Dans la solitude des champs de coton est une pièce de théâtre écrite par Bernard-Marie Koltès en 1985. Longtemps qualifiée de « théâtre littéraire », la pièce apparaît davantage comme une confirmation du style de Koltès qui procède par enchaînement de longues répliques.
La pièce
L'intrigue
Dans la solitude des champs de coton met en scène un dealer et un client dans une situation de deal. Le dealer sait que le client désire « est dépendant de » quelque chose qu'il (le dealer) peut lui offrir. Il est cependant dépendant lui aussi du désir du client.
« Et la seule frontière qui existe est celle entre l'acheteur et le vendeur, mais incertaine, tous deux possédant le désir et l'objet du désir, à la fois creux et saillie, avec moins d'injustice encore qu'il y a à être mâle ou femelle parmi les hommes ou les animaux. »
D'où l'analyse de Koltès sur les rapports commerciaux et le marché en général. Plus encore, le rapport humain en général est réduit à un marché entre deux protagonistes. Koltès multiplie les couples d'opposition (dealer/client, homme/animal, mâle/femelle, blanc/noir…). À l'intérieur de ces couples, un seul rapport est possible, le rapport marchand :
« Rencontre de l’offre et de la demande, du marchand et du client, du licite et de l’illicite, de la lumière et de l’obscurité, du noir et du blanc. Alors le dialogue va s’engager parce qu’on se parle ou on se tue… […][1] »
Dans la solitude des champs de coton se passerait avant les coups, avant le véritable conflit. Le théâtre classique a souvent montré le conflit jusqu'à sa résolution, son « dénouement ». Koltès nous donnerait à voir ce qui se déroule juste avant le conflit.
« Le premier acte de l’hostilité, juste avant le coup, c’est la diplomatie, qui est le commerce du temps. Elle joue l’amour en l’absence de l’amour, le désir par répulsion. Mais c’est comme une forêt en flammes traversée par une rivière : l’eau et le feu se lèchent, mais l’eau est condamnée à noyer le feu, et le feu forcé de volatiliser l’eau. L’échange des mots ne sert qu’à gagner du temps avant l’échange des coups, parce que personne n’aime recevoir de coups et tout le monde aime gagner du temps. Selon la raison, il est des espèces qui ne devraient jamais, dans la solitude, se trouver face à face. Mais notre territoire est trop petit, les hommes trop nombreux, les incompatibilités trop fréquentes, les heures et les lieux obscurs et déserts trop innombrables pour qu’il y ait encore de la place pour la raison. »
— Bernard-Marie Koltès, dans Prologue
La question du conflit apparaît à la fin du texte. Le client demande au dealer : « Alors, quelle arme ? »
Le désir
Chéreau soulignait que le mot qui revient le plus fréquemment dans la pièce est le mot « désir ».
« […] On parle de désir. Désir donc si difficile à nommer, celui de l'un celui de l'autre, désir de l'autre, désir du désir de l'autre… Désir de mort peut-être le seul désir authentique tant les autres sont difficiles à combler. Et le dialogue se fait combat, danse aussi, étreinte probablement…[1] »
Avec Laurent Malet et Patrice Chéreau en , dans le cadre du Festival d'Avignon[4]. Benoît Jacquot réalisa un enregistrement de la pièce pour la télévision, en 1990, enregistrement qui sera ensuite diffusé en vidéo en 1999 [5].