Centre agricole situé à 40 km de Thessalonique, elle est aussi très proche des ruines de Pella, lieu de naissance d'Alexandre le Grand et capitale de l'ancienne Macédoine.
En 2011, sa population était de 29 789 habitants[2]. Sous l'Empire ottoman elle était considérée ville sacrée.
L'opinion la plus répandue est qu'en 1385, Gazi Ahmed Evrenos(en), le premier commandant turc parti pour la Macédoine en tant qu'ouch bey(en) de l'armée ottomane, conquiert la région, et occupe la colonie romaine de Vardarion. La ville a été nommée Yenice (prononcé Yenidjé), c'est-à-dire (ville) nouvelle, ou Yenice-i Vardar[3], pour la distinguer de Yenice-i Karasu[4].
La nouvelle ville devient une base pour la conquête des autres pays voisins des Balkans.
la transcription bulgare est Енидже Вардар (Enidje Vardar).
À partir de son rattachement à l'État grec, la ville s'appelle Genitsá (en grec moderne : Γενιτσά, prononcé Yenitsa) et en 1926, elle est officiellement rebaptisée Giannitsá[5].
Économie
Giannitsá est une région rurale. On y cultive des céréales, de l'orge, de l'avoine, du maïs, du sésame, du coton et de la pastèque.
L'assèchement du lac de Giannitsá, entre 1928 et 1932, a augmenté la surface des terres agricoles, conduisant à une croissance de la population dans la région.
Au XIXe siècle, on pêchait dans ce lac et on récoltait les massettes pour fabriquer des nattes.
Gianitsa était alors un important centre commercial de l'Empire ottoman, mais en raison de fréquentes épidémies de paludisme, il a décliné économiquement. En 1894, le chemin de fer Thessalonique - Bitola a été mis en service , mais il contournait Gianitsa, ce qui l'a encore isolé.
Histoire
À l'exception de la côte, la Macédoine a été largement slavisée à la fin du VIe siècle et au début du VIIe siècle. Ce fut le cas pour Giannitsá.
Une cité fortifiée existait à l'époque byzantine, attestée par des fouilles archéologiques.
Mais l'importance de la ville commence avec sa fondation par le bey Evrenos(en) probablement entre 1383 et 1387. Le fait qu'Evremos a été enterré dans la ville de Giannitsá en fera une ville sainte des Turcs et un lieu de culte. Le mausolée d'Evrenos(bg), largement remanié au cours des siècles, abrite aujourd'hui des activités culturelles.
En 1519, la population comptait déjà 1 077 familles musulmanes, 25 familles chrétiennes et 44 familles juives. Les recensements de 1528, 1542, 1568-1570 ont donné respectivement 580, 622, 791 familles musulmanes et 24, 37, 63 familles chrétiennes, et pas de familles juives[6].
À partir du milieu du XVe siècle, Giannitsá devint un centre des lettres et des arts. Sous le bey Şemseddin Ahmed[7], de nombreuses mosquées, écoles, orphelinats ont été créés et des travaux publics ont été réalisés. Il invita le maître soufi Abdullah-ı İlahi[8], qui mourrut à Giannitsá vers 1487 - 1491, où il a son tombeau[9].
Au XVIe siècle, l'apparence de la ville changea et le Vénitien Lorenzo Bernardo(it), qui la visita en 1590, écrivit :
« Ici vivent des Bulgares et le pont sur le Vardar est la frontière entre la Bulgarie et la Thessalie. Tout près du pont, il y a une maison d'où une jeune femme bulgare est sortie et nous a offert du pain sans levain[10]. »
Vers 1667, Sherif Ahmet, un descendant d'Evrenos, construisit la tour de l'horloge au centre de la ville. C'est un bâtiment rectangulaire, d'une hauteur de 25 m, construit en pierres jusqu'aux 4 premiers mètres et ensuite en briques.
En 1840, Victor Grigorovitch écrit, dans « Esquisse de voyage dans la Turquie d’Europe » (page 107)[11],[12]:
« Les villages entre Salonique et Enidjé Vardar sont habités principalement par des Bulgares... Les villages des régions de Enidjé-Vardar, Voden, Florina, Monastir, ainsi que ceux que l'on rencontre entre Monastir et Ochrida, sont habités exclusivement par des Bulgares, mélangés çà et là à des Koutzovalaques et Turcs. »
« Enidje Vardar compte environ six mille maisons - moitié bulgares, moitié turques... Ici, et comme dans la région, les chrétiens sont slaves. Les seuls Grecs sont le professeur et l'évêque. Les notables utilisent la langue grecque dans le commerce, mais aucune femme ne la connait. Quant à la propagation catholique, deux prêtres uniates bulgares officient maintenant dans le même lieu, mais une nouvelle église est en construction[13]. »
Dans la première moitié du XIXe siècle, il n'y avait pas d'église chrétienne à Giannitsá. En 1856, le rescrit impérial qui était un édit d'émancipation des communautés non musulmanes, leur donnait la libre gestion de leurs affaires internes, et interdisait toute discrimination sur une base religieuse. Malgré cela le firman du sultan pour la construction de l'église de l' Assomption de la Vierge(bg) fut difficile à obtenir, car Giannitsá était une ville sainte pour les musulmans. Il ne fut délivré qu'en 1858 et l'église achevée en 1860. Sur le plan architectural, il s'agit d'une basilique à trois nefs avec une nef centrale plus grande et mesurant 32 m sur 24 m sur 10 m.
En 1859 l'Ordre des Lazaristes de Giannitsá obtient un firman du sultan pour la construction d'une église uniate. Le terrain fut donné par le pope Dimo. Le Vicariat apostolique bulgare de Constantinople donna 3 000 livres or turques. L'église Saint-Pierre et Saint-Paul(bg) fut consacrée le 9 (21) octobre 1866. Les offices étaient en bulgare et pendant longtemps, ce fut aussi un lieu de diffusion de la littérature bulgare parmi la population. C'est maintenant une église grecque uniate, depuis l'échange de population entre la Grèce et la Turquie en 1922.
L'église bulgare a été construite en 1908 sous le nom de « Saints Cyrille et Méthode ». Les Grecs l'ont rebaptisée « Saints Constantin et Hélène ».
Des mouvements révolutionnaires bulgares s'organisent pour libérer les Bulgares de Macédoine. L'Organisation révolutionnaire intérieure macédono-andrinopolitaine (VMORO), en 1893, le Comité macédonien ou Comité suprême macédono-andrinopolitain(en) (VMOK), en 1895. A Giannitsá, la lutte a été organisée principalement par Apostol Petkov(en), surnommé le soleil d'Enidje Vardar, entre 1897, où il adhère au VMORO, et sa mort en 1911. Les Grecs, très minoritaire à Giannitsá, combattirent les Turcs, mais aussi les Bulgares. Le cousin d'Apostol Petkov, Guéorgui Yotov(en) dit Gonos Yotas combattit avec lui de 1900 à 1904. Le fait que sa mère était patriarchiste[17] lui donnait des sympathies pour la cause grecque. Il remit en question son appartenance au VMORO lorsque celui-ci organisa la lapidation publique du métropolite d'Édessa, Stefanos, au début de 1904. À l'été 1904, alors que Guéorgui Yotov assistait à la messe à Agios Loukas (Saint Luc), trois Bulgares armés exigèrent qu'un prêtre exarchiste[16] accomplisse le service divin, il y eut un échange vigoureux entre eux et les Bulgares acceptèrent de partir. À la suite de cette altercation, en octobre 1904 il rejoignit les andartes (αντάρτες, soit rebelles) grecs. Il apprit le grec avec eux, dans le dialecte crétois, car les détachements étaient composés principalement de soldats grecs originaires de Crète. Avec eux il combattit les Bulgares, y compris son cousin Apostol Petkov. En 1911, furieux de la trahison des grecs Apostolos Matopoulos(el) et Antonis Antonakis avec qui il avait combattu, et qui collaboraient avec les Jeunes-Turcs, il fut trahi par eux et fut tué le 12 février 1911 dans une opération de l'armée ottomane, au lac de Giannitsá. Les autorités grecques exilèrent Matopoulos aux États-Unis et exécutèrent Antonakis.
La rivalité s'exprime aussi au niveau scolaire et religieux. Les Grecs essayent d'helléniser les Bulgares dans les écoles grecques ou par l'appartenance au Patriarcat œcuménique de Constantinople. Suivant de quel côté on se place on dira, par exemple, que Guéorgui Yotov est un Bulgare hellénisé (un grécoman) ou un Grec bulgarophone.
En 1924, la population du district de Giannitsá se décomposait en 13336 slavophones exarchistes, 6500 musulmans et 3049 réfugiés grecs (il n'y avait aucun grec local)[22].
À partir de 1936, la langue slave a fait l’objet d’une répression étatique systématique[23],[24],[25],[26].
En mars 1941, la Bulgarie entra en guerre aux côtés de l'Allemagne contre la Yougoslavie et la Grèce, ce qui lui permit de récupérer le débouché sur la mer Égée, perdu au traité de Neuilly, et la Macédoine. L'armée allemande envahit Giannitsá le 11 avril 1941. Le 20 avril 1941, une division autrichienne fut temporairement constituée et les habitants furent témoins de leur comportement violent. Le 14 septembre 1944 à Giannitsá, 112 personnes furent exécutées. Parmi eux se trouvait le maire de Giannitsá, Thomas Magriotis(el). L'ambassadeur suédois Tümberg déclara qu'un tiers de la ville avait été détruit par un incendie. Les habitants de Giannitsá quittèrent la ville. Ils se réfugièrent dans les champs et vécurent dans des huttes de fortune. Emil Wenger se rendit à Giannitsá quelques jours après l'exécution collective, en tant que représentant du Comité international de la Croix-Rouge et écrivit « Giannitsá est déjà une ville morte ». Les allemands quittèrent Giannitsa le 3 novembre 1944.
Le Loudías
À 7 kilomètres au sud du centre se trouve le fleuve Loudías, où est installé un centre de voile. Le Club Nautique de Giannitsá (NOG) enseigne le canoë et le kayak.
Divertissement
Le centre de la vie sociale de la ville est dans la rue piétonne du centre, où il y a beaucoup de bars, restaurants et cafétérias.
Giannitsá a été l'une des premières villes à créer un théâtre ouvert de 3 000 places et a fait des événements culturels une institution, car de grands noms du théâtre et de la musique sont accueillis chaque année au cours du dernier mois de l'été, donnant aux journées culturelles un caractère de festival. Diverses manifestations artistiques, théâtrales et musicales ont aussi lieu dans le théâtre fermé qui se trouve à l'intérieur du Centre Culturel, qui est un bâtiment d'architecture moderne (3800 m²).
↑Georgina M. Mackenzie, Adeline P. Erby. Voyages dans les provinces slaves de la Turquie européenne. Sofia, Maison d'édition du Front patriotique, 1983. p. 81.
↑Nous avons donné ici deux statistiques. Il y en a d'autres qui diffèrent en fonction de leurs auteurs. Sur ce sujet, on pourra consulter LES BULGARES dans leurs frontières historiques, ethnographiques et politiques qui donne dix cartes ethnographiques entre 1861 et 1900.
Par ailleurs, Tassos Kostopoulos, dans How the North was won. Épuration ethnique, échange des populations et politique de colonisation dans la Macédoine grecque. » note :
« En 1903 le diplomate Ion Dragoumis, un des défenseurs les plus ardents de l’implication politico-militaire de la Grèce dans les affaires macédoniennes constatait (Petsivas, Giorgos (2000) Γιώργος Πετσίβας (επιμ.), ΊωνοςΔραγούμη. ΤατετράδιατουΊλιντεν. Les cahiers d’Ilinden de Ion Dragoumis, Ekdoseis Petsiva, Athènes. : 623) : La plupart des chrétiens grécophones habitaient le littoral et les provinces de la Macédoine du sud-ouest frontalières de la Grèce ; plus au nord, la présence grecque était confinée à quelques centres urbains, « encerclés » par une campagne plus ou moins slavophone. « Au nord de la ligne qui relie [les villes de] Kastoria, Niaousta, Salonique, Serres et Drama il n’y a aucune commune grécophone, sauf Melnik ».
Ses remarques sont partagées par la totalité des concepteurs de la politique extérieure hellénique dans leurs analyses confidentielles, en pleine contradiction avec le discours officiel qui mettait lui l’accent
sur l’ « hellénisme éternel » de la région. Konstantinos Paparrigopoulos par exemple, père fondateur de l’historiographie nationale grecque et en même temps président de l’Association pour la propagation des Lettres grecques (organisme semi-officiel fonctionnant comme service de renseignements et de pénétration politique vers les territoires irrédents de l’Empire ottoman), constatait aussi en 1884 que, au nord de cette même ligne, « la langue grecque n’est parlée nulle part comme langue maternelle, exception faite pour Melnik et en partie pour Nevrokop » (Paparrigopoulos, Konstantinos (1884), Bibliothèque Gennadeios [Athènes]- Archives de Stefanos Dragoumis, dossier 214, doc. 7, rapport du président de l’Association pour la propagation des lettres grecques K. Paparrigopoulos adressé au ministre des Affaires extérieures Alexandros Kontostavlos, Athènes 11.3.1884, n° 243. : 3c). »
↑Elisabeth Kontogiorgi, Population Exchange in Greek Macedonia: The Rural Settlement of Refugees 1922-1930, Oxford, Oxford university press, (lire en ligne), p. 248