etc., tous Grands Prix du Festival d'Angoulème.
En 1996, sa seconde épouse Isabelle, reprend la maison d’édition et galerie Stardom, devenue aujourd'hui Mœbius Production. Ils éditent ensemble livres, sérigraphies et affiches en édition limitée, consacrés à son œuvre. En 1997, Luc Besson l'engage pour travailler sur Le Cinquième Élément[9]. En 1999, il est président du jury de la première édition du Festival international des Très Courts.
En 2002, il crée la série Arzach Rhapsodie en quatorze épisodes pour la télévision[9].
Du au se déroule à l'hôtel de la Monnaie à Paris l'exposition Miyazaki-Mœbius. Elle met en parallèle les travaux de Jean Giraud et de Hayao Miyazaki, célèbre réalisateur de films d'animation japonais du studio Ghibli. Plus de trois cents dessins y ont été exposés.
En est émis en France un timbre (en carnet de dix timbres adhésifs) sur le thème des vacances du futur, dont le dessin est réalisé par Jean Giraud[18].
La même année il réalise le court métrage La Planète encore avec Geoffrey Niquet. En 2011, il participe à l'exposition Tron L'héritage à la galerie Chappe[20].
Connu pour la rapidité d'exécution de ses dessins, Jean Giraud a un style graphique très varié, pouvant aller du réalisme fouillé de ses débuts dans les Aventures du lieutenant Blueberry, commencées en 1963, à l'onirisme et aux épures lyriques d'ouvrages plus récents. Son dessin va de la gravure, au trait classique en noir et blanc, au travail de la couleur environnementale typique de la ligne claire.
Ses univers sont pour la plus grande partie axés sur une science-fiction fantasmagorique et délirante ainsi qu'une poésie teintée de métaphysique.
Influencé par les étendues désertiques du Mexique, il aime dessiner des personnages sur une surface plane et uniforme, qui peut aller du Sonora à l'absence totale de décor. Que ce soit dans les séries Blueberry ou Arzach, le désert est une figure récurrente dans son œuvre. En effet, parce qu'aucune construction humaine ne vient imposer un sens déterminé, il autorise tous les possibles métamorphiques, d'où ses nombreux dessins où les personnages traversant le désert connaissent des métamorphoses surprenantes[24].
Bien que la bande dessinée européenne soit peu diffusée au Japon, Mœbius y est respecté, notamment des auteurs locaux : « il est très populaire parmi les dessinateurs de ma génération » selon Jirō Taniguchi, né en 1947[25]. D'après Gō Nagai, « Mœbius a inventé un nouveau monde fantastique, ouvert de nouveaux horizons »[25].
En 1995, il a influencé le design du jeu Panzer Dragoon sur Saturn. Il en a aussi signé l'illustration de jaquette pour l'édition originale japonaise. Il dessine la même année la jaquette du jeu vidéo Fade to Black.
: Moebius collabore avec quatre autres auteurs de la bande dessinée de science-fiction française (Jean-Claude Mezières, Caza, Vatine et Beb-Deum) à l'exposition Météorites... Mégalithes ! produite par la société Pavillon noir de Pascal Dejax. À cette occasion, un Pif-Paf adossé à un Cristal-Majeur est recréé[29]. L'exposition est présentée dans les festivals de bande dessinée de Colomiers, Chambéry, Illzach, Darnetal, au festival de science-fiction de Roanne, au festival du court métrage de Clermont-Ferrand ainsi que dans treize autres villes françaises.
11 mai - 24 octobre 2019 : The Beautiful Travels of Mœbius - By way of Venice, CA’ASI Palazzo Santa Maria Nova Campiello, dans le cadre de la 58eBiennale des Arts de Venise, Italie.
1989 : Prix Harvey de la meilleure édition américaine d'une œuvre étrangère pour L'Incal (avec Alejandro Jodorowsky)
1991 : Prix Eisner de la meilleure histoire ou sortie (Best Story or Single Issue) pour Concrete celebrates Earth Day (avec Paul Chadwick et Charles Vess)
1991 : Prix Harvey de la meilleure édition américaine de matériel étranger pour Blueberry
↑ a et bJean Giraud (int.) et Stéphane Jarno, « Mœbius : “J'ai très tôt été attiré par l'envers du décor” », Télérama, (lire en ligne).
↑(en) Esperide Ananas et Stambecco Pesco, The Traveler's Guide to Damanhur: The Amazing Northern Italian Eco-Society, North Atlantic Books, (ISBN978-1-55643-761-8, lire en ligne), p. 180