Les Charrúas opposèrent une forte résistance à la colonisation espagnole, le premier épisode étant connu est la mort de Juan Díaz de Solís pendant sa découverte du Río de la Plata (mais il est aussi possible que ce soit une autre tribu autochtone qui l’ait tué). L’épopée de la résistance à la conquête espagnole par cette ethnie a donné lieu à de nombreux ouvrages littéraires, comme Tabaré de Juan Zorrilla de San Martín. Les Charrúas ont vraisemblablement continué à se battre avec les troupes de José Gervasio Artigas, contre les Espagnols, ou encore contre les Portugais. Puis petit à petit, ils furent surnommés les Salsipuedes (ou sauve-qui-peut en français) à cause de leurs technique de guerilla qui consistaient à prendre l’ennemi par surprise et à disparaître ensuite, le harcelant sans relâche.
Un génocide
Dans le but d’accéder pleinement à leurs terres et imposer la souveraineté de l’État uruguayen émergeant, les Charrúas furent conviés à la négociation d’un traité pour un vivre ensemble au bord des rives du ruisseau Salsipuedes par les hommes de Bernabé Rivera, neveu du généralFructuoso Rivera, premier président de l’Uruguay. Cette rencontre fut toutefois une mascarade pour conduire un massacre des Charrúas et le démembrement des familles afin d’éteindre leur résistance et leurs droits collectifs. Plusieurs hommes, femmes et enfants moururent lors de cette occasion. Des mesures furent mises en place afin de s'assurer que les survivants, dont plusieurs furent pourchassés, ne constituent plus une menace pour l'État et la propriété privée. Les hommes furent déportés à l'étranger tandis que les femmes et les enfants furent répartis parmi les officiers et les propriétaires terriens pour être mis en servitude. L'histoire orale relate que cette servitude dura jusqu'à la fin de la dernière dictature en 1985. Plusieurs collectifs charrúas réussirent toutefois à se réfugier dans les bois de certaines estancias ou comme travailleurs ruraux où ils purent transmettre l'histoire de leur famille ainsi que leurs croyances, savoirs et pratiques ancestrales. Les autochtones en Uruguay furent toutefois confrontés à un génocide structurel allant plus loin que des campagnes d'extermination physique de leur présence se déployant en des techniques d'élimination faisant en sorte de créer un climat de peur parmi les survivants, mais aussi une honte envers leur identité et l'illusion que celle-ci est obsolète dans le contexte de la modernisation de l'État.
Une exposition en France
Les derniers Charrúas (une femme et trois hommes se nommant Senaqué, Tacuabé, Vaimaca Pirú et Guyunusa) furent envoyés à Paris en 1833 en vue d'être exhibés par une société française constituée pour l'occasion, devant un notaire de Montévidéo. L'exposition des autochtones dans une ruelle proche des Champs-Élysées n'eut finalement que peu de succès, mais trois des quatre autochtones moururent en France dans l'année de leur exhibition. Leurs squelettes furent conservés, comme aussi des bocaux de leurs organes, des fragments de peau et des moulages des trois corps, durant 170 ans dans les caves du laboratoire d'anthropologie biologique, situé dans le Palais de Chaillot[11].
Cette affaire fut révélée par le fondateur du Musée de l'Homme, Paul Rivet[12].
En 2002, grâce à la lutte des descendants du génocide de Salsipuedes les restes de Vaimaca Pirú furent rapatriés en Uruguay[13]. Le cacique est aujourd'hui enterré dans le Cimetière national à Montevideo tout près de Bernabé Rivera.
Culture
Ce peuple appartenait à l'ensemble pámpido et avait beaucoup de points communs avec le peuple Puelche (de la pampa argentine) et avec celui des Tehuelches (vivant en Patagonie). Au XVe siècle, il reçut de nombreuses influences culturelles du peuple amazonienGuaraní. Ce qui fait que les lexiques utilisés par les charrúas sont proches de ceux des guaranís, comme les noms de lieux ou encore les noms propres.
Les charrúas croyaient en un esprit du mal, appelé gualicho à qui ils attribuaient l'origine des maladies et de la mauvaise chance. Les sorciers-guérisseurs (curanderos) se chargeaient de pratiquer la magie pour effrayer les esprits malins.
Ils enterraient leurs morts généralement au pied d'une butte (ou tumulus) et, sur la sépulture, ils plaçaient les objets du mort : armes, ornements, peaux, etc. parce qu'ils croyaient en la vie après la mort et ils pensaient que les morts avaient besoin de leurs objets personnels.
Mode de société
Le peuple charrúa s'organisait en tribus, subdivisées en familles. Il y avait des chefs mais pas de réelle organisation sociale, toutes les familles étaient placées sur un même niveau, il n'y avait par exemple pas de différence pour les habitats ou les vêtements. Les chefs de tribus n'avaient pas de pouvoir particulier mais ils pouvaient avoir plusieurs femmes. Néanmoins, le noyau familial était le lien entre la mère et les enfants en bas âge qui avaient besoin de protection. Les femmes préparaient à manger alors que les hommes devaient chasser. Bien qu'initialement pacifiques, quelques tribus avaient quand même un chef de guerre et en cas de danger, c'était au conseil des anciens de se réunir pour prendre les décisions.
L'entraide entre les familles d'une même tribu était habituel, c'est ce qui permettait d'avoir une société solidaire.
Ils pratiquaient le troc avec des tribus voisines de qui ils obtenaient des récipients de céramique et de terre cuite, du coton et du maté.
Références
↑(es) Marisa Bucheli et Wanda Cabella, INE - Instituto Nacional de Estadística, El perfil demográfico y socioeconómico de la población uruguaya según suascendencia racial, Montévidéo, UNFPA - PNUD Uruguay, 62 p. (lire en ligne)
↑Dr. Antr. Andrea Olivera, « LA (RE)CONSTRUCTION D’UNE IDENTITE AUTOCHTONE DANS L’URUGUAY DE L’APRÈS
DICTATURE: : UN PROCESSUS DE DECOLONISATION ? », DESEXIL, EXIL, VIOLENCE - http://exil-ciph.com, (lire en ligne)
↑(es) Monica Michelena Diaz, « Indígenas en Uruguay: A 185 años de la Matanza de Salsipuedes - Espectador.com », espectador.com, 29/03/2016 15:51 (lire en ligne, consulté le )
↑(es) Gustavo Verdesio (Profesor del Departamento de Lenguas y Literaturas Romances en la University of Michigan, Ann Arbor.), « Un fantasma recorre el Uruguay: la reemergencia charrúa en un “país sin indios” » [« (en) A Spectre Is Haunting Uruguay: The Charrua Reemergence in “a Country without Indians” »], CUADERNOS DE LITERATURA VOL. XVIII N.º36, julio-diciembre 2014, p. 86-107 (ISSN0122-8102, lire en ligne, consulté le )
↑(en) Celina San Martin, Ana Maria Magalhaes, Mónica Michelena Díaz et Gustavo Verdesio, « Reemergencia indígena en los países del Plata: Los casos de Uruguay y de Argentina », https://conosurconversaciones.wordpress.com/, , p. 95 (lire en ligne, consulté le )
↑(es) Gustavo Sirota, UNER - Universidad Nacional de Entre Ríos, « Los charrúas de Maciá », Riberas, (lire en ligne, consulté le )
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↑(pt-BR) Fernanda Wenzel, « Tidos como extintos, índios charrua sobreviveram 'invisíveis' por décadas e hoje lutam por melhores condições de vida », BBC News Brasil, (lire en ligne, consulté le )
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(pt) José Basini Rodriguez, Indios num país sem índios: a estética do desaparecimento : um estudo sobre imagens índias e versoes étnicas no Uruguai. Tese do doutorado, Departimento do antropología social, Universidade Federal do Rio Grande do Sul, 2003.
(pt) Itala Irene Basile Becker, Os índios Charrua e Minuano na antiga banda oriental do Uruguai, Editora Unisinos, São Leopoldo, RS, Brasil, 2002, 248 p. (ISBN85-7431-088-3) (texte remanié d'une thèse)
(es) Serafin Cordero, El Charrua, Montevideo
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(es) Andrea Olivera, Devenir charrúa en el Uruguay: una etnografía junto con colectivos urbanos, Lucida Ediciones, Montevideo, 2016, 399 p.
(es) Andrea Olivera, « Charrúas urbanos en Uruguay: ¿Un proceso de etnogénesis? » in C. A. Casas Mendoza, J. G. Rivera González et L. E. Márquez Mireles (dir.), Sujetos emergentes: nuevos y viejos contextos de negociación de las identidades en América Latina. San Luis Potosí, Mexique, ECSyH Publicaciones, 2012, p. 95-110.
Paul Rivet, Les derniers Charruas, Société des Amis de l'Archéologie, 1930.
(es) Gustavo Verdesio, « El retorno del indio olvidado o los usos del pasado indígena en el imaginario uruguayo », Revista Canadiense de Estudios Hispánicos, 26, ½, 2001, p. 63-82.
Cyril Robelin, « Des « néo-réductions » au zoo humain, les parcours carcéraux de Vaimaca Péru et Guyunasa/Michaëla (chef et épouse Charrúas) », Histoire@Politique Revue du Centre d'histoire de Sciences Po, 52, 2024. https://journals.openedition.org/histoirepolitique/17763
Filmographie
Dario Arce Asenjo, Les derniers Charruas ou quand le regard emprisonne, 26 minutes, productions Chromatiques - TLM, 2003.