Emma Adler

Emma Adler
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 76 ans)
ZurichVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalités
Activités
Fratrie
Heinrich Braun
Adolf Braun (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Enfants
Friedrich Adler
Karl Adler (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Parti politique

Emma Adler, née Emma Braun le à Debreczin et morte le à Zurich, est une militante socialiste et féministe, écrivaine et traductrice autrichienne.

Biographie

Militante et mère de famille

Emma Braun naît le à Debreczin, actuellement Debrecen en Hongrie[1],[2], dans une famille riche. Son père est entrepreneur dans les chemins de fer[1]. Elle reçoit une éducation soignée et maîtrise plusieurs langues étrangères, notamment le français, l'anglais et le hongrois[3]. Elle est la sœur des deux sociaux-démocrates allemands Heinrich Braun et Adolf Braun[1].

Emma et Victor Adler à leur mariage.

Elle se marie en 1878 avec Victor Adler[1],[2], juif comme elle[4]. Intellectuels sociaux-démocrates, ils s'identifient tous deux au mouvement des Lumières[5]. Emma et Victor Adler reçoivent régulièrement dans leur maison à Vienne. Leur cercle d'amis comprend entre autres le musicien Gustav Mahler, le dramaturge Hermann Bahr et l'ancien communard Léo Frankel. À partir de la seconde moitié des années 1880, le couple se consacre, grâce à la fortune héritée du père de Victor Adler, à la construction du mouvement social-démocrate autrichien[6]. Victor Adler fonde en 1889 le Sozialdemokratische Arbeiterpartei, Parti ouvrier social-démocrate, qui prend ensuite le nom de Sozialdemokratische Partei Österreichs, Parti social-démocrate d'Autriche. Elle partage les idées de son mari et milite au sein du Parti[2].

Emma Adler donne des cours de langue dans les associations d'éducation ouvrière et participe à la rédaction du journal du parti social-démocrate d'Autriche, Arbeiter-Zeitung[7],[2]. Elle déclare elle-même préférer travailler avec des femmes et des jeunes, parce qu'elle pense que les hommes ne considèrent pas les femmes comme leurs égales[7]. Le mode de vie d'Emma et Victor Adler s'éloigne de plus en plus du monde bourgeois auquel ils appartenaient avant leur engagement politique, leur situation financière se dégrade et Emma tombe malade nerveusement. Ils sont alors aidés par Friedrich Engels et surtout par le frère d'Emma, Heinrich Braun, qui leur verse de l'argent[8]. Contrairement à son mari, Emma Adler ne se détache pas de la foi juive, à laquelle elle reste attachée. Elle accepte difficilement la conversion de Victor Adler et de leurs enfants au protestantisme[9].

Emma et Victor Adler ont trois enfants. Leur fils aîné est l'homme politique Friedrich Adler[2]. Leur fille Maria, née en 1880, est internée à 17 ans à l'hôpital psychiatrique de Steinhof à Vienne, après avoir tenté d'étrangler son père[5],[1]. Elle y meurt vers 1930[2]. Leur fils cadet, Karl, né en 1885, ne réussit pas dans la carrière d'écrivain[1] et dépend toute sa vie de l'aide financière de sa famille. Leur père, Victor Adler, pourtant médecin et formé à la psychiatrie à Paris auprès de Charcot, ne semble guère comprendre ses enfants[5],[10].

Femme de lettres

Page de titre de Die berühmten Frauen der französischen Revolution, 1906.

Emma Adler écrit plusieurs livres, dont le plus connu est consacré, en 1906, aux femmes de la Révolution française[11]. C'est un ouvrage pionnier[12],[3]. En autant de petits chapitres biographiques, Emma Adler y décrit successivement neuf femmes : Françoise Legros, Théroigne de Méricourt, Charlotte Corday, Madame Roland, Lucile Desmoulins, Olympe de Gouges, Rosa Lacombe, Mdame Bouquey, Thérésa Tallien et la marquise de Condorcet. Selon l'autrice, elles sont des héroïnes qui ont combattu pour les droits des femmes ou des victimes[13]. Elle décrit des bonnes épouses et des bonnes mères qui cherchent à être les égales de leur maris[14].

Par ce livre, Emma Adler donne une importance aux références féminines au sein du mouvement social-démocrate autrichien. Son ouvrage y est massivement diffusé et lu et beaucoup de militantes vont ainsi s'inspirer de la figure d'Olympe de Gouges[15], présentée par Emma Adler comme une femme libre qui veut participer à la vie politique. Elle s'attache aussi au personnage de Théroigne de Méricourt, qui, comme elle, a dû être internée pour maladie mentale[16]. Pour Emma Adler, le militantisme féministe compte plus que la défense de la classe ouvrière[10].

Quand elle publie ce livre, le parti social-démocrate autrichien, qui réclamait le suffrage universel pour les hommes et les femmes, vient d'obtenir uniquement le suffrage universel masculin[10],[17]. Ce livre est une forme de réponse à ce semi-échec politique[17]. Il suscite une réaction négative de la part du mari d'Emma, Victor Adler, qui craint d'avoir des ennuis politiques[18],[10]. Son parti a obtenu le suffrage universel masculin parce qu'il a renoncé au droit de vote des femmes[10].

En 1907, elle publie une biographie de Jane Welsh Carlyle[2], où elle dépeint le mariage malheureux de cette dernière avec l'écrivain Thomas Carlyle[9]. Elle traduit des livres à partir du français, comme le roman des frères Goncourt Germinie Lacerteux[9],[11]. Elle publie aussi des traductions de l'anglais, de l'italien et du russe, dont un drame d'Ivan Tourgueniev. Elle est également une spécialiste de Goethe, qu'elle admire[2].

Après la mort de son mari le , la veille de la proclamation de la République d'Autriche allemande qu'il appelait de ses vœux[19],[2], Emma Adler sombre dans la dépression et fait deux tentatives de suicide. Elle passe les dernières années de sa vie auprès de son fils Friedrich. Elle écrit une biographie de son mari et son autobiographie. Elle y manifeste des regrets face à leur engagement et au sacrifice de leur vie bourgeoise[19]. Elle meurt le à Zurich[1],[2]. Dans son testament, rédigé en , elle écrit :

« En tant que veuve de Victor Adler, il m'est permis d'exprimer la crainte que l'on ne me glorifie après ma mort et que l'on ne m’attribue des vertus et des talents que je n'ai jamais possédés. Mais de mon vivant déjà, j'ai toujours détesté les phrases creuses[2]. »

Œuvres

  • (de) Goethe und Frau v. Stein, Leipzig et Vienne, Goepsich und Deutsche, , 16 p. (lire en ligne).
  • (de) Feierabend. Ein Buch für die Jugend, Vienne, Ignaz Brand, .
  • (de) Die beruehmten Frauen der französischen Revolution, 1789-1795, Vienne, C. W. Stern, , 323 p. (lire en ligne).
  • (de) Neues Buch der Jugend, Vienne, Wiener Volksbuchhandlung und Ignaz Brand, .
  • (de) Kochschule, Vienne, Wiener Volksbuchhandlung und Ignaz Brand, .

Références

  1. a b c d e f et g Pasteur 1998, p. 457.
  2. a b c d e f g h i j et k « ADLER Emma née BRAUN Emma », dans Le Maitron. Dictionnaire biographique, Maitron/Editions de l'Atelier, (lire en ligne).
  3. a et b Pasteur 1998, p. 459.
  4. Böck 1996, p. 90.
  5. a b et c Böck 1996, p. 91.
  6. Böck 1996, p. 92.
  7. a et b Böck 1996, p. 93.
  8. Böck 1996, p. 94.
  9. a b et c Böck 1996, p. 95.
  10. a b c d et e Pasteur 1998, p. 463.
  11. a et b David-de Palacio 2009, p. 142.
  12. (de) Edith Saurer, « Frauengeschichte in Österreich. Eine fast kritische Bestandsaufnahme », L'Homme. Zeitschrift für feministische Geschichtswissenschaft, vol. 4, no 2,‎ , p. 37-63 (lire en ligne).
  13. Pasteur 1998, p. 460.
  14. Pasteur 1998, p. 461.
  15. Pasteur 1998, p. 458.
  16. Pasteur 1998, p. 462.
  17. a et b Jean-Numa Ducange, « Révolutionnaires d’hier et d’aujourd’hui : l’ambiguïté des références à la Révolution française chez les féministes germanophones (1889-1914) », dans Patrick Farges et Anne-Marie Saint-Gille (dir.), Le premier féminisme allemand (1848-1933) : Un mouvement social de dimension internationale, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Mondes germaniques », , 176 p. (ISBN 978-2-7574-2747-7, DOI 10.4000/books.septentrion.62587, lire en ligne), p. 91–99.
  18. Böck 1996, p. 93-94.
  19. a et b Böck 1996, p. 96.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • « ADLER Emma née BRAUN Emma », dans Le Maitron. Dictionnaire biographique, Maitron/Editions de l'Atelier, (lire en ligne).
  • (de) Susanne Böck, « Entfernung von der bürgerlichen Welt. Emma und Victor Adler », L'Homme. Europäische Zeitschrift für feministische Geschichtswissenschaft, no 7,‎ , p. 90-96 (lire en ligne).
  • Marie-France David-de Palacio, « Germinie Lacerteux en allemand : une banalité « extraordinaire, tragique et sublime » », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, vol. 1, no 16,‎ , p. 141–151 (DOI 10.3406/cejdg.2009.1023, lire en ligne, consulté le ).
  • Jean-Numa Ducange, La Révolution française et la social-démocratie : Transmissions et usages politiques de l’histoire en Allemagne et Autriche 1889-1934, Rennes, Presses universitaires de Rennes, , 400 p. (ISBN 978-2-7535-1736-3 et 978-2-7535-6852-5, DOI 10.4000/books.pur.126111, lire en ligne).
  • Paul Pasteur, « La mise en scène des femmes de la Révolution française par Emma Adler », dans Christine Le Bozec et Éric Wauters (dir.), Pour la Révolution française : En hommage à Claude Mazauric, Rouen, Publications de l’Université de Rouen (no 241), , p. 457-464.
  • Paul Pasteur, « Ouvrière et femme : La tranquille assurance historiographique du mouvement ouvrier féminin autrichien », dans Anne-Marie Sohn et Françoise Thelamon (dir.), L'Histoire sans les femmes est-elle possible ?, Paris, Perrin, (DOI 10.3917/perri.sohn.1998.01.0051, lire en ligne), p. 51–63.

Liens externes