Le duché fut d'abord gouverné par la dynastie des Sanudi (XIIIe et XIVe siècles) puis par celle des Crispi (XVe et XVIe siècles). En 1537, l'attaque par Khayr ad-Din Barberousse soumit le duché à la suzeraineté ottomane faisant du duc un tributaire du Sultan. En 1566, le dernier duc italien, fonctionnaire ottoman, fut remplacé par Sélim II qui nomma Joseph Nassi. Celui-ci géra le duché jusqu'en 1579 ; après une période intermédiaire où le titre fut attribué à divers personnages, le duché fut dissous vers 1617.
La conquête
En 1204, la IVe croisade s'empara de Constantinople, et les vainqueurs se partagèrent l'Empire byzantin. La souveraineté nominale sur les Cyclades échut aux Croisés, sauf Andros et Tinos qui furent (théoriquement) attribuées, la première à Venise, la seconde à l'empereur latin de Constantinople. Les îles ne purent cependant être occupées rapidement ; après quelques années, un accord fut finalement conclu entre l'Empereur latin et Venise, autorisant des citoyens vénitiens agissant à titre privé à les conquérir, à condition d'en faire hommage à l'Empereur[1],[2]. Cette nouvelle suscita des vocations. De nombreux aventuriers armèrent des flottes à leurs frais, dont un riche Vénitien résidant à Constantinople, Marco Sanudo, neveu du dogeEnrico Dandolo. Il s'empara sans coup férir de Naxos en 1205 et en 1207 il contrôlait ainsi la plupart des Cyclades, directement ou par l'intermédiaire de vassaux (dont le seul à être clairement attesté est Marino Dandolo, pour Andros). D'autres seigneuries furent créées durant la même période en mer Égée : les frères Andrea et Geremia Ghisi devinrent ainsi maîtres de Tinos, Mykonos et des Sporades[3] mais ne dépendaient pas du duché[4]. L'histoire particulière de chaque île est mal connue pour le XIIIe siècle, et certaines dynasties (Barozzi, Querini) que l'on pensait s'être installées dès la fondation du duché semblent n'avoir acquis leurs possessions qu'à partir du XIVe siècle[5].
Marco Sanudo fonda le duché de Naxos avec les principales îles comme Naxos, Paros, Antiparos, Milos, Siphnos, Kythnos et Syros[3]. Les ducs de Naxos devinrent vassaux de l'empereur latin de Constantinople en 1210. Les Latins imposèrent le système féodal occidental sur les îles qu'ils dominaient. Venise ne profitait donc plus directement de cette conquête, cependant la République y avait trouvé avantage : l'Archipel avait été débarrassé de ses pirates, mais aussi des Génois et la route commerciale vers Constantinople était sécurisée[3]. Les habitats redescendirent vers les côtes et y furent fortifiés par les seigneurs latins : Paroikia sur Paros, le port sur Naxos ou Antiparos.
La coutume de la principauté de Morée, les Assises de Romanie devint rapidement la base de la législation dans les îles[6]. En effet, à partir de 1248, le Duc de Naxos devint le vassal de Guillaume II de Villehardouin et donc à partir de 1278 de Charles Ier de Sicile[7]. Le système féodal fut appliqué même pour les plus petites propriétés, ce qui eut pour effet de créer une importante « élite locale ». Les « nobles francs» reproduisirent la vie seigneuriale qu'ils avaient laissée derrière eux : ils se construisirent des « châteaux » où ils entretinrent une cour. Aux liens de vassalité s'ajoutèrent ceux du mariage. Les fiefs circulèrent et se fragmentèrent au fil des dots et des héritages. Ainsi, en 1350, quinze seigneurs dont onze Michieli se partageaient Kéa (120 km2 et quelques dizaines de familles alors)[8].
Le système féodal
Cependant, ce système féodal « franc » (comme on appelait tout ce qui venait d'Occident à l'époque) se surimposa au système administratif byzantin, conservé par les nouveaux seigneurs : les taxes et corvées féodales étaient appliquées aux divisions administratives byzantines et l'exploitation des fiefs continuait selon les techniques byzantines[6]. La loi byzantine resta aussi en vigueur pour les mariages et les propriétés pour la population locale d'origine grecque[7]. Il en était de même pour la religion : si la hiérarchie catholique dominait, la hiérarchie orthodoxe subsistait et parfois, lorsque le curé catholique n'était pas disponible, la messe était célébrée par le prêtre orthodoxe[6]. Les deux cultures se mêlèrent étroitement. On peut le voir dans les motifs des broderies populaires dans les Cyclades : les influences italiennes et vénitiennes y sont très présentes[9].
Les menaces extérieures
Au XIIIe siècle, la tentative de reconquête de l'Égée par Alexis Philanthropénos pour Michel VIII Paléologue, l'Empereur byzantin échoua devant Paros et Naxos[7],[10], mais certaines îles avaient été conquises et gardées par les Byzantins entre 1263 et 1278[11],[12]. En 1292, Roger de Lauria ravagea Andros, Tinos, Mykonos et Kythnos[11], peut-être une conséquence de la guerre qui faisait rage entre Venise et Gênes[12]. Au début du XIVe siècle, les Catalans firent leur apparition dans les îles, peu avant les Turcs[12]. Le déclin des Seldjoukides laissa en effet le champ libre en Asie mineure à un certain nombre de principautés turkmènes dont les plus proches de la mer lancèrent à partir de 1330 des razzias dans l'archipel où les îles furent régulièrement pillées et leurs habitants emmenés en esclavage[12]. Les Cyclades connurent alors un déclin démographique. Même lorsque les Ottomans commencèrent à s'imposer et à unifier l'Anatolie, les expéditions se poursuivirent, jusqu'au milieu du XVe siècle, en partie à cause du conflit entre Venise et les Ottomans[12].
Une nouvelle dynastie
En 1383 la dynastie des Sanudo fut renversée et céda la place à celle des Crispo. La conquête ottomane de la Grèce en fit le dernier État latin en Orient. En 1418, le duc reconnut comme suzeraine la seigneurie de Venise, qui dirigea de facto le duché.
Le duché de Naxos passa temporairement sous protection vénitienne en 1499-1500 et 1511-1517[7].
En 1566 le dernier duc Giacomo IV Crispo fut déposé par le Sultan Sélim II qui installa à sa place un marrane portugais, Joseph Nassi. À la mort de ce dernier en 1579, divers prétendants se disputèrent sa succession, dont l'avant-dernier duc Giacomo IV Crispo. Finalement, le duché fut placé sous la dépendance du capitan pacha, qui nomma divers « bey-ducs » ayant un statut intermédiaire à la fois de gouverneur ottoman et de fermier des impôts, mais continuant à porter le titre de duc et à jouer un rôle « féodal » dans la juridiction du duché où les Assises de Romanie étaient toujours en vigueur. Ce statut fut supprimé en 1617[13].
Quelques îles du duché restèrent dirigées pour quelques décennies par des seigneurs latins, Tinos demeurant vénitienne jusqu'au début du XVIIIe siècle.
Gian Giacomo Crispo (1447-1453) Fils pas encore né à la mort du précédent. Régence assurée par les oncles du précédent : Niccolo Crispo puis Guglielmo Crispo
à partir de 1580, pendant moins de 3 ans : Süleyman (un chrétien converti), qui résida à Naxos
Konstantinos Kandakouzenis, un phanariote qui ne résida pas sur place et abusa de sa position
Après 1598 : Ioannis Choniatis, un Grec d'Athènes, de façon intermittente avec un autre personnage
en 1600 : Carlo Cicala, un Sicilien catholique proche de l'Espagne, frère du capitan pacha Sinan Cicala. N'ayant pu obtenir l'éloignement des fonctionnaires ottomans locaux, et en butte à l'opposition des Vénitiens, alors ennemis des Espagnols, il ne prit pas effectivement possession du duché, qui fut à nouveau affermé à Choniatis
de 1616 à 1617 : Gasparo Gratiani, un aventurier croate ayant participé aux négociations entre l'Empire ottoman et l'Autriche.
↑Raymond-Joseph Loenertz, Marino Dandolo, seigneur d'Andros et son conflit avec l'évêque Jean (1225-1238), p. 400
↑ ab et cJean Longnon, L'Empire latin de Constantinople., p.91
↑D. Jacoby, La féodalité en Grèce médiévale. Les « Assises de Romanie », sources, application et diffusion (1971), p 237
↑Louise Buenger Robbert, Venice and the Crusades in A History of the Crusades vol.V p 432, d'après les travaux de Silvano Borsari et de Raymond-Joseph Loenertz
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
(en) Articles « Naxos » et « Paros » in Oxford Dictionary of Byzantium., Oxford University Press, 1991. Il n'y a pas de références pour « Cyclades » ou pour les autres îles.
(en) Charles A. Frazee, The Island Princes of Greece. The Dukes of the Archipelago, Amsterdam, Adolf M. Hakkert, (ISBN9025609481)
(en) Paul Hetherington, The Greek Islands. Guide to the Byzantine and Medieval Buildings and their Art, Londres, Quiller Press, (ISBN1-899163-68-9)
Jean Longnon, L'Empire latin de Constantinople et la Principauté de Morée, Payot,
(en) George C. Miles, « Byzantium and the Arabs: Relations in Crete and the Aegean Area », Dumbarton Oaks Papers, vol. 18,
B. J. Slot, Archipelagus turbatus : les Cyclades entre colonisation latine et occupation ottomane c. 1500-1718, Istanbul, Nederlands Historisch-Archaeologisch Instituut te Istanbul, (ISBN9062580513)
Stéphane Yerasimos, « Introduction » à J. Pitton de Tournefort Voyage d'un botaniste., Maspero, 1982. (ISBN2707113247)
Liens externes
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