La commanderie de Saint-Maurice est située dans le département du Var, sur la commune de Régusse, près des basses gorges du Verdon, à cinq kilomètres au nord de Montmeyan et à deux kilomètres au sud de Quinson.
Historique
La commanderie de Saint-Maurice est implantée vers les années 1160 sur les terres de Saint-Maurin. Située aux confins des territoires de Coutelas[1] et de La Roquette[2], actuelles communes de Régusse et de Montmeyan, c'est l'une des cinq commanderies templières du Var.
Elle est mentionnée pour la première fois en , lorsque le seigneur Hugues de Montmeyan entre dans l’Ordre et donne la terre de Camp Long ainsi que les droits de pâturage sur tout son territoire[3],[4],[5],[6]. Il renonce à tous ses droits et héritages au profit de la commanderie. La même année, les Templiers fortifient le Castelar à La Roquette[7].
En , le seigneur de Blachère donne et concède aux chevaliers du Temple toutes les terres cultes et incultes, le droit de pâture ainsi que les eaux des rives du Verdon. Il donne en outre la libre faculté de construire un moulin dans le vallon de Beau Rivé et un local pour préparer le pain[8],[9].
La maison de Saint-Maurice rayonne entre les territoires de Riez au nord, de La Verdière à l’ouest, de Régusse et Moissac à l’est, de Montmeyan et Fox-Amphoux vers le sud[10]. Comme la commanderie du Ruou, elle fait partie des grosses maisons abritant une communauté moyenne d’une dizaine de frères tandis que les autres sites du Var n’en comptent pas plus de trois[11].
Les guerres et les calamités de la seconde moitié du XIVe siècle affectent la maison de Saint-Maurice qui commence à décliner[14]. Elle est alors associée à la maison de Bras pour former une unique commanderie, puis absorbée dans des circonscriptions plus vastes comme la commanderie hospitalière d’Aix, ou bien celle de Marseille[15].
En 1308, Albert de Blacas est gardé dans les prisons d'Aix. Non seulement il ne périt pas, mais il jouit pendant toute sa vie de la commanderie de Saint-Maurice avec le consentement des Hospitaliers[17],[Note 3].
Commandeurs Hospitaliers
Pour la période qui précède sa dévolution aux Hospitaliers, on trouve Guillaume Aymeria qualifié de recteur et administrateur de la maison du Temple de Saint-Maurice, vraisemblablement au nom du comte Robert d'Anjou[18].
Les bâtiments de la commanderie de Saint-Maurice constituent le centre de la seigneurie ecclésiastique et sont construits en pierres de taille[20]. On peut encore y voir une bergerie, une habitation, une annexe et une chapelle dédiée à Saint Maurice. Cette chapelle a probablement été construite vers la fin du XIIe siècle, une église étant mentionnée en 1170 ; elle rappelle par bien des aspects celle de la commanderie du Ruou.
En , les seigneurs Pons Albert et Guy de Baudinard[21] donnent leur domaine sur le plateau Saint-Vincent[22] avec une bastide et des droits de pâturage sur les terres de Coutelas[23]. Les Templiers développent un hameau sur ce plateau autour de la grange dite Bastida Sancti Vincencii, au lieu aujourd’hui appelé Villeneuve.
En 1221, la commanderie achète le castrum de Montmeyan avec son château, ses terres et tous ses droits[24],[25]. L’acte de vente est d’un grand intérêt en ce qui concerne les modalités d’une telle acquisition[26].
En , l'abbaye de Lérins[27],[Note 5] donne le territoire de Brauch[28] avec son église[29], ce qui constitue un autre ensemble dont les bâtiments de la Grande Bastide rappellent l'importance[30].
Carte de la commanderie de Saint-Maurice au XIIIe siècle.
Tour du Castelar, vestige du castrum de La Roquette, .
Plan napoléonien de 1840 montrant le bief qui alimente un moulin sur la rive gauche du Verdon, dans le vallon de Beau Rivé.
En 1249, le seigneur Jacques d'Oraison confirme la donation de sa famille autorisant à bâtir et utiliser des matériaux tirés du territoire de La Roquette[Note 6] (approvisionnement en bois, pierres de construction et chaux)[31]. En 1258, plusieurs moulins sont alimentés en eau par un bief à l'endroit où le Verdon débouche dans la dépression de Quinson-Montmeyan[32].
Dans ce milieu rural, la commanderie a un rôle prépondérant dans l’encadrement des fidèles et dans l’organisation du réseau paroissial. Les églises et chapelles placées sous sa juridiction sont des centres de prélèvement de taxes ecclésiastiques : Sainte-Thècle de La Roquette, Notre-Dame de Coutelas, Saint-Pierre de Brauch, Régusse et Saint-Vincent[33],[34],[Note 7]. Les églises servent également de points de contrôle de l'activité des exploitations agricoles sur les terres de Saint-Vincent et Coutelas, de Brauch et de Saint-Maurin.
Commanderie de Saint-Maurice, domaine de Saint-Maurin, côté est.
Bastide de Brauch, membre de la commanderie, côté nord-est.
Détails de la bastide de Brauch, côté ouest.
Bastide de Saint-Vincent, membre de la commanderie, côté ouest.
Chapelle de Saint-Vincent, côté ouest.
Reliques de saint Marcel
Saint Marcel, évêque de Die, est mort et enterré dans un monastère de La Roquette en 510. Vers la fin du XIIe siècle, selon la tradition, le corps du saint est transféré dans les bâtiments de la commanderie qui va l'abriter pendant presque deux siècles. En 1350, les reliques de saint Marcel sont transférées dans la collégiale de Barjols.
↑Il est permis de croire qu'en Provence les Templiers ont été non seulement épargnés, mais aussi traités comme s'ils avaient été reconnus innocents.
↑Il n'est pas certain qu'il s'agisse d'un frère Hospitalier. Il pourrait avoir été agent comtal ou administrateur au nom du pape Clément V.
↑Eliana Magnani précise que c'est la famille de Pontevès qui offre aux moines en 1033 l'église Saint-Pierre de Brauch et son territoire alentour ; autour de cette église, Lérins établit un prieuré.
↑Le castrum de Roqueta Auraisoni apparaît pour la première fois dans la liste des localités du diocèse de Riez dressée en 1232-1244. Il appartient aux seigneurs d’Oraison qui le conservent jusqu’au XVIIe siècle.
↑Thierry Pécout distingue les églises dont le Temple percevait le cens sans entretenir de prêtre (Sainte-Thècle de La Roquette, Saint-Vincent), celles qui étaient placées au centre d’un domaine agricole auxquelles étaient attachés dîmes et droits d’autel et où l’ordre entretenait un prêtre (Saint-Pierre de Brauch, Saint-Maxime de Coutelas, Notre-Dame de Régusse) et enfin, la chapelle de la commanderie dédiée à saint Maurice qui, dans ce cas, n’a pas développé de fonction paroissiale.
↑Joseph-Antoine Durbec, Les Templiers dans le diocèse de Fréjus, Toulon et Riez : maisons de Riou, Hyères, Saint-Maurice, Bras, Peirasson et autres, Provence historique, 1963.
↑Thierry Pécout, La commanderie de Saint-Maurice (diocèse de Riez) au début du XIVe siècle : du Temple à l'Hôpital, Provence historique, vol. 45, Fédération Historique de Provence, 1995.
↑M.J. Roman, Arnaud de Trians, Bulletin de l'Académie Delphinale, 1901.
↑Pierre-André Sigal, Une seigneurie ecclésiastique en Provence orientale au Moyen-Âge : la commanderie du Ruou, Provence historique, 1965.
↑Joseph-Antoine Durbec, Templiers et Hospitaliers en Provence et dans les Alpes-Maritimes, Éditions Le Mercure Dauphinois, , 430 p. (ISBN978-2-913826-13-7, présentation en ligne), p. 112, 185-187
↑François Raynouard, Les Templiers, Tragédie en cinq actes, Éditions Giguet et Michaud, 1805.
↑Raymond Boyer, À propos des Templiers de Provence, Bulletin de la Société d'études scientifiques et archéologiques de Draguignan et du Var, Tome VII, 1962.
↑Joseph-Antoine Durbec, Templiers et Hospitaliers en Provence et dans les Alpes-Maritimes, Éditions Le Mercure Dauphinois, 2001.
↑E.-G. Léonard, Introduction au Cartulaire manuscrit du Temple (1150–1317), constitué par le marquis d’Albon et conservé à la Bibliothèque nationale, suivie d’un Tableau des maisons françaises du Temple et de leurs précepteurs, éditions Champion, Paris, 1930.
↑Eliana Magnani, Histoire de l'abbaye de Lérins, Association pour le rayonnement de la culture cistercienne, 2005.
↑H. Moris et E. Blanc, Cartulaire de l'abbaye de Lérins, 1883.
↑Joseph Piégay, Au Moyen Âge entre Durance et Verdon, Éditions Résonnances, 2004.
↑Archives départementales des Bouches-du-Rhône (56 H 5316).
↑Archives départementales des Bouches-du-Rhône (56 H 4720).
↑Damien Carraz, La territorialisation de la seigneurie monastique : les commanderies provençales du Temple (XIIe – XIIIe siècle), Mélanges du l'École française de Rome - Moyen Âge, 2011.
↑Honoré Jean Fisquet, La France pontificale, histoire des archevêques et évêques, Éditions Étienne Repos, 1864.
Annexes
Bibliographie
Pierre Grimaud et Jacques Duflos, « La commanderie templière de Saint-Maurice, près du Verdon (Haut-Var) », Bulletin du Groupe international d'études templières, n° 10, 1976.
Thierry Pécout, « La commanderie de Saint-Maurice (diocèse de Riez) au début du XIVe siècle : du Temple à l'Hôpital », dans Provence historique, vol. 45, Fédération Historique de Provence, (lire en ligne), p. 49-64