Née début d'après les calculs de l'époque[7], elle arriva à Marseille le et fut conduite à Paris à pied à partir du [3] (880 km en six semaines). Au cours de ce voyage, elle était accompagnée par Geoffroy Saint-Hilaire, directeur du Jardin des plantes, ainsi que par deux vaches dont elle buvait le lait et qu'elle suivait[8], une escorte de gendarmes à cheval, et un chariot à bagages. Arrivée le , elle fut pendant trois ans une des principales attractions de la capitale (au cours de l'été , elle attira 600 000 curieux) et participa à l'essor du 5e arrondissement.
Il existe également un témoignage historique peint : une huile sur toile de Jacques-Raymond Brascassat, datée de 1831, ayant pour nom Passage de la girafe à Arnay-le-Duc. Elle est exposée au musée des Beaux-Arts de Beaune. L'artiste a probablement peint le tableau de mémoire ou d'après des croquis au château du Musigny, près d'Arnay-le-Duc[10].
Postérité
Du vivant de l'animal
Elle est à l'origine de nombreuses illustrations et objets au décor dit « à la girafe »[11],[12] ou « girafomania » (gravures, vaisselle, tapisseries et papier peint, coiffure « à la girafe », bijoux, etc.). Elle a également inspiré un couple de personnages typiques du Carnaval de Paris : La girafe et son cornac[13].
La caricature politique s'empare de la girafe en l'assimilant à la physionomie longiligne du roi Charles X, notamment après la révolution de Juillet en , qui voit fleurir plusieurs estampes accoutrant l'animal avec la tenue du souverain déchu[16],[17]. Dans son ouvrage Les Mœurs et la Caricature en France (), John Grand-Carteret qualifie l'année d'« année de la girafe »[16] bien que d'autres événements politiques et artistiques d'importance se soient produits cette année-là[18].
Vers –, un diorama est réalisé montrant la girafe dans son enclos de la ménagerie du jardin des plantes avec son vétérinaire[19],[20].
Au XXe siècle
Le relevé de discordances entre le spécimen de La Rochelle et des dessins de [21] perpétue les rumeurs d'origine patriotique apparues après la Première Guerre mondiale, selon lesquelles le corps de la girafe, transféré au musée de Verdun, aurait inspiré aux militaires français l'idée de le brandir dans les tranchées pour effrayer l'ennemi, ou aurait fini sous les ruines du musée, après un bombardement qui n'en aurait laissé subsister que le cou[22]. Ces histoires reposeraient elles-mêmes sur une confusion, la girafe du musée de Verdun ne pouvant être que celle dite « de Daubenton », montée en par le taxidermiste Delalande avec la première peau de girafe reçue par le muséum de Paris[23].
La girafe offerte à Charles X est aujourd'hui couramment appelée Zarafa, mais ce nom n'est pas attesté du vivant de l'animal, et il semble dû à Gabriel Dardaud en dans son livre Une girafe pour le roi[24]. Ce nom est repris en dans le livre de Michael Allin[25], qui le présente comme la transcription d'un mot arabe signifiant à la fois « girafe » et « charmante » (en fait, deux mots distincts mais se transcrivant de la même manière[26], respectivement زرافة et ظرافة). L'animal n'avait pas de nom de son vivant, et était désigné, selon Saint-Hilaire, « le bel animal du roi »[27] ; il n'est pas impossible que son premier propriétaire l'ait présentée comme la « belle », la « charmante », en langue arabe.
La sculpture Zarafa, installée à Marseille depuis , fait référence à la girafe offerte à Charles X.
Un film d'animation très librement inspiré de l'histoire de cette girafe, Zarafa, réalisé par Rémi Bezançon et Jean-Christophe Lie, est sorti en . Spécialiste français de la première girafe de France, Olivier Lebleu a collaboré à la promotion de sortie, et des expositions sur cette girafe ont été présentées au jardin des plantes de Paris du au , et au muséum d'histoire naturelle de La Rochelle au . Le film a réalisé 1,4 million d'entrées cinéma en France.
Du au , l'artiste britannique Sebastian Mayer reconstitue le voyage de Zarafa à travers la France, en marchant de Marseille à Paris avec une marionnette de girafe à échelle réelle[29]. Celle-ci, mesurant 3,4 mètres de haut et pesant 9 kg[30], est équipée d'une peau en carton amovible. L'artiste s'arrête au cours du trajet et offre des ateliers gratuits aux membres de la communauté locale, qui décorent alors la peau pour la prochaine étape du voyage[31].
↑Caroline Gaultier-Kurhan, Méhémet Ali et la France, – : Histoire singulière du Napoléon de l'orient, Paris, Maisonneuve et Larose, , 267 p. (ISBN2-7068-1910-3), p. 132.
↑Geoffroy Saint-Hilaire 1827, p. 211 : « On a varié sur son âge compté en nombre de lunes ; cependant on est parvenu à concilier quelques renseignemens contradictoires et à établir qu'elle avait pris vingt-deux mois en . »
↑(en) Stephen Bann, « The Return to Curiosity : Shifting Paradigms in Contemporary Museum Display », dans Andrew McClellan (dir.), Art and Its Publics : Museum Studies at the Millenium, Malden, Blackwell Publishing, , 213 p. (ISBN0-631-23046-7 et 0-631-23047-5), p. 119.
↑Guide des collections, Musée des Beaux-arts, Beaune, 2014.
↑(en) Michele Majer, « La Mode à la girafe: Fashion, Culture, and Politics in Bourbon Restoration France », Studies in the Decorative Arts, vol. 17, no 1, automne–hiver 2009–2010, p. 123–161 (ISSN1069-8825, DOI10.1086/652666, S2CID155338183).
↑Charles-François Bertu, Dame Girafe à Paris : aventures et voyage de cette illustre étrangère racontés par elle-même, Paris, Librairie française et étrangère, (lire en ligne).
↑Jacqueline Sarment, Le spectacle et la fête au temps de Balzac (exposition, ville de Paris, maison de Balzac, – ), Paris, Maison de Balzac, (BNF34613905), p. 171.
↑Laura Bossi, Les origines du monde : l'invention de la nature au XIXe siècle, Paris, Gallimard et Musée d'Orsay, , 383 p. (ISBN978-2-07-290659-6), p. 367 : « Anonyme, La Première Girafe de France, vers – ; Diorama : bois, peinture à l'huile, terre cuite, verre, cuir ; 85 × 80 × 40 cm ; Paris, Muséum national d'histoire naturelle ; OA1754 ; [exposé à] Paris ; Non reproduit [dans le catalogue d'exposition] »
Robert Favre, « Une curieuse et pittoresque histoire, la girafe de Charles X », Annales de l'Académie de Mâcon, Académie de Mâcon, vol. 14, , p. 55–62.
(en) Michael Allin, Zarafa: A Giraffe's True Story, from Deep in Africa to the Heart of Paris, Londres, Headline Book Publishing (ISBN0-7472-2299-1) et New York, Walker and Company (ISBN0-8027-1339-4), , 215 p. ; rééd. Headline Review (ISBN0-7472-6209-8) et Delta Books (ISBN0-385-33411-7), .
Michael Allin (trad. de l'anglais par Stéphane Carn), La Girafe de Charles X : son extraordinaire voyage de Khartoum à Paris, Paris, Jean-Claude Lattès, , 272 p. (ISBN2-7096-2073-1).
Olivier Lebleu, Les Avatars de Zarafa, première girafe de France : Chronique d'une girafomania, –, Paris, Arléa, , 201 p. (ISBN2-86959-754-1).
Nathalie Bardet, Peggy Vincent et Xabier Pereda Suberbiola, « De Zarafa à Zarafasaura : Petite épopée de deux animaux africains à long cou », Saga Information, no 334, , p. 8–16 (lire en ligne).
Littérature jeunesse
(en) Miche Wynants, The Giraffe of King Charles X, New York, McGraw-Hill, , 54 p.
Miche Wynants, La Girafe du roi Charles X, Paris, Desclée de Brouwer, coll. « Albums du petit berger », , 55 p.
Bruno Bonhoure (ill. Marie-Ève Herpin), Zarafa , Paris, Destination 2055, coll. « Laïka 1957 », , 28 p. (ISBN2-916116-25-7).
(en) Judith St. George (ill. Britt Spencer), Zarafa : The Giraffe Who Walked to the King, New York, Philomel Books, , 40 p. (ISBN978-0-399-25049-1).
(de) Adam Jaromir (ill. Pawel Pawlak), Zarafa, Hanovre, Gimpel Verlag, , 48 p. (ISBN978-3-9811300-3-4).
(en) Mary Tavener Holmes et John Harris (ill. Jon Cannell), Giraffe Goes to Paris, Tarrytown (New York), Marshall Cavendish Children, , 32 p. (ISBN978-0-7614-5595-0 et 0-7614-5595-7, lire en ligne).