Jacques Gaillot, né le à Saint-Dizier et mort le à Paris[1], est un prélat catholique français, évêque d'Évreux de 1982 jusqu'à la décharge de ses fonctions par les autorités romaines en 1995 qui lui reprochent ses défaillances au devoir d'unité et de collégialité envers l'épiscopat français.
Il est alors nommé évêque in partibus de Parténia et reste engagé dans maintes luttes sociales, morales ou politiques.
En 1977, il est nommé vicaire général du diocèse de Langres puis devient évêque d'Évreux en . Jacques Gaillot place son épiscopat sous la protection du bienheureux Jacques-Désiré Laval, béatifié trois ans plus tôt par le pape Jean-Paul II : « J’avais été séduit par le parcours si évangélique de cet homme. Prêtre à Évreux, il partit à l’île Maurice et se consacra aux délaissés de la société : les Noirs. Aujourd’hui encore, j’admire les actes qu’il a eu le courage de poser à son époque au XIXe siècle ».
En 1983, il soutient l'objecteur de conscience Michel Fache[4],[5] devant le tribunal d'Évreux. Durant l'assemblée annuelle épiscopale, il fait partie de la dizaine d'évêques à voter contre le texte épiscopal soutenant la dissuasion nucléaire[6],[7]. Il lui est reproché d'avoir annoncé immédiatement sa position dans les médias, à l'opposition du principe de collégialité[8].
En janvier 1989, il est interviewé par le magazine Lui[9].
Il participe en juillet 1995 à un voyage en Polynésie française sur le navire Rainbow Warrior II du mouvement pacifiste Greenpeace pour s'opposer sur place aux essais nucléaires français. La marine française intercepte le navire dans les eaux territoriales autour du site nucléaire[10].
Il assiste également à la cérémonie de transfert au Panthéon des cendres d'Henri Grégoire, qui accepta la constitution civile du clergé, qu'il avait d'ailleurs contribué à rédiger. Jacques Gaillot est le seul évêque français à participer à cette cérémonie[11].
En 1994, il est l'un des fondateurs et coprésident de l'association Droits devant !![13].
En 1995, il est relevé de ses fonctions d'évêque d'Évreux, les autorités ecclésiales[14],[15] arguant que le prélat ne se serait pas « montré apte à exercer le ministère d'unité qui est le premier devoir d'un évêque »[16]. La consécration épiscopale étant indélébile et Jacques Gaillot n'ayant pas commis d'actes appelant la peine canonique de la suspense, il est simplement nommé évêque in partibus de Parténia. Parténia est un siège épiscopal inaccessible, situé en Algérie, dans la région de Sétif, qui a « disparu sous les sables »[17] à la fin du Ve siècle. Restant évêque de l'Église catholique, il peut donc toujours administrer les sacrements[18],[19].
La décision de la sanction de Jacques Gaillot provoque en France des réactions parfois vives tant dans l'opinion publique que dans le clergé, ravivant les divisions entre catholiques « traditionalistes » ou « progressistes »[18] : certains évêques évoquent ainsi leur tristesse voire leur réserve vis-à-vis de la décision, provoquant une nouvelle mise au point des autorités romaines[16]. À l'occasion de sa dernière messe célébrée au diocèse d'Évreux, vingt mille fidèles se réunissent, tandis que des centaines d'autres se réunissent dans différentes villes de France[20]. Jacques Gaillot est par ailleurs reçu un an après son éviction par le pape Jean-Paul II, dans un entretien qualifié de cordial[15].
Jacques Gaillot s'attache ensuite à la structuration des réseaux d'un « diocèse » qu’il entend consacrer aux exclus et aux causes auxquelles il est attaché et s’installe dans une communauté de religieux spiritains de Paris[15]. Il utilise ensuite sa prélature pour communiquer en faveur de ses orientations pour les exclus, créant notamment le site internet partenia.org qui, animé avec un réseau de contributeurs du monde entier[21], atteint alors une audience plus importante qu’aucun autre site internet d’une structure d’Église[15]. Il cesse d'écrire pour le site en 2010[21].
Ses obsèques sont célébrées le 19 avril en l'église Saint-Médard par l'archevêque de Paris, Laurent Ulrich[29], accompagné de cinq évêques dont l’évêque d’Évreux, Christian Nourrichard, et d'une trentaine de prêtres dont Guy Gilbert[30]. Un mot du pape François est lu[30]. Plusieurs centaines de personnes assistent à la messe de funérailles, dont l'ancienne ministre du Logement Cécile Duflot[29],[30].
En 2004, Jacques Gaillot se positionne en faveur du sacrement du mariage des couples homosexuels au même titre que les divorcés en déclarant « Le mariage homosexuel me paraît aujourd’hui la reconnaissance d’un droit. (…) L’affirmation de l’égalité des individus nous vient de la démocratie » et cette ouverture ne constitue pas une menace pour le modèle traditionnelle de la famille[31],[32].
En 1988, Jacques Gaillot accueille dans son diocèse le prêtre québécois Denis Vadeboncœur, condamné à 20 mois de prison au Québec en 1985 pour de multiples faits de pédophilie. Jacques Gaillot le nomme curé de Lieurey, le mettant ainsi à nouveau en contact avec des enfants. Après une nouvelle plainte, Vadeboncœur est condamné en 2005 à 12 ans de prison ferme pour les viols d’un mineur. Jacques Gaillot, après avoir prétendu qu’il ignorait le passé de Vadeboncœur en 1988, finit par avouer qu’il en était au contraire informé : « On rendait service. On vous demandait d’accueillir un prêtre indésirable et vous l'acceptiez. Ce que j’ai fait il y a plus de vingt ans, c’était une erreur »[33].
↑ a et bThierry Blot, Le curé, pasteur, des origines à la fin du XXe siècle : Étude historique et juridique, Pierre Téqui, (ISBN978-2-7403-0819-6), p. 430
↑L'expression "disparue sous les sables", qu'on retrouve sur le site de Mgr Gaillot, est à prendre pour sa valeur poétique ou symbolique : la région de Sétif est constituée de plateaux arides exploités par l'agriculture et par l'élevage, elle n'est nullement située au milieu des sables sahariens.
↑ a et bBernard Lecomte, « Le combat de Mgr Gaillot », L'Express, (lire en ligne).
↑Nicolas Ballet, « Célébrité éphémère / Mgr Gaillot, évêque de Partenia, loin des micros et des caméras », Le Progrès, (lire en ligne, consulté le ).
Denis Pelletier et Jean-Louis Schlegel, À la gauche du Christ: les chrétiens de gauche en France de 1945 à nos jours, Éd. du Seuil, (ISBN978-2-02-104408-9), p. 558 à 560