La Compagnie internationale pour l'informatique (CII, sigle prononcé « cé deux z'i ») est une société privée française créée en décembre 1966, dans le cadre du plan Calcul, lancé par le gouvernement du général de Gaulle. Absorbée par Honeywell-Bull en 1975, elle devint partie de CII Honeywell-Bull, rebaptisé Bull en 1982.
Histoire de la CII
Le contexte à la création
Contexte commercial
La CII a une double mission : l'informatique scientifique et l'informatique de gestion, deux domaines parfois très divergents, alors tous deux dominés par deux grands constructeurs d'ordinateurs :
Le géant mondial de l'informatique IBM qui se désintéresse cependant des supercalculateurs. Il préfère accroître encore son emprise sur l'informatique de gestion. Son grand systèmeIBM 360 accroît sa part du marché mondial à partir de 1966. Le prédécesseur, l'IBM 1401, a déjà préparé le terrain. En France, par exemple, il a dominé l'ordinateur Gamma 60 de Bull, pénalisé par des retards dans le développement du système d'exploitation[4], c'est l'Affaire Bull[5]. Ployant sous une dette multipliée par six au début des années 1960[6], Bull affiche 205,7 millions de francs de pertes en deux ans[7] en 1964 et alignera au total six années de pertes[6]. Le premier constructeur français et européen, exsangue, n'a plus les moyens d'investir.
Face à IBM, à Bull-GE et à Control Data, l'État français cherche à développer une capacité technologique française. En complément, il crée l'INRIA et le Comité de recherche en informatique, qui ont pour vocation, entre autres, d'aider la CII sur le plan de la recherche.
Contexte militaire et nucléaire
Dans le domaine militaire, la CII doit livrer des calculateurs pour le char Pluton[8], qui sera livré en 1974, et le sous-marin nucléaire français, Le Redoutable, qui sera livré en 1971[8]. L'État fixe à la CII un calendrier de livraison de deux ordinateurs militaires. En 1969, lorsque la France quitte le commandement militaire de l'OTAN, celui-ci cède à la CII ses bâtiments de Louveciennes, dans les Yvelines.
Le gouvernement souhaite aussi accélérer le programme nucléaire français : six réacteurs EDF sont mis en service de 1966 à 1971, date à laquelle le nucléaire fournira 5 % de l'électricité en France[8]. Comme ils produisent en continu, nuit et jour, indépendamment des variations dans la demande d'électricité, ces nouveaux réacteurs bouleversent les équilibres du Réseau de transport d'électricité, ce qui nécessite des calculs décentralisés et centralisés à la fois, en temps-réel, dans tout le réseau électrique. La CII y trouvera son marché le plus stimulant[évasif], dans le domaine de l'informatique distribuée, avec le Mitra 15 et ses fonctionnalités réseau. Les banques, la SNCF, Air France, la SITA, sont aussi en phase d'équipement. Les PTT choisissent des ordinateurs de marques diverses[9].
Le CEA a des gros ordinateurs IBM, mais moins intéressants et rapides que les machines de Control Data. Les scientifiques s'attendent à de nouveaux progrès importants dans la conception des supercalculateurs.
La CII, société privée, a pour actionnaire des industriels privés. En échange de ses subventions, l'État exige qu'ils fusionnent leurs filiales, des petites sociétés françaises, aux produits parfois concurrents, qui ont pour client l'État:
la Compagnie européenne d'automatisme électronique (CAE), filiale commune de la CGE et de CSF, qui a une licence SDS. Elle s'était alliée en 1960 avec Intertechnique et TRW pour fonder la CAE, et passa en 1964 un accord avec la CGE et Intertechnique pour créer la CITEC (Compagnie pour l'Informatique et les Techniques Électroniques de Contrôle), holding qui chapeaute diverses filiales impliquées dans les automatismes[10]. Dès 1963, le gouvernement, désireux de constituer un pôle français de l'informatique, fit appel à la CSF, finalement amenée à se désengager au profit de l'américain General Electric[10] et la CSF sortira ternie de l'affaire;
Les grands actionnaires de ces petites sociétés sont réticents au projet CII :
Les projets de la CII dans l'informatique distribuée et les réseaux concurrencent les propres produits de son actionnaire, la Compagnie générale d'électricité, dans le domaine des télécommunications, vendus à l'administration des PTT avec des marges bénéficiaires élevées. La Compagnie générale d'électricité exige que la CII soit rentable dès ses premières années, malgré les gros développements nécessaires en informatique de calcul.
Thomson-CSF, l'une des vingt premières entreprises françaises, souhaite imposer à la CII les composants, pas toujours adaptés, de sa filiale Sescosem, créée en 1969 par fusion de SESCO (filiale de CSF, déficitaire) et COSEM (filiale de Thomson, positionnée sur le bas de gamme). La CSF a annoncé de lourdes pertes en avril 1967 et fusionné quatre mois après avec Thomson.
Contexte technologique
La CII a été créée au moment d'un bond technologique, celui du recours aux circuits intégrés. Mais elle aura souvent du mal à se fournir aux prix et qualités espérés, faute de fournisseurs français assez disponibles. Ses premiers ordinateurs comportent 90 % de circuits intégrés américains, en particulier ceux de Texas Instruments. En 1972, un « plan électronique professionnelle » vise à moderniser les usines françaises de semi-conducteurs. Trop tardif, il met du temps à porter ses fruits : taux de couverture des besoins nationaux de 117,6 % seulement en 1979 contre 98,5 % en 1970"[11].
Les débuts de la CII
Entre 1962 et 1967, le quasi-monopole d'IBM s'est érodé : sa part de marché mondiale passant de 80% à 50%. Trois nouveaux acteurs plus innovant dans l'informatique de calcul en ont 27,5% en 1967: Rand, NCR, et surtout Control Data de l'Américain Seymour Cray, qui a révolutionné la puissance de calcul[12].
Elaboré très vite en 1966, le Plan Calcul voit la création d'un Institut national de recherche en informatique et en automatique (IRIA), futur Inria et trois sociétés, l'une pour les périphériques, l'autre pour les composants électroniques, par fusion des filiales de Thomson et de CSF[13] et la troisièmé, la CII, par la fusion imposée par l'État à trois de ses fournisseurs privés[13]. En plus des conflits résultant de cette fusion, la CII ne peut compter sur des sociétés de service capables d'écrire un logiciel de système, qui n'existent pas encore, ni sur les universités, qui ne forment presque pas encore d'informaticiens. Des certificats de programmation sont mis en place dans les écoles d'ingénieurs.
La CII récupère les ordinateurs utilisés par ses actionnaires, développés en Californie par l'américain Scientific Data Systems (SDS), encore à technologie DTL dépassée, que la CII remplace par le TTL dans les nouvelles versions de l'Iris 80 à l'occasion d'un contrat spécial du CNET, avec le CS 40, une version TTL de l'Iris 80, mais non compatible à cause de contraintes édictées par les PTT.
Un premier gros ordinateur, appelé « l'Iris 50 en bois », avait été présenté dès le salon de l’informatique Sicob de septembre 1968. C'est encore une maquette d’exposition, équipée de périphériques d’origine américaine[13]. D'abord en partenariat avec le californien SDS puis seule, la CII développe ensuite les premiers ordinateurs commerciaux en circuits intégrés d’Europe[13](séries Iris, Mitra et Unidata).
Pour financer la croissance très rapide des ventes et des effectifs dans l'informatique de calcul, il faut rechercher plus de clients privés dans l'informatique de gestion, moins ambitieuse mais qui rapporte immédiatement, voire les favoriser outrancièrement, au prix de la réputation de l'entreprise. En 1969 par exemple, la CII est venue à l'IRIA, son voisin à Roquencourt, enlever un bloc mémoire de l'Iris 50, afin de le donner à un client privé en difficulté[14].
Conçu par la CII en 1971 par une équipe dirigée par Alice Recoque[15],[16], pour la commande de procédés industriels, le Mitra 15 fut ainsi également utilisé comme nœud de Cyclades (réseau), et comme "frontal" dialoguant avec l’ordinateur central Iris 80[17], en combinant sa puissance de calcul, inspirée par l'américain Seymour Cray et sa société Control Data, à une décentralisation des ressources.
Deux modèles (Mitra 15-20 et Mitra 15-30) furent livrés à partir de 1972, suivis du Mitra 15 et du Mitra 125, avec des capacités d’adressage étendues.
Les ordinateurs Mitra 15 furent fabriqués à partir de 1971 par la Division petits ordinateurs et applications spécialisées (DPOAS)[17], qui n'existait pas au début du Plan Calcul[17], dirigée par Michel Chaussedoux, qui réfère à Pierre Guichet, directeur général adjoint de CI, dans le cadre d'une filialisation[18]. Le volume de production est important pour l'époque, un millier d'exemplaires, dans l'usine de Toulouse de la CII[17]. Le succès de ce mini-ordinateur encourage les machines encore plus petites : le T1600, qui comme le Mitra 15 est installé dans 29 lycées lors du premier plan d'informatisation. Destiné lui aussi à l'automatisation d'expériences scientifiques, microprogrammé à mémoire à tores de ferrite, il a un volume de 3 m3. La Télémécanique le remplace par le SOLAR 16, conçu en 1973 par l'équipe franco-américaine de Jesse T. Quatse[19], vedette du SICOB de septembre 1975. Avec une centaine de millions de francs sur les calculateurs industriels[19], il atteint le 2e rang mondial en mini-ordinateurs, faisant même jeu égal en Europe avec les PDP-11[19] de Digital Equipment (DEC).
L'usine de Toulouse de la CII sera cédée en 1975-1976 à la SEMS[17], filiale de Thomson, qui l'obtient, en compensation de la perte de son droit de contrôle de la CII-HB[22], laissée à la CGE, lors de sa fusion avec Honeywell, "organisée dans un amoncellement hétéroclite"[22]. Thomson s'associe au même moment à la Télémécanique et son Solar[22].
Cette gamme se retrouve en compétition avec le Level-6, rebaptisé Mini 6, fabriqué sous licence Honeywell par CII-HB[17], à Brighton et à Angers pour les circuits, tandis que l'assemblage sera transféré en 1981 à Joué-lès-Tours.
Pour assurer une continuité technologique au Mitra 15 et au Solar, la SEMS maintient des équipes d'ingénieurs à Louveciennes[17], à deux pas celles de l'IRIA et de la CII à Roquencourt.
L'actionnaire américain de la CII est critiqué pour avoir soutenu son Level-6 contre le Mitra 15 et le Solar 16, qui perce sur le marché mondial. Devenu "parent pauvre"[22], le Mitra manque alors de crédit et son développement s'asphyxie[22]. Au total 8 000 exemplaires du Mitra 15 seront fabriqués[19] contre 16 000 pour le Solar 16 (ordinateur)[19], arrivé plus tard sur le marché, dans une période de plus forte croissance, et dopé par le marché de la réalisation du réseau de contrôle aérien Chinois[19]. En 1978, CII Honeywell-Bull finalise l'achat du Micral[24].
La fusion des équipes de Télémécanique avec celles de Thomson modifie les orientations stratégiques, d'autant que la visibilité sur la concurrence avec les mini-ordinateurs de CCI HB est assombrie. Elle provoque le départ de nombreux ingénieurs qui avaient développé le Solar dans les deux usines de Grenoble, et seront à l'origine de créations d'entreprises contribuant au démarrage de la ZIRST.
Parallèlement, le réseau commercial du nouveau groupe issue de la fusion (CCI HB) limita les ventes des Mitra à la continuation des affaires entamées avant la fusion, le marché de "process control" n'ayant guère été pénétré en France par le DPS-6.
Une stratégie basée sur les partenariats internationaux et l'innovation
À sa création, la CII doit se distinguer sur des marchés où IBM et Control Data l'attendent de pied ferme. Elle joue de la crainte que le monopole d'IBM inspire dans les pays socialistes et en voie de développement, pour y profiter de la vague d'investissements des années 1960. Et elle passe très tôt avec Control Data des accords de partenariats.
La stratégie d'innovation
Créée en 1966 de toutes pièces à partir de petites sociétés, la CII investissait encore, six ans après sa création, 20 % de ses ventes en études, contre 6 % à 7 % pour la concurrente Bull[25], qui avait toutefois des revenus trois à quatre fois supérieurs. L'État ne subventionne qu'une partie de cet effort. Il faut donc trouver très tôt des recettes[26].
La CII commença par fabriquer, comme la CAE dont elle hérite, des ordinateurs américains sous licence: le Sigma 7, de SDS, qui deviendra le CII 10070, et son petit frère Sigma 2, rebaptisé CII 10020. La CII est subventionnée pour développer de toutes pièces un informatique de calcul, sans pouvoir se reposer, comme IBM, sur les bénéfices de l'informatique de gestion. Afin de s'assurer au moins quelques revenus commerciaux, elle doit commercialiser des versions des Iris 50 et Iris 80 correspondant au milieu de la gamme 360 d'IBM, qui a alors un quasi-monopole. Le système d'exploitation du CII 10070 est ainsi utilisé, mais remanié, pour l'adapter aux applications de gestion, en y ajoutant une structure favorisant les transferts d’information entre la mémoire principale et l’environnement extérieur, afin, éviter l’étranglement du débit des informations au niveau des accès en mémoire[27]. Faute de percer dans l'informatique de gestion, ce système d'exploitationSiris 7, sera vendu le 30 octobre 1970 à Scientific Data Systems[27], qui n'en fera rien, la CII préférant investir dans une architecture nouvelle, avec le travail de l'équipe de Jean Ichbiah et Claude Boulle, en incluant des fonctions de routage, par la couche logicielle Transiris : il devient Siris 8, utilisé avec un processeur (1971), puis deux (1974).
Dès 1971, la CII a ainsi développé ses propres modèles, conçus pour les nouveaux besoins scientifiques : Mitra 15 (plus tard en versions 115 et 215), Iris 50 (plus tard en Iris 45 et Iris 60) et Iris 80.
La CII a développé des langages innovants (ADA et projet SFER) et investi très tôt dans les réseaux informatiques à distance. Une première démonstration, en 1968, relie le Sicob de La Défense à son siège. Elle a contribué, par ses mini-ordinateurs et sa coopération technique à la réalisation du réseau Cyclades, basé sur la technologie du datagramme, hébergé à l'IRIA. En novembre 1973[28], la première démonstration du réseau Cyclades relie trois ordinateurs en réseau, deux Mitra 15 de la CII en région parisienne et un IBM 360 à l'IMAG de Grenoble. En 1975, ce réseau connecte 25 ordinateurs des principaux centres de recherche français partenaires mais aussi de Rome et Londres[28]. La CII a participé à l'expansion du réseau Cyclades et développé sa propre Distributed System Architecture qui aura ensuite pour concurrentes Decnet, de DEC, et de la SNA d'IBM.
Plus technicienne que marchande, la CII n'a cependant pas atteint une rentabilité suffisante, ni un parc d'utilisateurs assez ancien, qui lui auraient permis plus d'autonomie de décision vis-à-vis de ses maisons-mères, Thomson et CGE.
Dans les pays de l'Est, la CII a réalisé « une percée estimée à un milliard de francs »[29] en 1974. L'Iris 50 a été construit sous licence en Roumanie, à partir de 1968[30], en tant que Felix C256, et livré à Cuba, la Chine et la Corée du Nord. Des coopérations importantes ont été signées avec la Russie[30], l'Algérie et le Chili de Salvador Allende.
Dès 1970, la CII a un développement suffisant pour se rapprocher d'autres constructeurs européens : l'anglais ICL, né en 1968 de la fusion de plusieurs constructeurs, dont International Computers and Tabulators (ICT) est sollicité. En novembre 1970, un accord est trouvé, qui associe aussi Control Data : c'est le consortium "Multinational Data", basé à Bruxelles[31], qui renonce cependant à aller trop loin, Control Data craignant qu'IBM ne s'en serve contre lui dans le cadre de leur conflit juridique.
Entre 1969 et 1973, Siemens et Philips déposent un grand nombre de brevets dans le domaine des semiconducteurs[32] et se rapprochent de la CII. En janvier 1972, c'est Siemens qui a sollicité la CII, suivi par Philips. Tous trois forment le consortium Unidata, créé pour mieux concurrencer IBM en Europe. Siemens exigeant la compatibilité IBM pour les nouveaux développements, CII sacrifie ses systèmes d'exploitation. Unidata souhaite alors devenir un « Airbus de l'informatique. »
En 1973, la CII a 8 000 employés et une production honorable en qualité et quantité, mais insuffisante pour la rentabiliser. Les actionnaires refusent toute augmentation de capital, pourtant trop faible par rapport à ses actifs industriels.
En 1973, Siemens abandonne à la CII ses agences commerciales en France, CII fait de même en Allemagne et chacun commence à étudier sa machine de milieu de gamme pour la CII. L'accord prévoit de définir en commun une gamme de machines micro-programmées, compatibles avec les IRIS de la CII, les 4004 de Siemens et les machines IBM, et de partager les frais d'études.
Philips, le constructeur hollandais, offre de prendre sa part au capital d'Unidata et d'apporter un modèle bas de gamme. La proposition est difficile à refuser car le gouvernement français se veut sincèrement européen. L'inconvénient est qu'il faut rallonger les microprogrammes d'une quatrième variante, compatible avec la famille Philips P1000.
Philips prépare sans attendre la construction en Belgique de sa future version d'Unidata, avec des circuits Philips et un logicielSiemens, puis commence à commercialiser ses petites machines de bureau, incompatibles, avec une étiquette Unidata, jugée tout à fait abusive.
La création d'Unidata prévoit une augmentation de capital, via la CII, que l'un de ses deux principaux actionnaires, la CGE, refuse, car Siemens et Philips lui semble un adversaire dans l'activité qui l'intéresse le plus, le téléphone.
« Dès son élection en 1974, Valéry Giscard d'Estaing supprime la Délégation à l'informatique qui soutenait Cyclades », et la remplace par une administration « défendant clairement les machines d'Honeywell Bull contre celles de CII qui équipaient Cyclades »[33]
.
Les conseillers de Valéry Giscard d'Estaing poussaient à ce qu'Unidata soit cassé, sous la pression de lobbies effectuant du marchandage de projets[33], du marchandage de crédits[33], ce qui met en colère les Allemands de Siemens qui avaient même fermé leurs filiales informatiques[34]. Entre-temps, l'intervention d'un troisième participant, Philips, plus désireux de profiter du sigle que de respecter des spécifications, a affaibli Unidata.
Puis Louis Pouzin reçoint une lettre d’André Danzin, son supérieur; directeur de l’IRIA, qui me disait "qu’il ne fallait plus que je m’occupe de réseaux", car il "avait ordre d’écrire cela de la part du ministère de l’Industrie[34]. Louis Pouzin a cependant continué à faire fonctionner Cyclades sans aucun support, ni budget, jusque vers 1978, avec des bénévoles et différentes équipes de recherche qui se servaient du réseau[34].
La même année, il fit absorber la CII par Bull-Honeywell, constituant CII Honeywell-Bull, contre l'avis du PDG de la CII Michel Barré et de l'un des actionnaires, Thomson, qui se rallie ensuite au choix imposé. Les développements Unidata sont stoppés, alors que le consortium a 13,2 %[35] des ventes d'ordinateurs européens en 1973, et 9,8 % du parc européen.
L'évolution des ventes, des bénéfices, des subventions et des effectifs
La croissance de la CII est très rapide pendant ses trois premières années d'existence. En cinq ans, les effectifs sont multipliés par 2,5 et les ventes par 3,5.
En 1976, après la fusion avec Honeywell, ce dernier obtient du gouvernement un relèvement important de la subvention annuelle versée à la CII-HB, qui emploie alors plus de 18 000 personnes, dont 13 770 en France. De 1977 à 1980, les subventions totalisent 812 millions de francs, pour des bénéfices cumulés de 724 millions.
Ensuite, les ventes décollant, chaque année, le gouvernement divise par deux la subvention et l'efface presque en 1980, l'année qui voit un nouvel actionnaire, Saint-Gobain, demander un relèvement du dividende, la part du résultat net distribuée montant à 40 % puis à 50 %, « affaiblissant sérieusement la trésorerie de la société. » La forte croissance bute sur un os, en 1980, lorsque l'entreprise ne parvient plus à faire face à la demande du Mini 6. Au moment où elle investit 50 % de plus que l'année précédente, l'apport net de ses bailleurs de fonds (état et actionnaires) est devenu négatif[37]. L'effectif dépasse 20 000 personnes, en hausse de seulement 12 % en cinq ans alors que le chiffre d'affaires a doublé et les parts de marché augmenté[38], avec une croissance moyenne de 19 % par an contre 15 % pour le marché et 12 % pour IBM[39].
Cependant, manquant de fonds propres, la société est « prise à la gorge par le financement »[40]. Ne parvenant pas à faire face à la demande de Mini 6, car l'usine d'Angers est sous-dimensionnée[41], la CII-HB est contrainte de passer une provision d'un demi-milliard de francs, avec la révision de tous les DPS 7[42], ainsi que d'autres, pour risques et pour restructurations, de 400 millions de francs. Ces provisions se traduisent par une perte nette de 1,44 milliard de francs et, l'année suivante une dotation au capital du même montant.
P.-E. Mounier-Kuhn, CNRS, « French Computer Manufacturers and the Component Industry, 1952-1972 », History and Technology, 1994, vol. 11.
P.-E. Mounier-Kuhn, CNRS, « Le Plan Calcul, Bull et l’industrie des composants : les contradictions d’une stratégie », Revue historique, 1995, vol. CCXC no 1, p. 123-153.
Jacques Jublin, Jean-Michel Quatrepoint et Danielle Arnaud, French ordinateurs : de l'affaire Bull à l'assassinat du plan Calcul, éditions Alain Moreau, .
Jean-Pierre Brulé, L'Informatique malade de l'État, Les belles lettres, .
↑"Seymour Cray – A Man Whose Vision Changed the World" [1]
↑Jacques Jublin, Jean-Michel Quatrepoint et Danielle Arnaud, French ordinateurs : de l'affaire Bull à l'assassinat du plan Calcul, éditions Alain Moreau, 1976
↑(en) Robert Sobel, The Big Board: A History of the New York Stock Market (lire en ligne), p. 361
↑"Ruptures ou continuités dans la politique industrielle française en électronique ?" par Jean-Louis Perrault, et Sidy Modibo Diop dans la Revue d'économie industrielle 1983 [4]
↑"Histoire de l'Informatique par la Fédération des Équipes Bull [5].
↑ abc et d"50e anniversaire du Plan Calcul", par Pierre Mounier-Kuhn, CNRS & Université Paris-Sorbonne, dans Le Monde du 1 2 avril 2017[6].
↑Selon le témoignage de Jean Gaudfernau, ex-directeur commercial de la CII.
↑ a et bHistoire de la CII, par Bruno Dallemagne : tome 1 (1966-1972), tome 2 (1973-1976), tome 3 (dossiers spécifiques), sur le Site de la Fédération des équipes de Bull [10]
↑ abc et dHistoire d'un pionnier de l'informatique : 40 ans de recherche à l'Inria, par Alain Beltran, Pascal Griset, page 129 [12]
↑Quarante ans après : mais qui donc créa l’internet ? par Michel Elie, sur le site de l'association VCAM [13]
↑La France en réseaux (1960-1980), par Valérie Schafer (tome 1, page 71), extraits repris sur le site de Laurent Bloch [14]
↑La France en réseaux (1960-1980), par Valérie Schafer (tome 1, page 72), extraits repris sur le site de Laurent Bloch [15]
↑LE RÉSEAU CYCLADES ET INTERNET : QUELLES OPPORTUNITÉS POUR LA FRANCE DES ANNÉES 1970 ?, par Valérie Schafer. Professeur agrégée, doctorante à l'université de Paris IV-Sorbonne, Comité d'histoire du ministère des Finances, Séminaire Haute Technologie du 14 mars 2007, page 2 [16]
↑Entretien avec Louis Pouzin, par Isabelle Bellin, sur Interstices[17]