Pour la première fois depuis la fin de l'apartheid et la première élection démocratique en 1994, à l'issue des élections générales sud-africaines de 2024, l'ANC ne remporte pas la majorité absolue avec seulement 40 % des voix. Ce résultat, qui constitue un revers historique pour l'ANC, reflèterait le souhait de changement de la population face aux scandales de corruption qui entachent l'ANC, aux mauvais résultats économiques du pays, ainsi qu'à la criminalité en forte hausse[2],[3]. Principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique de John Steenhuisen conserve la seconde place, mais le recul de l'ANC profite principalement au Umkhonto we Sizwe (MK) de l'ancien président Jacob Zuma, qui arrive troisième pour sa première participation à un scrutin national[4].
Outre le recul historique de l'ANC, les élections de 2024 aboutissent pour la première fois depuis 1924 à un parlement sans majorité, contraignant les formations politiques à s'entendre sur un gouvernement de coalition[5]. En position de force pour diriger ce dernier, l'ANC se retrouve à devoir choisir entre une alliance avec la DA, l'EFF ou le MK. À la tête de l'opposition historique, la première réclame des réformes économique incluant des privatisations, à l'opposé de la politique économique de l'ANC. À la gauche de l'ANC, l'EFF voit son dirigeant Julius Malema réitérer son intention de ne pas renoncer à une redistribution aux noirs des terres des blancs sur la base d'expropriations sans compensations. Principalement issu, en termes de dirigeants comme d'électorat, d'une scission de l'ANC, le MK est la formation la plus proche politiquement du gouvernement sortant, mais l'éventualité d'une alliance entre les deux partis souffre de l'inimitié personnelle entre leur dirigeants, Cyril Ramaphosa et Jacob Zuma[6].
Formation du gouvernement
Les cadres de l'ANC se réunissent le 31 mai pour décider de la suite des évènements. Le même jour, John Steenhuisen, déclare que la DA est disposée à former avec elle un gouvernement de coalition, tout en la conditionnant à une consultation préalable des autres membres de la Charte multipartite[7]. Julius Malema en fait de même au nom de des EFF[8]. Des négociations informelles s'ouvrent immédiatement avec ces deux partis, avant leur ouvertures officielle le 2 juin par le secrétaire général de l'ANC, Fikile Mbalula, qui assure que le gouvernement a entendu le « message clair » envoyé par les électeurs au parti[9]. S'il assure que les résultats ont servi de « leçon d'humilité » pour l'ANC, l'éventualité d'un retrait de Cyril Ramaphosa de la présidence comme condition à une coalition est en revanche rejeté catégoriquement[10]. Les négociations s'ouvrent en l'absence des représentants du MK en raison du rejet des résultats par le parti et son dirigeant, Jacob Zuma, qui en conteste la validité. Le MK boycotte ainsi les négociations, son porte parole Nhlamulo Ndhlela jugeant que la présence du parti reviendrait à légitimer la proclamation « illégale » des résultats[9],[11].
Deux jours plus tard, la direction de l'ANC conclut dans un document interne qu'une alliance avec la DA et le Parti Inkatha de la liberté (IFP), est préférable, rejetant la possibilité d'une alliance avec les EFF comme le MK[12]. Le 5 juin, le porte parole du parti, Mahlengi Bhengu, annonce que des discussions sont toujours en cours avec la DA, les EFF et plusieurs petit partis, mais pas avec le MK, faute de « réponse positive »[13],[14]. Ce dernier ne rejoint finalement les négociations que le lendemain[15], tandis qu'un des membres de la Charte multipartite, l'ActionSA, décide le même jour de la quitter par refus de se coaliser avec l'ANC. Le départ d'ActionSA fait ainsi passer le total de sièges des membres de la Charte de 119 à 113[16],[17].
L'IFP annonce ainsi le 13 juin être disposer à former une coalition avec l'ANC et la DA, ouvrant la voie à un déblocage de la situation[18]. Le même jour, les partis s'accordent sur les « principes fondamentaux » du nouveau gouvernement[19],[20].
L'accord rendu public le 14 juin voit la conclusion d'une coalition réunissant l'ANC, la DA, l'IFP et l'Alliance patriotique (PA), soit tout juste à temps pour la session inaugurale de la nouvelle législature, qui se tient le même jour[21],[22].