Pillsbury exerça brièvement les fonctions d'employé de banque à New York City en 1894 puis à nouveau à Philadelphie en 1898.
Dès 1890, alors qu'il n'avait appris à jouer aux échecs que depuis deux ans, il battit en tournoi un champion local, H. N. Stone. En , il fit sensation en remportant un match en deux parties contre le champion du monde Wilhelm Steinitz, qui lui avait fait l'avantage d'un pion. Dès ce moment, la réputation de Pillsbury se propagea comme une traînée de poudre, et il n'eut bientôt plus aucun adversaire à sa taille sur la scène des échecs new-yorkaise.
Le jeu tactique et entreprenant dont Pillsbury fit preuve tout au long du tournoi popularisa le Gambit dame pour le reste de la décennie 1890, notamment grâce à sa fameuse victoire contre Tarrasch[1]. Cette dernière donne un exemple de ce qu'on a appelé attaque Pillsbury dans le Gambit dame refusé : Cf3-e5 suivi de f2-f4, nouveau système avec lequel il remporta de nombreuses victoires.
Le tournoi de Saint-Pétersbourg 1895-1896
Pillsbury fut alors invité à participer au tournoi fermé de Saint-Pétersbourg, tenu la même année : c'était un tournoi complet à six tours, opposant les premiers du tournoi de Hastings (Pillsbury, Tchigorine, Lasker et Steinitz ; Tarrasch, prétextant des obligations professionnelles, déclina l'invitation). Il semble que Pillsbury ait contracté la syphilis juste avant le début du tournoi. Alors qu'il était en tête du classement à la première moitié du tournoi (Pillsbury 6,5/9, Lasker 5,5, Steinitz 4,5, Tchigorine 1,5), il fut pris de céphalées violentes et ne marqua plus que 1,5 point sur 9 jusqu'à la fin de la manifestation, finissant troisième (Lasker 11,5/18, Steinitz 9,5, Pillsbury 8, Tchigorine 7). Il perdit une partie décisive contre Lasker, et Garry Kasparov suggère à ce sujet que s'il avait gagné, il aurait pu remporter le tournoi de Saint-Pétersbourg et contraindre Lasker à un match pour le titre mondial[2].
Succès aux tournois de Vienne 1898 et Munich 1900
En 1898, Pillsbury termina 1er-2e au très fort tournoi de Vienne (tournoi du jubilé du Kaiser), à égalité avec Siegbert Tarrasch, mais perdit le match de départage 1,5 à 2,5. En mai-, il termina deuxième du très fort tournoi de Paris, deux points derrière le champion du monde Emanuel Lasker.
En juillet-, il finit 1er-3e du congrès allemand de Munich, à égalité avec Carl Schlechter et Geza Maroczy. Lors des départages, il battit Maroczy (1-0) et fit match nul avec Schlechter (2 à 2).
Champion des États-Unis (1898-1906)
En dépit de son état de santé, Pillsbury vainquit le champion américainJackson Showalter en 1897 mais le titre de Champion des États-Unis n'était pas en jeu lors de ce match. En 1898, Pillsbury remporta un deuxième match explicitement indiqué comme le championnat des États-Unis. Il conserva le titre de champion américain jusqu'à sa mort en 1906. Au cours de ces années, Pillsbury, lorsqu'il ne se produisait pas en tournoi, gagnait sa vie en animant un faux automate joueur d'échecs, Ajeeb.
Le déclin
La dégénérescence qui accompagne les progrès de la syphilis l'empêcha par la suite de progresser autant qu'il l'aurait pu dans les compétitions. Les symptômes enregistrés au fil des années laissent supposer qu'il négligea de suivre un traitement. Il succomba à la maladie en 1906 à seulement 33 ans.
Pillsbury était l'un des rares joueurs à faire jeu égal face à Emanuel Lasker (+5 −5 =4). Il avait d'ailleurs battu Lasker lui-même avec les Noirs au tournoi de Saint-Pétersbourg en 1895 puis lors d'un tournoi à Augsbourg en 1900 (c'était, cela dit, une partie de démonstration, et non un tournoi officiel):
Pillsbury avait également un score égal contre Steinitz (+5 -5 =3) et Tarrasch (+5 -5 =2), mais un léger handicap contre Tchigorine (+7 -8 =6) et, curieusement, contre l'Anglais Joseph Henry Blackburne (+3 -5 =4), alors qu'il dominait David Janowski (+6 -4 =2), Geza Maroczy (+4 -3 =7) et écrasa le « champion de la partie nulle », Carl Schlechter (+8 -2 =9).
Monte Carlo (2e après Maroczy) : 14,5 / 19 (+14[5] −4 =6)Hanovre (2e après Janowski) : 12 / 17 (+10 −3 =4)
1903
Monte Carlo (3e) : 18,5 / 26 (+14 −3 =9) (tournoi remporté par Tarrasch devant Maroczy)Vienne (4e) : 11 / 18 (+9 −5 =4) (victoire de Tchigorine devant Marshall et Marco)
1904
Cambridge Springs (8e-9e) : 7 / 15 (+4 −5 =6) (tournoi remporté par Marshall devant Janowski et Lasker)
Matchs par câble (1896-1905)
Matchs États-Unis – Angleterre par cable
1896 : 0-1 contre Blackburne
1897 : 0,5-0,5 contre Blackburne
1898 : 0,5-0,5 contre Blackburne
1899 : 0-1 contre Blackburne
1900 : 0,5-0,5 contre Blackburne
1901 : 1-0 contre Blackburne
1902 : 0,5-0,5 contre Lawrence
1903 : 0,5-0,5 contre Lawrence
Matchs du club de Manhattan contre le club de Franklin
1904 : 1-0 contre Marshall
1905 : 1-0 contre Hymes
Autres matchs
1890 : match contre Stone : 6-3
1892 : match contre Dresel : 5-1 (+5 −1 =0)
1893 : matchs contre Bates (1-0), Kemeny (0,5–0,5), Voigt (1-0), M. Morgan (1-0), J.P. Morgan (1-0), Barrett (1-0),
match contre Schottlander (2,5–0,5)
Match amical contre Shipley : 0-1
1894 : match contre Richardson (4-2)
1899 : match contre Barry : 0-1
match amical contre Smith : 0,5-2,5
1900 : match contre Judd (2-1)
1901 : match contre Judd (2-0)
Un maître du jeu à l'aveugle
Pillsbury était un redoutable joueur à l'aveugle, et pouvait jouer aux dames et aux échecs simultanément, tout en disputant une partie de whist, et en récitant de mémoire une liste de mots que le public avait choisie auparavant. Il détient le record de 22 parties disputées en simultanée à l'aveugle (Moscou, 1902). Mais son principal exploit est encore d'avoir tenu le score de +3-7=11, lors de 21 parties à l'aveugle en simultanée contre les participants au Tournoi des Maîtres de Hanovre en 1902. Edward Lasker qui, adolescent, et désobéissant à sa mère, eut l'occasion de jouer dans une simultanée à l'aveugle contre Pillsbury à Breslau, rapporte[6] :
« Mais il devint bientôt évident que j'aurais perdu la partie, même si j'avais bénéficié d'une totale tranquillité d'esprit. Pillsbury produisit là un spectacle merveilleux, remportant 13 des 16 parties à l'aveugle, en annulant 2 fois, et ne concédant qu'une seule défaite. Son jeu était sûr et il ne se trompait jamais. Lorsque, trente ans plus tard, j'arbitrai le match de 32 parties simultanées à l'aveugle disputé par Alekhine à l’Exposition internationale de Chicago, je revoyais encore Pillsbury calmement assis dans un fauteuil, tournant le dos à la foule et fumant cigare sur cigare, répondant d'une voix claire et dépourvue d'hésitation au coup joué par chacun de ses adversaires après une courte réflexion. La prestation d'Alekhine fut remarquable, mais il commit un certain nombre d'erreurs, et sa prestation ne m'impressionna vraiment pas autant que celle de Pillsbury à Breslau... »