Entropie topologique

En mathématiques et plus précisément, dans la théorie des systèmes dynamiques, l'entropie topologique est un réel associé à tout homéomorphisme d'un espace topologique compact. Ce réel caractérise l'action induite de l'homéomorphisme sur les recouvrements ouverts finis de l'espace considéré, ou plutôt le comportement limite de son itération lorsque le nombre d'ouverts tend vers l'infini. Certains ouvrages ou articles définissent la notion par restriction aux espaces compacts métrisables. Non seulement, cela permet d'énoncer une définition plus abordable, mais en plus elle recouvre tous les cas intéressants. De plus, cette seconde approche permet de réinterpréter l'entropie topologique sur le plan du comportement limite du pistage des orbites de l'homéomorphisme, un outil important dans la compréhension des systèmes dynamiques topologiques.

L'entropie topologique est une notion topologique, à ne pas confondre avec l'entropie métrique qui caractérise les systèmes dynamiques mesurables. Toutefois, tout homéomorphisme sur un espace compact admet des mesures boréliennes invariantes (en) ; l'entropie topologique apparait de facto comme la borne supérieure des entropies métriques correspondantes (c'est le théorème du principe variationnel).

Approche métrique de l'entropie topologique

Définition formelle

Soit X un espace compact métrisable. Pour une distance d donnée sur X, on appelle r-suite toute suite de points de X séparés d'une distance au moins r : cette notion dépend explicitement de la distance d. Les r-suites peuvent être vues comme une variante discrète du recouvrement de X par des boules ouvertes. On note le cardinal maximal d'une r-suite de X.

Plus précisément, si désigne le nombre minimum de boules ouvertes de rayon r pour recouvrir X, alors, par application du principe des tiroirs, il ne peut exister aucune r suite d'une longueur supérieure à . Réciproquement, pour toute r-suite maximale , les boules ouvertes de centres respectifs et de rayon r recouvrent X. De fait, on dispose de l'encadrement :

.

Soit un homéomorphisme de X. Définissons la distance itérée sur X par :

.

Cette définition dépend de l'homéomorphisme f et s'interprète comme la distance maximale entre les n premiers termes des orbites respectives de x et de y sous f. Donc, est le nombre maximal de points de X restant séparés d'une distance au moins r durant les n premières itérations de f.

L'entropie topologique de f est définie formellement par :

A priori, cette définition dépend explicitement de l'utilisation d'une distance arbitraire sur l'espace X. Il s'avère a posteriori que cette quantité dépend uniquement de la topologie de X (de la donnée des ouverts de X).

Pistage

Le pistage consiste à approcher les premiers termes d'une orbite de f par une suite de points à une distance près. En pratique, il est intéressant de pister des orbites par des pseudo-orbites. Le nombre minimal d'orbites de f qu'il faut utiliser pour pouvoir pister toutes les orbites de f est . Des inégalités :

.

Il vient :

Ainsi, pour des petits r, de manière informelle, est en ordre de grandeur de l'ordre de .

Indépendance en la distance

On considère et deux distances sur . Soit , on considère .

Si une partie est de -diamètre , alors elle a un -diamètre . Donc, un -recouvrement est aussi un -recouvrement. Comme est compact, on a .

Donc,

En interchangeant et dans la définition de , on a l'inégalité contraire. D'où l'indépendance de en la distance[1].


En conséquence immédiate, on en déduit que si et sont (topologiquement) conjugués, c'est-à-dire tel qu'il existe un homéomorphisme tel que , alors .

En effet, si est une distance sur , alors est une distance sur et on vérifie facilement que . Comme envoie les recouvrements sur sur ceux de en préservant leurs cardinaux, on en déduit que .

Approche topologique de l'entropie topologique

Par compacité de X, pour tout recouvrement ouvert U de X, on peut en extraire des sous-recouvrements finis. Notons N(U) le nombre minimal d'ouverts à sélectionner parmi U pour former un recouvrement de X. Ce nombre N(U) est une fonction décroissante de U : si V est un recouvrement plus fin que U, alors N(V)<N(U).

Pour U et V donnés, on note le recouvrement constitué des intersections des ouverts de U par les ouverts de V. Il est élémentaire de constater :

On construit une suite par récurrence en posant :

La suite est sous-additive en n. Par des résultats mathématiques classiques, le rapport converge. On appelle entropie relative de f par rapport à U la limite :

Définition formelle

Cette entropie relative est décroissante en U. Le supremum peut être lu comme un passage à la limite sur les recouvrements ouverts de X. Ce passage à la limite se formalise mathématiquement par la notion de filtre.

Plus simplement ici, il est possible d'introduire h(f) comme une limite sur une suite d'entropies relatives. Plus précisément, on a :

est une suite de recouvrements de plus en plus fins, qui ont la propriété que, pour tout recouvrement V donné, pour n suffisamment grand, est plus fin que V.

L'introduction d'une distance

Propriétés de l'entropie topologique

  • Pour tout homéomorphisme f d'un espace topologique séparé compact X, l'entropie topologique de fk est k fois l'entropie topologique de f :

Calcul de l'entropie topologique

Théorème de Misiurewicz et Szlenk

Soit une fonction continue. On dit que est monotone par morceaux s'il existe une subdivision finie telle que soit monotone sur chaque et on note le plus petit entier qui possède cette propriété. Alors, les limites suivantes existent et on a :

(composée fois) et est la variation totale de [2].

Application au cas des fonctions tentes : On considère des fonctions tentes est un intervalle compact de , c'est-à-dire des fonctions continues affines par morceaux toutes de même pente en valeur absolue.

Puisque les fonctions sont aussi des tentes de pente , elles sont -lipschitziennes et donc est la longueur de . On en déduit déjà que .

En considérant une subdivision maximale telle que est monotone (même affine de pente ) sur chaque , alors est inclus dans le segment d'extrémités , on en déduit que , d'où

Liens externes

Notes et références

  1. (en) Karen Butt, « An Introduction to Topological Entropy »,
  2. (en) M. Misiurewicz & W. Szlenk, « Entropy of Piecewise Monotone Mappings »,