Second fils du boulanger de Pontlevoy, Ferdinand Desnos, qui manifeste très tôt un goût prononcé pour le dessin[2], fait ses études au collège de l'abbaye. D'abord garde-chasse de Pontlevoy[3], il est dans sa jeunesse d'un tempérament joyeux, aimant les plaisirs simples de la vie: il fait partie d'orchestres locaux animant les bals du dimanche, il observe la vie rurale dont sa peinture restera nourrie (Les travaux aux champs, les fêtes champêtres, les sorties de messes dominicales, les processions religieuses), accompagne son frère aîné à la chasse en forêt et en plaine, en des randonnées champêtres qui seront inspiratrices de la part animalière de son œuvre[2].
Ferdinand Desnos épouse Andrée Vinet en 1923 (le mariage donnera naissance à quatre filles)[4] pour s'installer à Montrichard où il vit de petits métiers: il travaille entre autres aux caves champignonnières du village voisin de Bourré. C'est dans ce village qu'il commence à peindre à l'huile[5]. Il monte en 1927 « tenter sa chance »[5] à Paris où il s'installe à Ménilmontant et où, après un premier emploi « chez un marchand de jouets dont il réalise un beau portrait »[4], il entre comme électricien au Petit Parisien[6], passant ses temps libres dans les musées et les jardins publics. Le critique d'art Fritz-René Vanderpyl (1876-1965), chroniqueur au Petit Parisien remarque son travail pictural et l'introduit dans les milieux artistiques, favorisant sa première exposition au Salon des indépendants de 1931[Note 1]. Sa première exposition pariculière parisienne se tient en 1943.
Les portraits qu'il peint à Paris nous disent ses amitiés: outre Fritz-René Vanderpyl, il y a Maurice Utrillo en 1930, Paul Fort en 1943, puis plus tard Paul Léautaud en 1953 ou encore Chalgalo (pseudonyme du peintre naïf CHarles ALbert GAston LOmbard) également en 1953.
Atteint de tuberculose, Ferdinand Desnos, contraint de quitter l'air de la capitale, vient s'installer à Blois (où une exposition particulière lui est consacrée), puis chez sa fille à Pontlevoy. Il revient à Paris en 1948, rejoignant sa femme dans une modeste loge de concierge de la rue Gay-Lussac, mais ses difficultés respiratoires le contraignent à des séjours en hôpital, puis en sanatorium.
Ce n'est qu'en 1954, avec son tableau Les goélands[7] exposé au Salon des Indépendants, que Ferdinand Desnos commence à intéresser le monde des critiques d'art et des collectionneurs[5], à l'instar d'André Breton dont Ferdinand peint cette année-là un portrait (aujourd'hui dans la collection du Musée international d'art naïf Anatole Jakovsky de Nice)[8].
Ferdinand Desnos meurt en , peu après une hospitalisation pour opération chirurgicale. Il repose au cimetière parisien d'Ivry[9]. Lui qui de son vivant n'intéressa qu'un infime cercle de collectionneurs fait aujourd'hui l'objet d'études, de catalogues, de rétrospectives, et est entré dans les musées. Aussi Jacques Busse peut-il interroger: « Sa mort a changé les choses, mais en mourant, le pauvre peintre acharné a-t-il pressenti qu'il allait commencer à vivre ? »[5].
Expositions
Expositions personnelles
Galerie La Boétie, Paris, 1943.
Rétrospective Fernand Desnos, Musée des beaux-arts de Tours, 1963.
51 toiles de la collection Oscar Ghez, L'art naïf et l'art des enfants, exposition itinérante, Centre culturel Simone Signoret de Château-Arnoux, Chapelle du collège de Carpentras, Cité du livre d'Aix-en-Provence, Musée international d'art naïf Anatole Jakovsky de Nice, Maison Ravier de Morestel, 1994-1995.
Homenaje a los artistas de Montparnasse, 100 contemporeanos de Diego Rivera en la coleccion del Petit-Palais, Musée Dolorès Olmedo Patino et Musée d'art moderne de Mexico, 1998.
Le peintre et les baigneuses dans l'art moderne, 1890-1960, Musée du Petit-Palais, Genève, juin-.
Les naïfs en fête, Quatrième Biennale internationale de Laval, 2003.
Les Heures chaudes de Montparnasse, Musée du Montparnasse, Paris, -[13].
De Manet à Renoir, trésors de la peinture française du Petit-Palais, Städtischen Museen, Jena, 2008-2009.
Musée Charlotte Zander, château de Bönnigheim, 2012.
Réception critique
« A colorist whose paintings express a rustic poetry. » - Raymond Nacenta[14]
« En plus de ce qu'il se rappelle, il y a ce qu'il imagine, ce qu'il devine, ce qu'il pressent, la mort si souvent présente dans son œuvre, comme si elle devait l'être prématurément dans cette vie, et, par delà la mort, Dieu - Dieu qui a pour Desnos un visage: celui du Christ. De là, l'autre versant de son œuvre, le versant visionnaire... sacré et tourangeau, définirons nous par ces deux épithètes l'art de Ferdinand Desnos. » - Bernard Dorival[15]
« Son imagination fertile, la simplicité de ses formes, qu'on dirait taillées dans le bois, l'éclat de ses couleurs et sa tendance à l'humour font de Desnos l'un des peintres naïfs français les plus authentiques. » - Le Robert[3]
« Une peinture dont la puissance plastique est instinctivement magistrale chez cet autodidacte [...]L'art de Desnos, dans sa spontanéité populaire, est animé d'un souffle religieux, d'un lyrisme poétique et fantaisiste où l'humour rejoint le drame. » - Gérald Schurr[16]
« Comme beaucoup de créateurs et peut-être tout simplement parce que c'est un peintre naïf avant tout, Ferdinand Desnos est un artiste énigmatique. Il porte en lui les gênes de l'Art Naïf. Il nous a laissé tout entière son énigme, ces visages angéliques, ces chats familiers et ces chiens de chasse, ces biches alanguies et ces prêtres statufiés sous le poids du souvenir... » - Anne Devroze-Stilz[17]
« Ferdinand Desnos a peint environ huit-cents toiles. Sauf quelques rares exceptions, personne ne songeait à les lui acheter; il continua cependant à peindre, souvent dans le dénuement. Dans ce cas, on est assuré de la profonde authenticité de l'acte de peindre, pour rien, pour personne. C'est là que l'on retrouve les sources fraîches de la création, jamais aussi pures que chez ceux qui peignent ignorés dans leur solitude, chez ces peintres que l'on dit naïfs alors qu'ils sont simplement innocents. » - Jacques Busse[5]
« Comme le Douanier Rousseau, c'est un peintre d'histoires simples, avec l'instinct de l'achèvement... » - Jean-Pierre Delarge[18]
« La gaucherie n'est pas une fatalité, comme en témoignent Jean Eve, Gertrude O'Brady, Ferdinand Desnos [...] et beaucoup d'autres. L'imaginaire de ces peintres, leur style, les entraînent parfois aux frontières de l'Art brut. » - Marie-Christine Hugonot[19]
« C'était un peintre qui ne s'adressait qu'au merveilleux, en toute spontanéité primaire, avec des toiles de tous formats, certains très grands, qu'il accrochait de bas en haut de la cage de l'immeuble de la rue Gay-Lussac où il était concierge, exposition d'autant de chefs-d'œuvre dont s'indignaient les locataires qui refusaient cependant de trop protester parce que Ferdinand, avec sa femme et ses deux filles un peu honteuses elles aussi des barbouillages de leur mari et père, fournissait, mis de côté ses dix chats toujours en vadrouille dans les étages, le meilleur des services de gardiennage de tout le quartier. » - Salah Stétié[1]
Raymond Nacenta, School of Paris - The painters and the artistic climate of Paris since 1910, Oldbourne Press, Londres, 1960.
Jacques Busse, Il y aura toujours des peintres maudits, revue Documents, n°193, 1963, page 10 et suivantes.
Jean-Marie Girard, Ferdinand Desnos, 1901-1958, avant-propos de Boris Lossky, préface de Bernard Dorival, Éditions du Musée des beaux-arts de Tours, 1963.
Le Robert, Dictionnaire universel de la peinture, S.N.L. - Dictionnaires Robert, Paris, 1975.
Revue Vision sur les arts, n°98, .
Madeleine Gavelle, les peintres naïfs, illuminés de l'instinct, Éditions Filipacchi, 1977.
629 œuvres de Renoir à Picasso, Éditions du Petit-Palais, Genève, 1981.
Revue Galerie des arts, n°211, .
Oto Bihalji-Mérin et Tomasevic Nebojsa-Bato, L'art naïf, encyclopédie mondiale, Edita - La Bibliothèque des arts, 1984.
Anne Devroze-Stilz, Ferdinand Desnos, Éditions du Musée international d'art naïf Anatole Jakovsky, Nice, 1993.
Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Gründ, 1999, tome 4.
Jean-Pierre Delarge, Dictionnaire des arts plastiques modernes et contemporains, Gründ, 2001.
Calmels & Cohen, commissaires-priseurs à Paris, Catalogue de la vente de la collection André Breton, Hôtel Drouot, Paris, .
Jean-Bernard Sandler, Artistes du secteur de Pontlevoy (1850-1950), mémoires de l'Académie des sciences, arts et belles lettres de Touraine, 2008[26].
Salah Stétié, L'Extravagance, mémoires, Robert Laffont, 2014.
Filmographie
Ferdinand Desnos, Georges van Haardt, Polygraphie polyphonique n°1 et n°2, film expérimental (court-métrage), réalisation, images et sons de Jean-Étienne Marie[27].
Notes
↑ Coquille involontaire que nous rectifions de nous-mêmes dans l'ouvrage collectif Un siècle d'art moderne - L'histoire du Salon des Indépendants (Denoël 1984) cité en bibliographie ci-dessus. Page 256: « 1931: R. Desnos (sic) fait son entrée au Salon ». Parmi les nouveaux exposants, outre Ferdinand Desnos, sont cités Jean Aujame, Roger Limouse, Pierre Soulages, Bernard Lorjou, Edmond Daynes, Maria Elena Vieira da Silva et Árpád Szenes.
↑ Parmi les confrères et amis de Ferdinand Desnos au Salon des indépendants, citons Armand Nakache dont notre artiste brossa un portrait (Le peintre Nakache dans son atelier, 1950) reproduit dans 629 œuvres de Renoir à Picasso, Éditions du Petit-Palais, Genève 1981 (voir bibliographie ci-dessus). Armand Nakache fut président du Salon des Indépendants de 1953 à 1964 (Un siècle d'art moderne - L'histoire du Salon des Indépendants, Denoël 1984, page 263).
↑ Parmi les personnages qui entourent le Christ sur le Pont des Arts, on peut voir le Sultan Mohammed V (roi du Maroc), le Maréchal Juin et des amis personnels de Ferdinand Desnos comme Salah Stétié (témoignage de Salah Stétié, L'Extravagance, Robert Laffont, 2014).
Références
↑ abc et d Salah Stétié, L'Extravagance, mémoires, Robert Laffont, 2014.
↑ a et b Société des amis du musée et du patrimoine de Pontlevoy, Ferdinand Desnos, 1901-1958, Mairie de Pontlevoy
↑ a et b Le Robert, Dictionnaire universel de la peinture, 1975, tome 2 page 217.
↑ abc et d Natacha Carron Vullierme (commissaire d'exposition), Mathilde Fennebresque et Adélaïde Stephan (contacts presse), Ferdinand Desnos, un naïf spitituel, catalogue d'exposition, Drouot, Paris, janvier 2019.
↑ Anne Devroze-Stilz, conservateur du Musée international d'art naïf Anatole Jakovsky, Ferdinand Desnos, Éditions du musée, 1993.
↑ Jean-Pierre Delarge, Dictionnaire des arts plastiques modernes et contemporains, Gründ, 2001.
↑ a et b Marie-Christine Hugonot, titulaire d'une maîtrise spécialisée en Histoire de l'art et archéologie (sujet: L'art naïf en France, un art vivant), Catalogue de la collection d'art naîf du château de Gourdon (Laurent Négro), Tajan Paris, mercredi 24 avril 2002.