Un « chef d’état-major général de la défense nationale » est nommé en 1938 mais « c'est un faux départ »[2] : il ne possède aucune structure administrative qui lui serait propre, et ses attributions sont confiées au chef d'état-major de l'Armée de terre, le général d'armée Maurice Gamelin[2].
C'est en novembre 1943, sous le Gouvernement provisoire de la République française, qu'un officier général se voit pour la première fois confier un commandement interarmées, c'est-à-dire qu'il est placé au-dessus des chefs d'état-major des armées de Terre, Air et Mer dans l'ordre hiérarchique[3]. Il s'agit du général de corps d'armée Antoine Béthouart, nommé chef d'état-major général de la Défense nationale ; le général d'armée Alphonse Juin lui succède le [JORF 1].
Néanmoins, à partir de 1946, la Quatrième République marginalise le chef d’état-major général de la défense nationale, tout d'abord en lui retirant son qualificatif de « général » le , puis en remplaçant le général d'armée Juin par un général de division en 1947[4]. La marginalisation s’accélère avec le décret du « portant regroupement des états-majors généraux de la Guerre, de la Marine et de l'Air et création de l'État-Major général des forces armées » (EMGFA)[5]. Au bout de quelques mois, l'état-major de la défense nationale est supprimé et l'EMGFA devient donc le seul état-major interarmées[6].
Le décret du , en confiant à Alphonse Juin la fonction nouvelle d'inspecteur général des forces armées, fait de celui-ci le président du comité des chefs d’état-major, le vice-président du Conseil supérieur des forces armées et enfin le conseiller du gouvernement pour les questions de défense[7]. Ces attributions font de lui le chef d'état-major des armées de jure, bien qu'il n'en reçoive pas le titre dans les faits. En 1953, la nomination du maréchal Juin au commandement interarmées du secteur Centre Europe conduit à une trop grande concentration de pouvoir entre ses mains, ce qui pousse le gouvernement à lui retirer la présidence du comité des chefs d'état-major[7]. Cette dernière est confiée à un officier général titré « chef d’état-major général des forces armées » (CEMGFA).
Le général d'armée Paul Ély, nommé chef d’état-major général des forces armées par décret du , est de facto le premier chef d'état-major des armées[JORF 3].
Entre février 1959 et novembre 1961, le chef d'état-major général des armées perd sa prééminence au profit du puissant chef d'état-major général de la défense nationale (CEMGDN) qui devient « conseiller militaire du gouvernement et la plus haute autorité militaire »[8]. La fonction est occupée par Paul Ély de février 1959 à février 1961 puis par le général Jean Olié[9] de mars à octobre 1961[10]. En novembre 1961, le CEMGDN perd son titre de « plus haute autorité militaire »[11] puis en juillet 1962, l'état-major général de la défense nationale redevient le secrétariat général à la défense nationale, comme dans l'entre-deux-guerres et comme entre 1950 et 1958. Le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale est aujourd'hui l'héritier direct de ce secrétariat général à la défense nationale. Par ailleurs, l'état-major général de la défense nationale cède ses responsabilités spécifiquement militaires à l'état-major interarmées. Celui-ci prend le nom d'état-major des armées, l’EMA d'aujourd'hui. Le général d'armée Charles Ailleret est nommé à sa tête[12],[13].
Intitulé de la fonction
La fonction de chef d'état-major des armées a connu différents intitulés :
Chef d'état-major général de la défense nationale (1943-1947) ;
Président du comité des chefs d'état-major généraux des forces armées (1951-1952) ;
Inspecteur général des forces armées, président du comité des chefs d'état-major généraux des forces armées et vice-président du Conseil supérieur des forces armées (1952-1953) ;
Chef d'état-major général des forces armées (1953-1956) ;
Chef d'état-major général des forces armées, inspecteur général des forces armées (1956-1958) ;
Chef d'état-major général des armées, inspecteur général des forces armées, président du comité des chefs d'état-major (1958-1959) ;
Chef d'état-major général des armées (1959-1961) ;
Chef de l'état-major interarmées (1961-1962) ;
Chef d'état-major des armées (1962-1980) ;
Chef d'état-major général des armées (1980-1981) ;
Chef d'état-major des armées (depuis 1981).
Responsabilités et autorités
Le chef d'état-major des armées assiste le ministre des Armées dans ses attributions relatives à l’emploi des forces. Il est responsable de l’emploi opérationnel des forces. Sous l’autorité du président de la République, chef des armées, et du gouvernement français, et sous réserve des dispositions particulières relatives à la dissuasion, le chef d’état-major des armées assure le commandement des opérations militaires. Il est le conseiller militaire du Gouvernement [14].
Sous l'autorité du ministre de la Défense, le chef d’état-major des armées est responsable :
De l’organisation interarmées et de l’organisation générale des armées ;
De l’expression du besoin en matière de ressources humaines civiles et militaires des armées et des organismes interarmées ;
De la définition du format d’ensemble des armées et de leur cohérence capacitaire ;
De la préparation et de la mise en condition d’emploi des armées. Il définit les objectifs de leur préparation et contrôle leur aptitude à remplir leurs missions. Il élabore les doctrines et concepts d’emploi des équipements et des forces ;
Du soutien des armées. Il en fixe l’organisation générale et les objectifs. Il assure le maintien en condition opérationnelle des équipements ;
Du renseignement d’intérêt militaire. Il assure la direction générale de la recherche et de l’exploitation du renseignement militaire et a autorité sur la direction du Renseignement militaire ;
Un « chef d’état-major général de la défense nationale » est nommé en 1938 mais il ne possède aucune structure administrative. C'est en novembre 1943, sous le Gouvernement provisoire de la République française, qu'un officier général se voit pour la première fois confier un commandement interarmées. Néanmoins, à partir de 1946, la Quatrième République marginalise le chef d’état-major général de la défense nationale et au bout de quelques mois, l'état-major de la défense nationale est supprimé. Entre février 1959 et novembre 1961, le chef d'état-major général des armées perd sa prééminence au profit du puissant chef d'état-major général de la défense nationale (CEMGDN) qui devient « conseiller militaire du gouvernement et la plus haute autorité militaire ». En novembre 1961, le CEMGDN perd son titre de « plus haute autorité militaire » puis en juillet 1962, l'état-major général de la défense nationale redevient le secrétariat général à la défense nationale, comme dans l'entre-deux-guerres et comme entre 1950 et 1958.
Inspecteur général des forces armées, président du comité des chefs d'état-major généraux des forces armées et vice-président du Conseil supérieur des forces armées
↑En février 1959, Paul Ely devient chef d’état-major général de la défense nationale (CEMGDN) jusqu'à son départ à la retraite en février 1961. Jean Olié lui succède à ce poste de mars à octobre 1961. Durant cette période, le chef d'état-major général des armées perd sa prééminence au profit du puissant chef d'état-major général de la défense nationale qui devient la « plus haute autorité militaire nationale ».
↑« Décret no 59-262 du 7 février 1959 relatif aux attributions du chef d’État-Major général de la défense nationale », JORF, 10 février 1959, p. 1797-1798 ; « Décret no 59-267 du 7 février 1959 relatif aux attributions du chef d’État-Major général des armées », JORF, 10 février 1959, p. 1 802.
↑« M. le général d'armée Olié (Jean) est nommé chef d’état-major général de la défense nationale à compter du 1er mars 1961. », décret du 15 février 1961 portant affectation d'un officier général de l'armée de terre, journal officiel du 16 octobre 1961, p. 1747.
↑« Décret no 61-1231 du 14 novembre 1961 relatif aux attributions du chef d’État-Major général de la défense nationale », JORF, 15 novembre 1961, p. 10506-10507.
↑« Alors que les premiers dirigeants de la IVe République avaient laissé péricliter l'état-major général de la défense nationale jusqu'à finalement le supprimer, la Ve République à ses débuts renforce cet état-major et l'installe en position centrale. Son chef devient à la fois « conseiller militaire du gouvernement » et « plus haute autorité militaire nationale ». Confié au général d'armée Paul Ély, le poste surclasse sans conteste celui du chef d'état-major général des années, dévolu au général d'armée Gaston Lavaud, qui dépend lui directement du ministre éponyme », Défendre la France - L'héritage de De Gaulle à la lumière des enjeux actuels, Nouveau Monde Editions, 2020, pp. 30-33.
↑« Dès son retour au pouvoir en juin 1958, le général de Gaulle restaure le modèle qu’il avait lui-même établi au printemps 1944. Si le premier EMGDN [état-major général de la défense nationale] avait été centré sur la figure d’Alphonse Juin, le général d’armée Paul Ély incarne cette période de renouveau. Arrivé en janvier 1959 après une courte période de transition assurée par le vice-amiral Georges Cabanier, un ancien Français libre ayant brièvement occupé le poste de SGPDN adjoint en 1953-1954, Paul Ély prend le titre de chef d’état-major général de la défense nationale, ce qui fait de lui la plus haute autorité militaire française. Ce poste, qui s’inscrit pour lui dans le prolongement du rôle de chef d’état-major général des forces armées qu’il occupait depuis mars 1956, le place sous l’autorité du Premier ministre et non plus du ministre de la défense. Sa fonction est bien, par nature, interministérielle. Ély occupe ainsi une position centrale et sommitale qui est encore celle du général d’armée Jean Olié qui lui succède en mars 1961, après avoir été chef de l’état-major particulier du Président de la République. », Le SGDSN, 110 ans d’histoire - 1958-1962 : le second EMGDN, une éphémère remilitarisation site sgdsn.gouv.fr.
Philippe Vial, « La genèse du poste de chef d’état-major des armées. Entre nécessité et inquiétude, de la veille de la Première Guerre mondiale à la fin de la guerre d’Indochine », Revue historique des armées, no 248, , p. 29–41 (ISSN0035-3299, lire en ligne, consulté le )