De façon générale, Adélaïde de Place constate que le recueil « stigmatise avec ironie les rengaines à la mode »[5]. À l'image de nombreuses œuvres de la période humoristique de Satie, les barres de mesure disparaissent de la partition[6].
Dans la première pièce, Celle qui parle trop, la femme qui parle trop s'exprime sur un « ostinato de croches volubiles » tandis que son mari, qui répond peu, « emprunte un air célèbre d'opéra-comique[note 2], mais s'impatiente sur un motif rythmé et saccadé », décrypte pour nous la musicologue[5]. Guy Sacre souligne que ce mouvement perpétuel de triolets change un peu des « notations désolées, des fragments, des lents bavardages », et apprécie cette « musique descriptive du meilleur aloi »[1].
En exergue de la deuxième pièce, Le porteur de grosses pierres, sont placés ces mots de Satie[6] :
« Il les porte sur le dos. Son air est narquois et rempli de certitude. Sa force étonne les petits enfants. Nous le voyons alors qu'il transporte une pierre énorme, cent fois plus grosse que lui. (C'est une pierre ponce.) »
Le mouvement figure une marche déséquilibrée, où des points d'orgue s'invitent régulièrement au milieu du flot de doubles croches[5], exprimant toute la difficulté du porteur face à la lourdeur des pierres transportées. Dans la pièce, une citation de l'opéra-comique Rip de Planquette se fait entendre, et au dernier accord, très dissonant dans son empilement de toutes les notes de la gamme par tons, la grosse pierre tombe, tordant « brusquement le cou à l'émotion »[1]. Vladimir Jankélévitch commente cette pièce et cette indication : « L'humour, chez Satie, ne sert-il pas à dégonfler la mégalomanie de la glorieuse apparence ? La redondance qui veut se faire aussi grosse que le bœuf est réduite à sa grenouillerie originaire[7] ».
Dans le troisième et dernier morceau, Regrets des enfermés, la plus réussie des trois pièces de l'ensemble selon Adélaïde de Place, ce sont les airs de Nous n'irons plus au bois et d'Une souris verte qui font d'ironiques apparitions[5].
Guy Sacre, La musique pour piano : dictionnaire des compositeurs et des œuvres, vol. II (J-Z), Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 2998 p. (ISBN978-2-221-08566-0), p. 2391-2392.