Décébale (en latin : Decebalus, et en roumain : Decebal), auparavant Diurpaneus, est un roi dace ayant régné de 87 à 106.
Largement oubliée jusqu'à la fin du XIXe siècle, la figure de Décébale comme représentant de la civilisation dace est progressivement mise en avant à partir du règne du roi Carol Ier, à l'image de celle de Vercingétorix en France à la même époque. Il incarne depuis lors une figure mythique et nationale de tout premier ordre pour la Roumanie, aussi bien monarchique que communiste. Il devient, pour les protochronistes actuels tel Napoleon Săvescu, très prolifiques sur Internet et influents auprès des auteurs de manuels scolaires, le « premier chef des Roumains dressés contre toute oppression étrangère ».
Après la mort du grand roi Burebista en 44 av. J.-C., la Dacie est partagée entre quatre ou cinq petits royaumes. Cette situation se poursuit jusqu'à ce qu'un certain Diurpaneus tente de consolider le cœur de la Dacie autour de Sarmizégétuse, qui se trouve dans l'actuel județ de Hunedoara en Roumanie. Il réorganise l'armée dace, et en 85, les Daces commencent à attaquer la province romaine fortifiée de Mésie, au sud du Danube.
En 87, Diurpaneus parvient à réunir les différentes parties de la Dacie en faisant alliance avec Parorus, prince des Parthes, ainsi qu'avec les Sarmates et les Chattes[1].
En 88, Lucius Tettius Iulianus commande une autre armée romaine dans une campagne contre les Daces, mais il est repoussé, et comme les révoltes des Germains sur le Rhin nécessitent une intervention militaire dans l'ouest de l'Empire, les Romains choisissent d'acheter la paix sur le Danube en payant de fortes sommes sous forme de tribut aux Daces.
Cette situation humiliante pour les Romains dure jusqu'à l'accession de Trajan au trône de l'Empire romain en 98. La paix restaurée sur le Rhin, Trajan engage une série de campagnes militaires, qui étendront l'Empire romain jusqu'à ses limites maximales.
En l'an 100, Trajan lève une armée qui passe l'hiver en Mésie et il franchit le Danube au printemps de l'an 101. Selon les chroniques moldaves, plus tardives et dont on ne connaît pas les sources, Trajan ne passe pas tout de suite le Danube et c'est Décébale qui vient à sa rencontre en Mésie[1]. Décébale est battu lors d'une nouvelle bataille de Tapae, mais conserve son trône en changeant de statut : il devient roi « client » et sous protectorat romain. Pourtant, trois ans plus tard, Décébale brise le traité et attaque les garnisons romaines en Dacie, forçant les Romains à envoyer de nouveaux renforts.
Après le long siège(en) de Sarmizegetusa en 106, et de multiples combats, les Romains conquièrent finalement la Dacie. Selon Dion Cassius (68, 14, 3), Décébale, son armée battue, se suicide pour ne pas finir esclave ou, comme Vercingétorix à Rome, dans un cachot. Il est possible, selon Nicolae Iorga, qu'il y ait été forcé par ses propres vice-rois (les chefs des diverses tribus), pour les avoir menés à la défaite et dans le contexte d'une reddition et de négociations en cours, d'autant que la monarchie n'était pas unitaire chez les Daces et que Diurpaneus/Décébale, comme son prédécesseur Burebista, ne les avait coalisés qu'à grand-peine et souvent en leur forçant la main.
L'intérêt des Daces pour la Mésie (qui avait appartenu, avant la conquête romaine, au royaume de Burebista), consistait surtout à s'emparer des arsenaux et des bateaux romains ; celui des Romains pour la Dacie s'explique surtout par les mines de sel et la présence de riches filons d'or dans les montagnes d'Alburnus maior et d'Ampelum.
Lors de la seconde campagne de Trajan, c'est l'architecte Apollodore de Damas qui dirigea aux Portes de Fer la construction d'un pont sur le Danube, pour permettre aux légions de traverser le fleuve à pied sec. Trois monuments commémorant la conquête de la Dacie par les Romains existent encore :
En outre, on voit sur l'arc de Constantin, à Rome, des statues de Tarabostes (aristocrates daces) prisonniers, probablement prélevées sur le forum de Trajan.
Sculptée en 1994 dans la roche, la tête de Décébale
Notes et références
↑ a et bMihail Kogălniceanu, Histoire de la Valachie, de la Moldavie et des Valaques transdanubiens, 1837.
↑« Décébale » signifie « aussi fort que dix (hommes) » (cf. sanskritdaśabala); Décé- dérive du proto-indo-européen*dekm- (« dix ») et -bale de PIE *bel-, « fort ». Cf. proto-albanais*dek(a)t-, de PIE *dekm- (Demiraj, 1999).
Alexandre Simon Stefan, Les guerres daciques de Domitien et de Trajan : architecture militaire, topographie, images et histoire, École Française de Rome, , 811 p. (ISBN978-2-7283-0638-1)
(de) Karl Strobel, Untersuchungen zu den Dakerkriegen Trajans. Studien zur Geschichte des mittleren und unteren Donauraumes in der Hohen Kaiserzeit, Bonn, Habelt, , 284 p. (ISBN978-3-7749-2021-7)