Christopher Gygès est le fils d'un capitaine de bateau, le Mary D[2] - qui assure la liaison entre Nouméa et l'îlot Amédée -, et d'une institutrice[3].
Il s'investit tout d'abord aux côtés du sénateurSimon Loueckhote, président depuis 2006 du Rassemblement pour la Calédonie (RPC), mouvement fondé alors pour regrouper les fidèles de l'ancien homme fort de la scène politique locale et du camp anti-indépendantiste, Jacques Lafleur. Christopher Gygès est ainsi candidat en 29e position sur la liste menée par Simon Loueckhote aux élections municipales des 9 et à Nouméa, baptisée « La Diversité en mouvement ». Arrivée troisième au premier tour avec 3 185 voix soit 12,53 % des suffrages exprimés, elle contribue à mettre en ballotage le maire sortant, Jean Lèques, en place depuis 1986 et figure du Rassemblement-UMP. Après l'échec d'un projet de fusion avec la liste de la principale opposante à Jean Lèques, Sonia Lagarde de L'Avenir ensemble, la formation de Simon Loueckhote maintient sa troisième place au second tour avec 4 422 votes (17,47 %) pour quatre élus sur 53[4]. Christopher Gygès n'est donc pas élu, mais confirme par la suite son ascension dans l'entourage du sénateur.
Ce dernier, fort de ce résultat et s'estimant peu soutenu par Jacques Lafleur lors de sa campagne, décide le , à partir de sa liste et d'autres personnalités essentiellement issues du RPC mais aussi nouvelles en politique, de créer un nouveau parti, le Mouvement de la diversité (LMD)[5]. Christopher Gygès en devient le responsable du projet économique, il est ainsi à l'origine de l'une des propositions phares de son programme, à savoir la création d'un « Fonds d'action social calédonien (Fasc) » qui servirait essentiellement (à 90 %) à financer les retraites, le reste pouvant ensuite être employé pour réduire les cotisations sociales et ainsi favoriser le pouvoir d'achat, en étant financé par des taxes sur les exportations du nickel, plafonnées à 8 % pour le minerai brut et à 4 % pour le semi-transformé[6],[7].
En tant que collaborateur de Sonia Backès, il est tout particulièrement chargé des dossiers liés à la fiscalité et à l'énergie, est membre de plusieurs conseils d'administration comme ceux d'Enercal ou de l'Office des postes et télécommunications (OPT), et est président du Comité territorial pour la maîtrise de l'énergie (CTMA)[2],[3]. Il travaille ainsi sur les mesures adoptées alors par l'exécutif local pour développer la filière des énergies renouvelables dans l'archipel (subvention d'équilibre de 100 millions de Francs CFP, soit 838 000 €, aux acteurs du secteur inscrite au budget 2012, revalorisation en 2013 du tarif du kWh de 11 à 18 F CFP pour l'éolien et de 18 à 18 F CFP pour le photovoltaïque, lancement de projets d'un parc éolien, de deux fermes solaires, d'un barrage hydroélectrique sur la Ouiné et de plusieurs petites centrales au fil de l'eau facilités par une nouvelle loi du pays sur l'hydroélectricité et financés, entre autres, grâce à une ouverture du capital aux épargnants, préparation d'un cadre légal permettant la vente d'électricité produite par des particuliers finalement mis en place en 2016, même si plusieurs de ces décisions vont être par la suite annulées par le tribunal administratif saisi par Calédonie ensemble)[10],[11]. Concernant la fiscalité, il participe à la préparation d'un projet de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) locale à taux unique, baptisée « Taxe générale sur les activités » (TGA), voté par le Congrès le mais dont la mise en place, initialement prévue au , est plusieurs fois reportée puis définitivement abandonnée lors d'un nouveau vote de l'assemblée néo-calédonienne le [12],[13],[14],[15].
À ce poste, qu'il conserve jusqu'aux élections provinciales suivantes du , il s'engage tout d'abord à continuer d'appliquer le Schéma directeur du handicap et de la dépendance adopté durant le mandat de son prédécesseur, Isabelle Champmoreau[18], et il est à l'origine de plusieurs mesures visant à favoriser l'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap comme par exemple : l'octroi de 300 millions de Francs CFP (2,514 millions d'euros) par an pour l'amélioration des conditions de travail (adaptation des machines, aménagement des postes, des lieux, des accès, financement d’équipements spécifiques, financement d’études d’adaptation par des ergothérapeutes, compensation financière des délais d’aménagement) et pour financer des aides directes aux entreprises favorisant l’embauche et l’insertion professionnelle (prise en charge partielle des cotisations sociales patronales pour un contrat d'au moins 3 mois et prime à l'embauche pour tout CDI, financement de formations, aide à la création d’entreprise ou financement d’équipements pour les travailleurs indépendants, financement de projets d’associations ou d’institutions favorisant l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap) ; la mise en place à partir du du guichet unique numérique www.handicap.nc[19]. Il crée également, en , une mission d'« ambassadeur du handicap » auprès des établissements scolaires confiée à l'athlète handisport Nicolas Brignone[20]. Afin de favoriser l'insertion sociale des sportifs en situation de handicap, il fait signer en une convention entre le groupement d’intérêt public (GIP) handicap, dépendance et bien vieillir, la Ligue calédonienne de sport adapté et handisport, et le pôle France handisport d’athlétisme de Nouvelle-Calédonie afin de permettre aux athlètes handisports de concilier vie professionnelle et carrière sportive[21]. Enfin, il finalise le projet de loi du pays améliorant la prise en charge des personnes en situation de handicap ou en perte d'autonomie par la mise en place d'un fonds d'action sociale, texte en préparation depuis 2016 et finalement voté à l'unanimité par les élus du Congrès en [22].
Concernant la politique de la famille, il met en place, le , le Conseil calédonien de la famille (CCF), organe consultatif visant à faire dialoguer entre eux les principaux acteurs associatifs, économiques, sociaux et institutionnels pour faire des propositions en la matière, qui avait été créé en par son prédécesseur, Isabelle Champmoreau, et qui tient ses premières réunions sous sa présidence. Il se fixe ainsi trois priorités : la petite enfance, avec la prolongation de l’exonération de cotisations sociales pour les crèches ; le « bien vieillir », avec une « réflexion » sur le rôle à donner aux associations d'aide aux personnes âgées ; la protection de l'enfance avec l'élaboration d'un plan territorial sur le rôle et le statut des familles d’accueil, les dispositifs de protection des mineurs, la prévention et la répression de la délinquance dans le cadre familial, la parentalité, la déscolarisation, le handicap, etc.[23]. Il propose par ailleurs la suspension des allocations familiales en cas de récidive d’actes de délinquance des enfants, sur le modèle de ce qui est fait pour l'absentéisme scolaire, pour que « cela soit une épée de Damoclès pour justement éviter d’y arriver » et en associant cette mesure à « un renforcement d’accompagnement des parents »[24].
Confronté, quelques jours seulement après sa prise de fonction, à une manifestation des retraités réclamant une amélioration de leur pouvoir d'achat[25], il est chargé de répondre à leurs revendications. Ainsi, il fait adopter une délibération pour indexer le complément retraite de solidarité (CRS) sur l'inflation. Puis, il pilote le lancement le de la « Carte Seniors » offrant des réductions voire la gratuité sur certains services aux plus de 60 ans[26].
Relativement présent médiatiquement, il fait notamment figure de principal opposant au sein de l'exécutif local au président Philippe Germain et à Calédonie ensemble, les accusant de « mener le pays à sa perte » en apportant « du désordre et de la division » ou critiquant leur méthode pour mener à bien leur réforme qui, selon lui, se fait « contre les partenaires sociaux »[24]. Plusieurs polémiques opposent d'ailleurs les deux hommes dans la presse ou sur les réseaux sociaux, par exemple au sujet du système des retraites complémentaires[27]. De plus, seul membre LREM du gouvernement, il prône pour un renouvellement de la classe politique néo-calédonienne en s'ouvrant sur la société civile[18],[24].
Directeur de campagne de L'Avenir en confiance
En , une alliance « loyaliste » est formée pour les élections provinciales du sous le nom de L'Avenir en confiance et sous la conduite de Sonia Backès, réunissant Les Républicains calédoniens, Le Rassemblement et le MPC, pour s'opposer à la fois aux indépendantistes et à Calédonie ensemble (qu'ils qualifient de « nationalistes »). Christopher Gygès en devient le directeur de campagne. Il est tout particulièrement chargé d'organiser un important meeting de lancement sur l'hippodrome Henri Milliard dans le quartier de l'Anse Vata à Nouméa le [28] qui réunit, selon eux, 2 000 personnes[29]. Il coordonne la stratégie de la liste, reposant sur une association entre grands rassemblements de ce type visant à souligner un objectif d'unité, de réunions de proximité et d'une utilisation intensive des réseaux sociaux, tout en portant l'essentiel des attaques contre Calédonie ensemble[28],[29]. Christopher Gygès est aussi candidat sur la liste, en huitième position.
Le jour du scrutin, L'Avenir en confiance remporte un réel succès puisqu'elle devient la première force politique en nombre de voix cumulées dans l'ensemble de l'archipel, et obtient le meilleur score réalisé par une liste dans le Sud depuis 1999, avec 28 802 voix soit 40,59 % des électeurs s'étant exprimés dans cette province. Gagnant alors vingt sièges sur 40 à l'Assemblée provinciale et, avec la liste également présentée dans le Nord, 18 conseillers sur 54 au Congrès, le plus important groupe de cet hémicycle. Christopher Gygès est donc, pour la première fois, élu dans ces deux institutions et devient un des piliers de la nouvelle majorité. Il prend notamment, momentanément, la présidence de la commission intérieure de la législation et réglementation économiques et fiscales ainsi que la vice-présidence de celle du travail et de la formation professionnelle tout en étant membre de la commission permanente au Congrès, du 24 mai au . Mais, étant réélu au sein du gouvernement, il doit abandonner ces mandats le temps de sa participation à l'exécutif.
Annonçant vouloir « rétablir la confiance et le dialogue » qui se serait dégradé, selon lui, « entre le monde économique et le monde politique », il est chargé de mettre en place le programme économique libéral de L'Avenir en confiance. Entamant des concertations avec les acteurs économiques (organisations patronales comme le MEDEF, chambres consulaires, clusters ...), il promeut dès son entrée en fonction la préparation de deux projets de loi du pays pour la relance économique et de programmation fiscale pour l'ensemble du mandat 2019-2024[30]. Pour les préparer, il organise aux mois de septembre et d' un « Grand débat des entreprises » appelé « La parole aux entrepreneurs »[31].
Le premier texte, sur la relance économique, est adopté à l'unanimité par le gouvernement le [32] puis par le Congrès le 30 décembre suivant, par 35 voix (celles des groupes L'Avenir en confiance et UC-FLNKS et Nationalistes, ainsi que des non-inscrits de L'Éveil océanien et de Générations NC) et 17 abstentions (celles des groupes Calédonie ensemble et UNI)[33]. Présentant ces mesures comme « pragmatiques », Christopher Gygès met l'accent sur la création d'emplois dans le secteur privé pour augmenter le pouvoir d'achat des salariés par l'aide aux entreprises, la simplification administrative par la dématérialisation et la déréglementation, parlant de « changer de paradigme et tendre vers une administration qui conseille plutôt qu’elle ne sanctionne et qui accompagne davantage le développement économique ». La loi comprend quatre axes, avec tout d'abord « la modernisation et la simplification des relations entre entrepreneurs et administration » (avec l'instauration, sur le modèle métropolitain, d'un droit à l'erreur en matière fiscale, douanière et économique, ou par des dispositifs d'amélioration des délais de paiement de l’administration passant notamment par la dématérialisation des factures). Ensuite, elle vise « le soutien à l’économie et à l’entrepreneuriat » pour « améliorer la trésorerie des entreprises et leur capacité d’autofinancement afin de leur permettre d’investir » (avec une baisse de l'impôt sur les sociétés pour les petites entreprises ou un remboursement anticipé des anciennes taxes à l’importation sur les stocks déjà payées par les sociétés lors de l’entrée en vigueur de la Taxe générale à la consommation ou TGC, soit 4 milliards de Francs CFP ou 33,5 millions d'euros réinjectés auprès de 1 100 entreprises afin de donner un « nouveau souffle » à l'économie, une mesure pour sa part adoptée par 41 élus du Congrès soit l'ensemble des conseillers à l'exception de ceux de l'UNI). Le troisième volet concerne « le pouvoir d’achat, la protection du consommateur et la concurrence » (essentiellement orienté vers les revenus du travail et inspiré de la loi portant mesures d'urgence économiques et sociales adoptée au plan national en , avec une défiscalisation des heures supplémentaires jusqu'à un revenu annuel de 500 000 F CFP ou 4 190 €, ou en donnant la possibilité aux employeurs de verser une prime exceptionnelle exonérée d'impôts et plafonnée à 100 000 F CFP ou 838 €). Enfin, la loi « introduit des dispositifs fiscaux nouveaux en faveur de l’innovation et du rééquilibrage afin d’impulser la transformation et la diversification de l’économie » (par la création d'un crédit d'impôt pour la recherche et l'innovation et pour le financement participatif des entreprises, sur le modèle du crédit d'impôt recherchemétropolitain, ou encore par la possibilité donnée aux Provinces de créer des zones franches)[34].