Les corvidés (Corvidae) constituent une famille de passereaux comprenant 25 genres et 130 espèces de corbeaux, corneilles, pies, témias et geais[1]. C'est dans cette famille que se trouvent les plus gros passereaux. Les corvidés se reconnaissent par leur bec et leurs pattes robustes ainsi qu'à la présence de plumes recouvrant le dessus de leur bec, parfois jusqu'aux narines. Leur plumage est généralement noir avec des nuances de gris et de blanc. Toutefois, nous retrouvons des individus au plumage plus coloré tels que les Geais des chênes[2]. Il s'agit d'une famille cosmopolite, elle est présente sur toute la surface terrestre et occupe tous les habitats possibles exceptés l'Arctique et l'Amérique du sud.
Position systématique
Actuellement, les Corvidae sont placés au sein de l'ordre des Passeriformes entre les familles des Oriolidae et des Regulidae.
Étymologie
Le terme vient du latin corvus[3] « corbeau », qui repose sur une base indo-européennekor ou ker (onomatopée se retrouvant dans le croassementcroâ et le nom anglais de crow qui désigne la corneille). Cette base « a donné également corax et cornix… Avant le XIIe siècle, on trouve le terme « corp » (pluriel : « cors »), puis « corbiaus ». Cornix, corax et corone[4], corvus (et donc « corneille ») sont des mots bâtis sur une racine onomatopéique qui fait référence aux cris rauques des Corvidés[5] ».
La forme recourbée du bec des corbeaux explique que les noms de cet oiseau ont pris divers sens métaphoriques pour désigner des objets (la couronne, le corbeau et l'encorbellement en architecture, le coracoïde en anatomie, le bec de corbin et le bec de corbeau en outillage) ou ont servi à former le nom de cormoran[6].
Biologie
Alimentation
Les corvidés sont des opportunistesomnivores : leur régime alimentaire se compose essentiellement de baies, de fruits, de graines, d'invertébrés glanés au sol (insectes, lombrics, gastéropodes…), et peut être complété par des petits vertébrés (lézards, amphibiens, œufs et oisillons, petits mammifères, charognes…)[7]. Toutefois, certaines espèces se sont particulièrement bien adaptées à l'urbanisation et dépendent maintenant des ressources alimentaires d'origine anthropique. L'augmentation des sources de nourritures fournies par l'homme contribue à l'augmentation de certaines populations anthropophiles qui profitent des déchets produits par les humains, des productions agricoles. C'est le cas, par exemple, de la corneille d'Amérique, du grand corbeau ainsi que du geai de Steller. Ces espèces ont la capacité de se nourrir de pommes de terre, de spaghettis ou encore de sandwichs[8].
Durant l'hivernage, les corvidés forment de grands regroupements pour chercher de la nourriture. Ils peuvent manger des ravageurs agricoles, certains vers, sauterelles et prédatent d'autres oiseaux.
Reproduction
En général, ce sont des espèces territoriales, ils protègent leur territoire tout au long de l’année ou alors seulement pendant la saison de reproduction. Les couples formés sont durables dans le temps, voire à vie chez certaines espèces. Les nids sont construits par les couples, ils sont assez grands, généralement dans les arbres ou sur les rebords de bâtiments. Le mâle nourrira la femelle durant l’incubation des œufs. Ceux-ci sont généralement pondus au nombre de 4 à 7 et sont souvent de couleur verdâtre avec des taches brunes.
Les corvidés procurent des soins parentaux aux juvéniles. Ils pratiquent la reproduction coopérative, c’est-à-dire que les parents sont aidés avec leur progéniture. Il s’agit généralement d’individus parents comme les jeunes des années précédentes, mais aussi parfois par des adultes non apparentés.
Organisation sociale
Certains corvidés forment des groupes solides ayant une hiérarchie sociale assez prononcée. C'est le cas des choucas, qui, ont une très forte hiérarchie et peuvent devenir coloniaux lors des périodes de reproduction. Certains corvidés se perchent sur des dortoirs pouvant abriter plusieurs milliers d'individus en un seul endroit. Les choucas sont connus pour être des nicheurs communautaires formant de très grands dortoirs[9].
Konrad Lorenz, un des fondateurs de l'éthologie, étudie l'intelligence du choucas des tours et du corbeau freux dans un recueil d'articles intitulé « Essais sur le comportement animal et humain » et publié en 1965.
Les corvidés sont connus pour leurs capacités cognitives, dans le domaine de la cognition physique (utilisation d'outils par le Corbeau calédonien et la Corneille d'Hawaï[12], faculté de se souvenir de l'emplacement de leurs caches alimentaires ou de celles d'autres oiseaux[13], compréhension de concept[14]) et de la cognition sociale[15], comme le montrent leurs résultats aux tests de cognition(en). Leurs capacités cognitives remarquables rendent caduque l'expression péjorative « cervelle d'oiseau ».
Les corvidés comptent (avec les perroquets) parmi les oiseaux qui ont produit les meilleurs résultats en termes d'intelligence. Ces oiseaux ont des comportements sociaux développés et ont une hiérarchie au sein du groupe. Nombre d'entre eux jouent par ailleurs un rôle important dans les écosystèmes en tant que petits charognards.
Leur cerveau est petit en taille absolue et ne possède pas les structures qui, chez les mammifères, sont associées aux processus cognitifs supérieurs. Mais il possède une forte densité de neurones élevée (deux à quatre fois plus qu'un mammifère non primate de taille semblable)[16] et une taille relative élevée (quotient d'encéphalisation QE de 2,5, comme le chimpanzé)[17].
Plusieurs études révèlent que certaines espèces de corvidés ont des performances cognitives similaires aux macaques et aux capucins, voire aux grands singes. Elles méritent d'être considérées, selon le chercheur en biologie cognitive(en) Nathan Emery, comme des « singes à plumes », et expliquent en partie qu'ils bénéficient d'un discret retour en grâce[18].
(en) Luiz dos Anjos, « Family Corvidae (Crows) », dans Josep del Hoyo, Andrew Elliott, David Christie (dir.), Handbook of the Birds of the World, vol. 14: Bush-shrikes to Old World Sparrows, Barcelone, Lynx Edicions, (ISBN978-84-96553-50-7), p. 494-640
(en) Nicola S. Clayton et Nathan J. Emery, « The social life of corvids », Current Biology, vol. 17, no 16, , R652–R656 (DOI10.1016/j.cub.2007.05.070)
(en) Derek Goodwind, Crows of the World, Londres, British Museum (Natural History), , 2e éd. (1re éd. 1976) (ISBN0-565-00979-6)
S. Madge et H. Burn, Corbeaux et Geais. Guide des Corbeaux, Geais et Pies du monde entier. Vigot, Paris, 1996, 184 p.
(en) Claudia A.F. Wascher, « Corvids », dans J. Vonk, T.K. Shackelford (éd.), Encyclopedia of Animal Cognition and Behavior, Springer, (DOI10.1007/978-3-319-47829-6_1799-1)
Notes et références
↑Les espèces représentées en France métropolitaine sont : le corbeau freux, la corneille noire, le choucas des tours, le grand corbeau, la corneille mantelée, le cassenoix moucheté, le chocard à bec jaune, le crave à bec rouge, le geai des chênes et la pie bavarde. Cf Albert Chappellier, Jacques Giban, Michel Cuisin, Les corbeaux de France et la lutte contre les corbeaux nuisible, Société de Zoologie Agricole, , p. 6.
↑Le nom grec de la Corneille noirekorônê a pris divers sens métaphoriques pour désigner divers objets recourbés comme son bec, parmi lesquels la couronne.
↑Pierre Cabard, L'étymologie des noms d'oiseaux, Delachaux et Niestlé, (lire en ligne), p. 409.
↑John M. Marzluff et Erik Neatherlin, « Corvid response to human settlements and campgrounds: Causes, consequences, and challenges for conservation », Biological Conservation, vol. 130, no 2, , p. 301–314 (ISSN0006-3207, DOI10.1016/j.biocon.2005.12.026, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Simon Verhulst et H. Martijn Salomons, « Why fight? Socially dominant jackdaws, Corvus monedula, have low fitness », Animal Behaviour, vol. 68, no 4, , p. 777–783 (DOI10.1016/j.anbehav.2003.12.020, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Nicola S. Clayton et Nathan J. Emery, « The social life of corvids », Current Biology, vol. 17, no 16, , R652–R656 (DOI10.1016/j.cub.2007.05.070)
↑Selon cette fable, une corneille assoiffée découvre une cruche profonde dans laquelle l'eau a un niveau trop bas pour qu'elle puisse l’atteindre. Elle essaye en vain de la renverser ou de la briser avec son bec puis réussit à boire en jetant des cailloux pour faire monter l'eau jusqu'au bord.
↑(en) John Reilly, The Ascent of Birds. How Modern Science is Revealing Their Story, Pelagic Publishing, , p. 59.
↑(en) Selvino R de Kort, Sabine Tebbich, J.M. Dally, Nathan J Emery, « The comparative cognition of caching », dans Edward A. Wasserman, Thomas R. Zentall, Comparative cognition: Experimental explorations of animal intelligence, Oxford, Oxford University Press, , p. 602–618
↑(en) Sarah A. Jelbert, Alex H. Taylor, Lucy G. Cheke, Nicola S. Clayton, Russell D. Gray, « Using the Aesop's Fable Paradigm to Investigate Causal Understanding of Water Displacement by New Caledonian Crows », Anim Cogn, vol. 9, no 3, , e92895 (DOI10.1371/journal.pone.0092895).
↑(en) Christopher D. Frith, Nathan Emery, Nicola Clayton, Social Intelligence. From Brain to Culture, Oxford University Press, , p. 34-35.
↑(en) Seweryn Olkowicz, Martin Kocourek, Radek K. Lučan & Pavel Němec, « Birds have primate-like numbers of neurons in the forebrain », PNAS, vol. 113, no 26, , p. 7255-7260 (DOI10.1073/pnas.1517131113).