Eugénie Brazier est une femme d'origine populaire, née le [1] à La Tranclière, à six kilomètres au sud de Bourg-en-Bresse, dans une famille de paysans bressans, originaires de Dompierre-sur-Veyle. À la mort de sa mère, à 10 ans, elle est placée dans des fermes de la région où elle garde les vaches et les cochons[2]. Elle y apprend les bases de la cuisine de la Bresse[3].
À 19 ans, elle tombe enceinte d'un certain Pierre, homme marié habitant Dompierre-sur-Veyle. Elle se fait mettre à la porte par son père[4]. Laissant son fils, Gaston, en nourrice à Dompierre, elle monte à Lyon[5].
Apprentissage
Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, beaucoup de restaurants de Lyon étaient tenus par des femmes, surnommées « les mères ».
Employée dans une famille bourgeoise (chez les Milliat, fabricants de pâtes et clients de la mère Fillioux), comme nourrice (donnant le lait), elle devient chargée de la cuisine lorsque la cuisinière attitrée tombe malade. En 1915, âgée de 20 ans, elle s'en fait une vocation et partie de rien, se fait embaucher à la fin de la Première Guerre mondiale chez la mère Fillioux (73, rue Duquesne, à Lyon) où elle fait son apprentissage. Puis elle fait un passage à la Brasserie du Dragon, de Lyon, où elle se fait une solide réputation.
Restaurant Mère Brazier à Lyon
Le , Eugénie crée, avec 12 000 francs de capital, son restaurant, un bouchonlyonnais typique[6]. Situé au numéro 12 de la rue Royale, dans le 1er arrondissement de Lyon, tout proche des quais du Rhône, il est nommé le Mère Brazier. Ses débuts en cuisine sont difficiles mais, grâce au bouche-à-oreille et aux éloges du grand critique gastronomique Curnonsky et du Club des Cent, sa table devient vite la plus courue de Lyon.
À partir de 1928, elle prend du repos dans un chalet sans gaz ni électricité, au col de la Luère, à dix-sept kilomètres à l'ouest de Lyon, où ses clients (d'abord des amis d'un constructeur de voitures de courses, dont le chauffeur de maître n'est autre que son amoureux, ces personnes possédant toutes une voiture à l'époque) la pressent d'ouvrir un second restaurant, ce qu'elle fait en 1929. Il devient l'annexe de son restaurant lyonnais les week-ends et au retour des beaux jours. En 1941, elle fait raser le bungalow pour construire un restaurant en pierre[5].
En 1943, à la suite de querelles avec son fils Gaston Brazier, ce dernier prend la direction du restaurant de Lyon alors qu'Eugénie poursuit au col de la Luère[9].
En 1968, âgée de 72 ans, Eugénie passe la main à son fils Gaston qui lui succède. Elle meurt le , à Sainte-Foy-lès-Lyon, alors âgée de 81 ans[10]. Elle est inhumée, avec son fils Gaston (mort trois ans avant elle, en 1974), au cimetière du Mas Rillier, à Miribel dans l'Ain[11].
Fond d’artichaut au foie gras, quenelle, langouste Belle Aurore, terrine, gratin de macaronis, volaille demi-deuil, galette et chabraninof (dessert à base de pommes confites et flambées).
Volaille de Bresse demi-deuil et petits légumes de la mère Brazier.
Gâteau de foie de volaille et de lapin, façon mère Brazier.
Succession, hommages, postérité
En 1971, Jacotte Brazier, fille de Gaston Brazier et petite-fille d'Eugénie, intègre le restaurant de la rue Royale dont elle prend la direction, en 1974, à la mort de son père et assure pendant trente ans l'héritage de sa grand-mère et de son père.
En 2004, Jacotte Brazier transmet le restaurant de sa grand-mère à ses amis Philippe Bertrand et Bob Tosh, qui conservent le nom de l'établissement Mère Brazier, l'esprit de la maison et de sa fondatrice, et des menus traditionnels Eugénie Brazier et Jacotte Brazier, tout en modernisant l'établissement et la carte, avec le chef Yannick Decelle aux cuisines.
En 2000, pour fêter les quatre-vingts ans du restaurant d'Eugénie Brazier, la rue Marceau, la plus proche de son restaurant du 12, rue Royale, est rebaptisée rue Eugénie-Brazier par la mairie de Lyon[12].
Le prix Eugénie-Brazier – prix du roman et essai gourmand récompense un ouvrage de cuisine réalisé par une femme, ou dont le sujet est la cuisine des femmes.
Trois autres prix sont liés à ce dernier :
le prix Eugénie-Brazier – prix de l’iconographie
le prix Eugénie-Brazier – coup de cœur du comité de lecture
En 2012, les membres du jury étaient Paul Bocuse, Marc Lambron (écrivain et président du jury Brazier), Danièle Mazet-Delpeuch (cuisinière de l'Élysée 1988 à 1990), Jacotte Brazier, Reine Sammut (chef de cuisine à La Fenière, à Lourmarin), Françoise Monnet (Le Progrès de Lyon) et Valérie Bouvart (magazine Régal)[16].
Jean-François Mesplède, Eugénie Brazier. Un héritage gourmand, Paris, Jean-François Mesplède/Page d'écriture, , 95 p.
Jean-François Mesplède (préf. Alain Ducasse), Trois étoiles au Michelin : Une histoire de la haute gastronomie française et européenne, Paris, Gründ,
Jean Butin, Ces lyonnaises qui ont marqué leur temps, Lyon, Editions lyonnaises d'art et d'histoire, , 283 p., p. 195 à 203
Roger Moreau, avec la collaboration de Roger Garnier et Jacotte Brazier ; préfaces de Paul Bocuse, Bernard Pacaud et Mathieu Viannay, Les Secrets de la mère Brazier, Paris, Solar, , 278 p. (ISBN978-2-263-04890-6).
Catherine Simon, Mangées. Une histoire des mères lyonnaises, Sabine Wespieser Éditeur, 2018, 260 p.
Articles
Evelyne Vacher, « La Mère Brazier (1895-1977) », L'Araire, no 128, , p. 86-95
Lucien San Biagio, « La mère Brazier, “vestale de la Table”… », L'Humanité, , p. 52-56 (lire en ligne)