Les guérisons de Lourdes qui sont considérées comme miraculeuses par l'Église catholique, depuis les premières en 1858 jusqu'à 2020, sont au nombre de 70 reconnues et une guérison déclarée remarquable mais non miraculeuse sur près de 7300 guérisons enregistrées au Bureau médical[1]. Avec une moyenne de 50 000 visiteurs malades chaque année[2], cela correspond à un taux de guérisons officiellement miraculeuses de 0,001 %. Pour qu'une guérison soit reconnue comme miraculeuse par l'Église catholique, il faut qu'un groupe de médecins la déclare complète, durable et « inexplicable dans l'état actuel des connaissances médicales », puis qu'un évêque la déclare miraculeuse. Ces miracles sont attribués à la Vierge Marie, et ont contribué à faire des sanctuaires de Notre-Dame de Lourdes un important centre de pèlerinage.
Constatations, dépôt des dossiers et authentification
En 1884, l'Église catholique a mis en place une structure (le bureau des Constatations médicales) pour examiner les déclarations de guérison et, parfois, authentifier les miracles. Le processus d'authentification passe par trois grandes étapes : examen par le bureau médical de Lourdes (ancien bureau des Constatations), transfert au bureau médical international (comité médical international de Lourdes fondé en 1925), investigation par le diocèse d'origine de la personne guérie[3].
Le diocèse d'origine de la personne guérie statue sur l'état de miracle, par l'intermédiaire de la commission diocésaine. Le sens à donner à la guérison est alors le guide principal de l'évêque concerné (il doit s'agir d'un « signe de Dieu » et non d'une simple guérison). Cette procédure d'examen peut amener l'évêque à lancer une enquête sur les mœurs et la spiritualité de la personne guérie. Les dossiers des personnes n'ayant pas « le bon profil » sont rejetés, à l'instar de celui d'une musulmane guérie de la maladie de Crohn, et convertie au catholicisme. Le motif était « d’abord de ne pas lui nuire, sa conversion n’étant pas forcément facile à assumer vis-à-vis de son entourage. »[4].
En date du , sur plus de 7 300 cas de guérison enregistrés à Lourdes depuis 1883[1], dont environ 200 ont été reconnus inexplicables selon les connaissances médicales de l'époque par le bureau des constatations[5], 70 guérisons ont reçu le statut de « guérison miraculeuse » après un processus qui s'étale sur plusieurs années[6], soit un peu moins de 1 %.
Examen critique
Seules les deux premières étapes ont un caractère véritablement scientifique (la dernière étape est essentiellement de nature religieuse) et mènent à une éventuelle déclaration du bureau sur le caractère non explicable scientifiquement au moment de la guérison. À cette étape, les médecins invités à s'exprimer (et l'avis ainsi formé) ne se limitent pas aux seuls médecins catholiques. Tout médecin présent peut tenter de proposer une explication naturelle à la guérison. Les critères de base examinés par le bureau médical sont les suivants :
la maladie doit avoir été elle-même authentifiée et le diagnostic confirmé préalablement à la supposée guérison ;
le pronostic doit être totalement clair pour les médecins (y compris quand il s'agit de lésions à caractère permanent ou d'un pronostic de décès) ;
la guérison doit être complète, immédiate, sans convalescence, définitive et sans rechute ;
aucun des traitements ne peut être considéré comme la cause de la guérison, ni y avoir contribué.
Ces critères stricts éliminent rapidement la grande majorité des déclarations avant même leur examen par les autorités religieuses, comme en témoignent les dossiers conservés au bureau médical, qui sont librement accessibles.
Émile Zola, doutant de ces guérisons, mène une enquête en 1892, se rendant en « train Blanc » à Lourdes, lors du pèlerinage national. Il y rencontre deux graves malades condamnées par la médecine, Marie Lebranchu et Marie Lemarchand, et décide d'en faire les héroïnes de son prochain roman sous les noms d'Élise Rouquet et la Grivotte. Bien qu'il constate lui-même leur guérison rapide[7], il exprime son scepticisme dans un écrit intitulé Mon Voyage à Lourdes et dans son roman, Lourdes, publié en , dans lequel il n'hésite pas à faire mourir La Grivotte après une rémission passagère[8],[9]. Le docteur Boissarie, président du bureau des Constatations médicales de Lourdes, lui reproche cette distorsion des faits[10].
Le docteur Pierre Vachet a recensé un certain nombre d'escroqueries à propos de ces guérisons[pas clair][11].
Des filtres forts et des statistiques en baisse
Sur la quarantaine de cas jugés étonnants qui parviennent au bureau des constatations, une dizaine fait l'objet d'un examen approfondi par ce bureau, et seuls 4 à 5 cas par an sont transmis au Comité international. Ce second filtre et le troisième, celui de la reconnaissance diocésaine du miracle, font qu'un nombre de plus en plus faible de cas sont reconnus : 20 en 1908, date du cinquantenaire des apparitions mariales à Lourdes, 25 entre 1946 et 1989 contre 5 entre 1990 et 2018. Cette baisse des statistiques est attribuée à une volonté de ne présenter que des cas exemplaires, et de ne pas prêter le flanc à la critique des rationalistes[4].
Avec une moyenne de 50 000 visiteurs malades chaque année[2], le taux de guérisons officiellement miraculeuses à la suite d'un pèlerinage à Lourdes s'établit à 0,001 %. Le nombre de guérisons inexpliquées serait du même ordre de grandeur que celui constaté en milieu hospitalier, selon une étude de 1993, menée à travers le monde sur 128 ans[4],[12]. En effet, on y compte environ une guérison inexpliquée pour 100 000 malades[12] (pour 333 333 malades hors cancers). Mais à Lourdes, entre 1858 et 1984, il y a eu 64 guérisons reconnues miraculeuses pour environ 2 millions de pèlerins malades[13].
Guérisons de Lourdes reconnues par l'Église catholique
La liste ci-après a été établie d'après la liste Guérisons et miracles (70 personnes au 26 janvier 2020, plus de 80 % concernant des femmes) du site du sanctuaire de Lourdes[14].
Justin Bouhort, de Lourdes, guéri à 2 ans, le , d’une hypothrepsie (dénutrition avancée) chronique post-infectieuse avec retard du développement moteur.
Esther Brachmann, de Paris, guérie à 15 ans, le , d'une péritonite tuberculeuse
Clémentine Malot, de Gaudechart, guérie à 25 ans, le , d'une tuberculose pulmonaire hémoptoïque
Rose Labreuvoies épouse François, de Paris, guérie à 36 ans, le , d'un phlegmon, fistulé au bras droit avec énorme œdème
Révérend père Salvador, guéri à 38 ans, le , d'une péritonite tuberculeuse
Sœur Maximilien, religieuse de l'espérance, de Marseille, guérie à 43 ans, le , d'un kyste hydatique[Quoi ?] du foie et d'une phlébite membre inférieur gauche
Françoise Capitaine, sœur marie-Marguerite, de Rennes, guérie à 64 ans, le , d'un abcès rein gauche avec œdème phlycténulaire[Quoi ?] et crises cardiaques
1 reconnue en 1948
Gabrielle Clauzel, d'Oran, guérie à 49 ans, le , d'une spondylose rhumatismale
1 reconnue en 1949
Francis Pascal, de Beaucaire, guéri à 3 ans et 10 mois, le , de cécité et paralysie membre inférieur
2 reconnues en 1950
Jeanne Frétel, de Rennes, guérie à 34 ans, le , d'une péritonite tuberculeuse
Fulda Edeltraud, de Vienne (Autriche), épouse Haidinger, guérie à 34 ans, le , de la maladie d'Addison
2 reconnues en 1951
Louise Jamain épouse Maître, de Paris, guérie à 22 ans, le , d'une tuberculose pulmonaire intestinale et péritonéale
Jeanne Pelin épouse Gestas, de Bègles, guérie à 50 ans, le , de troubles dyspeptiques avec accidents occlusifs post-opératoires
Marie Bigot, de La Richardais, guérie à 31 ans, le et le , d'une arachnoïdite (inflammation chronique du feuillet arachnoïdien des méninges, dont la forme la plus sévère est l'arachnoïdite adhésive, caractérisée par une douleur neurogène, invalidante et réfractaire du dos et des membres et par un ensemble d'autres troubles neurologiques). Marie Bigot souffrait d'une arachnoïdite fosse postérieure, qui l'avait rendue hémiplégique, sourde et aveugle.
1 reconnue en 1957
Henriette Bressolles, de Nice, guérie à 32 ans, le , du mal de Pott, d'une paraplégie
2 reconnues en 1958
Lydia Brosse, de Saint-Raphaël (Var), guérie à 41 ans, le , d'une fistule tuberculeuse multiple avec vastes décollements région fessière gauche
Elisa Aloi épouse Varacalli, de Patti (Italie), guérie à 27 ans, le , d'une tuberculose ostéo-articulaire et fistules à localisations multiples du membre inférieur droit
1 reconnue remarquable mais pas miraculeuse, en 2011
Serge François, d'Angers, guéri à 56 ans, le , d'une algie sciatique ; guérison reconnue inexpliquée donc remarquable, mais pas miraculeuse[18]. L'abandon (qui se révélera provisoire) du qualificatif de « miraculeux » est présenté comme une volonté de ne plus utiliser ce mot jugé galvaudé[19].
Sœur Bernadette Moriau, de Bresles, guérie à 69 ans, le , d'une atteinte pluriradiculaire des racines lombaires et sacrées, communément appelée syndrome de la queue de cheval[23], après un pèlerinage à Lourdes en février de la même année[4].
1 reconnue en 2024
John Traynor, de Liverpool (Royaume-Uni), guérie à 40 ans, le , de graves crises d'épilepsie et d'une tétraplégie dues à des blessures au cours de la Première Guerre mondiale[24], après une immersion à la piscine du sanctuaire de Lourdes au cours du mois passé[25]
↑(en) Dowling SJ, « Lourdes cures and their medical assessment », Journal of the Royal Society of Medicine, vol. Volume 77, no August 1984, , p.637 (lire en ligne)
↑Histoire nouvelle, populaire et illustrée de Notre-Dame de Lourdes par le R. P. M. Léon Porte
↑La guérison de Pieter De Rudder n'a pas eu lieu à Lourdes même, mais dans un sanctuaire de Notre-Dame de Lourdes, en Belgique. Cf. Georges Bertrin, Histoire critiques des évènements de Lourdes, Gabalda, , p. 519
Gustave Boissarie, Les grandes guérisons de Lourdes, Douniol, 1900
Alexis Carrel, Voyage à Lourdes suivi de Fragments de Journal et Méditations, Plon, 1949 (posthume)
Docteur Alphonse Olivieri, Difficultés contre le caractère extra-naturel des guérisons de Lourdes, Bulletin de l’Association Médicale Internationale de Lourdes, 1959
Théodore Mangiapan, Les guérisons de Lourdes, Œuvres de la Grotte, 1994
Pierre Lunel, Les guérisons miraculeuses. Enquête sur un phénomène inexpliqué, J'ai lu, 2004
Luigi Garlaschelli (dir.), Lourdes, I dossier sconosciuti, Italian University Press, 2011. (Examen d'une vingtaine de cas reconnus, conclusions sceptiques.)