Christophe Guilluy, né le à Montreuil, est un essayiste et consultant français, géographe de formation.
Biographie
Né à Montreuil (Seine-Saint-Denis), il grandit dans le quartier de Belleville, à Paris. Il expliquera que son immeuble devait être démoli et que sa famille allait être relogée en banlieue, à La Courneuve. L'immeuble fut finalement préservé, ce qui permit à sa famille de rester à Paris[1].
Ses écrits en géographie sociale abordent les problématiques politiques, sociales et culturelles de la France contemporaine par le prisme du territoire[7]. Il s'intéresse à l'émergence d'une « France périphérique » s'étendant des marges périurbaines les plus fragiles des grandes villes aux espaces ruraux, en passant par les petites et moyennes villes. Il souligne que 60 % de la population et trois quarts des nouvelles classes populaires vivent maintenant dans cette « France périphérique », à l'écart des villes mondialisées[8].
Avec le sociologue Serge Guérin, il a mis en avant les « retraités populaires » pour signifier que la majorité des ménages de retraités est formée d'anciens ouvriers, employés ou petits commerçants qui habitent dans le périurbain et dans des conditions modestes, voire précaires[9].
En 2004, son Atlas des nouvelles fractures sociales — coécrit avec Christophe Noyé — et, en 2010, Fractures françaises connaissent un réel succès critique, et plusieurs hommes politiques de droite et de gauche affirment s'inspirer des analyses de ce dernier essai[10]. Interrogé en mai 2013, Guilluy avance que « la France de la périphérie » se réfugie dans un vote protestataire. Selon lui,
« il n'est pas politiquement correct de dire que la majorité des Français se sent en insécurité face à la mondialisation. L'ouverture des frontières aux biens et aux marchandises, que ce gouvernement ne remet pas en cause, se traduit pour eux par la perte croissante d'emplois industriels et par l'augmentation du nombre d'immigrés. »
La France « invisible » aux préoccupations des hommes politiques formerait 60 % de la population[11]. Il oppose ainsi une bourgeoisie riche, vivant dans les centres des villes et profitant pleinement des effets du multiculturalisme, et la France des zones périurbaines, où les tensions entre les communautés sont plus fortes et où la perception de la diversité et de l'immigration est tout à fait différente. Cette différence de perception s'exprime dans le vote de cette France « invisible » parce que « les questions identitaires comptent beaucoup dans les milieux populaires[12]. »
Pour le géographe Laurent Chalard qui lui a consacré un article en 2017 dans la revue Outre-Terre, Christophe Guilluy, coupable de ne « pas être issu du sérail » et d’avoir « volé la vedette aux mandarins d’une communauté réputée pour sa fermeture et son entre-soi », ferait l’objet de critiques « irrationnelles » de la part de chercheurs qui feraient mieux de prendre ses analyses au sérieux[15].
« Si la France périphérique est devenue le mainstream de la pensée territoriale dans les médias et les partis de gouvernement, elle suscite une très large opposition parmi les chercheurs en sciences sociales », rappellent également les géographes Aurélien Delpirou et Achille Warnant[16].
Ainsi, pour l'économiste Denis Clerc, « prétendre que 45 % des naissances en Île-de-France proviennent de la population issue de l'immigration est une aberration. ». De plus, d'après Clerc, la migration résidentielle des classes populaires en périurbain proviendrait davantage du désir de maison individuelle que du renchérissement de l'immobilier consécutif à la demande des « bobos »[17].
Le géographe Michel Lussault reproche, de son côté, à Christophe Guilluy de cristalliser l'imaginaire géographique du « néoconservatisme à la française » en présentant les campagnes comme automatiquement opposées aux villes en les dépeignant de façon nostalgique et surannée[18]. Le géographe Samuel Depraz lui reproche une lecture dichotomique du territoire français[19]. Le sociologue Olivier Galland lui reproche pour sa part de valider implicitement la théorie du Rassemblement national sur les quartiers populaires gagnants, par rapport aux espaces ruraux, et sur le « complot des élites contre le peuple »[20].
Eugénie Bastié, journaliste au Figaro, voit cependant en lui l’un de ces intellectuels « victimes du politiquement correct ». Ostracisé, selon elle, par les universitaires pour « avoir touché à la thématique identitaire », il serait pourtant l’un des plus fins observateurs de la recomposition sociale et territoriale à l’œuvre[21].[pertinence contestée]
Le Crépuscule de la France d'en haut, Paris, Flammarion, , 272 p. (ISBN978-2-08-137534-5)
No Society. La fin de la classe moyenne occidentale, Flammarion, 2018, 196 p.
Le temps des gens ordinaires, Flammarion, 2020, 322 p.
Dialogue Périphérique, avec Sacha Mokritzky, éditions du Zinc, 148 p. (ISBN9782380740127).
Les dépossédés, L'instinct de survie des classes populaires, Flammarion, 2022, 204 p. (ISBN2080290134)
Notes et références
↑ a et bAlexandre Devecchio, « Présidentielle : Christophe Guilluy, l'homme qui avait tout vu », Le Figaro, (ISSN0182-5852, lire en ligne, consulté le )
↑« Comment une politique de rénovation peut aboutir à une déstructuration physique, sociale et sociologique d'un espace ? : de l’îlot XI à la ZAC des Amandiers : l'exemple de Ménilmontant », mémoire de maîtrise en géographie urbaine (dir. Jean-Philippe Damais et X. Grosse), Paris-I, 1987.
↑Christophe Guilluy, interviewé par Patrice de Méritens, « Christophe Guilluy : "La France des invisibles doit retrouver sa place" », Le Figaro Magazine, semaine du 19 décembre 2014, pages 109-111.