Carlo Osvaldo Goldoni, né le à Venise et mort le à Paris, est un auteur dramatiquevénitien, de langues toscane, vénitienne et française. Créateur de la comédie italienne moderne, il s’est exilé en France en 1762 à la suite de différends esthétiques avec ses confrères.
Biographie
Enfance et études
Né d’un père, Giulio Goldoni, initialement herboriste, puis médecin[1],[2], il est attiré dès son enfance par le théâtre en jouant avec des marionnettes proposées par son père et par son grand-père, fonctionnaire de la république de Venise. Il écrit ainsi sa première pièce, une comédie, dès l'âge de huit ans[3].
Ses parents l'ayant envoyé débuter des études de médecine à Rimini, en 1719-1720, Carlo Goldoni abandonne cette voie, quitte le collège pour accompagner une troupe de comédiens ambulants, fugue brièvement, puis revient à Venise.
En 1722, son oncle Paolo Indrich, procureur à Venise, l'incite à apprendre le droit. En 1723, son père l’inscrit à l’austère Collegio Ghislieri de Pavie, qui impose la tonsure et l’habit monastique aux étudiants. Sa mère souhaitant qu'il soit avocat, il poursuit des études de droit et, découvrant les comédies grecques et latines, commence à écrire. Lors de sa troisième année de droit, il compose un poème satirique, Il colosso, dans lequel il ridiculise les filles de certaines familles de la ville, ce qui ajouté à d’autres débordements le fait exclure du collège et l’oblige à quitter Pavie en 1725.
Il étudie à Udine puis à Modène, pour exercer une carrière d’avocat à Chioggia, puis à Feltre. Il revient dans sa ville natale de Venise où il réussit professionnellement comme avocat, jusqu'en 1747[4].
Il abandonne en effet peu à peu sa carrière de juriste pour s’occuper de théâtre et écrire des pièces. En 1732, après la mort de son père et pour échapper à un mariage qu’il ne désire pas, il part pour Milan, puis pour Vérone. Le directeur de théâtre Giuseppe Imer l’encourage à écrire dans la veine comique et lui présente Nicoletta Conio, que Goldoni épouse avant de revenir avec elle, une nouvelle fois, à Venise en 1743. Sa vie sera dès lors dédiée à ses activités théâtrales.
Sa carrière théâtrale en Italie
Sa première œuvre est une tragédie, Amalasunta, représentée sans succès à Milan : Goldoni accepte les critiques et, évoluant vers le drame italien en délaissant les règles d’Aristote, il fait jouer avec plus de succès Belisario en 1734.
Il écrit ensuite plusieurs tragédies. Il se rend vite compte que sa vocation est celle de la comédie. Il combine plusieurs influences, dont celle de la commedia dell'Arte et de Molière, et produit sa première œuvre véritable en 1738 avec L'uomo di mondo.
Il ne cesse alors d’écrire tout en parcourant l’Italie. Installé enfin à Venise, il collabore pour deux opéras avec Antonio Vivaldi (problème de dates s'il revient à Venise en 1743, comme dit plus haut, et collabore seulement à ce moment-là avec Vivaldi (mort en 1741), ou juste problème dans la phrase), est nommé directeur du teatro Sant'Angelo, dont il devient l’auteur attitré, et abandonne définitivement le barreau. Par son talent, il fonde la comédie italienne moderne avec des œuvres comme Momolo Cortesan (qui reste en partie improvisée) et La donna di garbo(it) composée lors du carnaval de 1743 (La Brave Femme, première comédie entièrement rédigée).
En 1757, une polémique l’oppose au traditionalisme de Carlo Gozzi. Cet auteur critique dans ses fiabe le réalisme dangereux des comédies de Goldoni ; il prend également la défense des comédies avec masques de la commedia dell'Arte, que Goldoni cherche à dépasser. Il est également critiqué par les partisans du théâtre baroque comme Pietro Chiari, dont le théâtre bouffon et poétique conquiert les spectateurs.
Ces querelles incessantes ainsi que l’état précaire de ses finances, l’incitent à accepter, en 1761, l’invitation d’Antonio Zanuzzi et plus largement des Comédiens-Italiens. La France lui propose un engagement de deux ans avec un salaire de 6 000 livres, ce qui représente le double de ce que lui versait Vendramin (avec qui Carlo Goldoni est, depuis 1752, en contrat pour le théâtre Saint Luc). Ce qu’il ignorait au moment de partir, c'est, d'une part, qu'un bon comédien du théâtre italien pouvait gagner jusqu'à 15 000 livres et, d'autre part, qu'avec la moitié, il était impossible de vivre décemment à Paris[5]
Goldoni mène aussi l’ambitieux projet de diriger le Théâtre-italien de Paris. Or les comédiens italiens ne lui offraient pas de diriger leur troupe, mais de leur fournir des pièces pour renouveler leur répertoire. Ses dernières pièces italiennes, Le baruffe chiozzotte (Baroufe à Chioggia) et Una delle ultime sere di Carnovale (Un des derniers soirs de Carnaval), sont représentées à Venise au début de 1762. C’est à cette même date qu’il effectue son voyage à Paris, en prenant son temps, en quatre mois.
Sa carrière en France
En 1762, il gagne la France. Il est nommé à la tête du Théâtre-Italien à Paris, y écrivant la plupart de ses pièces en français. Ce voyage en France est motivé par une discussion épistolaire qu'il entretenait avec ce théâtre depuis plusieurs années. Il est aussi sans doute dû à sa renommée dans les cercles littéraires et philosophiques français, qu'il admire. En majorité, ces pièces sont des échecs. Dans ses mémoires, il en reporte la faute sur les comédiens[6]. En 1765, il entre à la cour, notamment grâce à l'aide de Marie-Maximilienne de Silvestre[7], où il enseigne l’italien aux princesses royales. C'est à l'occasion des festivités accompagnant le mariage, en 1770, du futur Louis XVI et de Marie-Antoinette qu'il décida d'écrire Le Bourru bienfaisant : la pièce est représentée à la Comédie-Française en 1771.
Pendant plusieurs années, de 1784 à 1787, il écrit en français ses Mémoires pour servir à l’histoire de ma vie et celle du théâtre. Le roi lui accorde une pension. La Révolution la supprime en 1792, elle sera rétablie pour sa veuve par la Convention, à la demande de Marie-Joseph Chénier, le lendemain de sa mort. Carlo Goldoni meurt à Paris, dans le lit de Savinien de Bryas au 21 rue Dussoubs le , assez démuni et est inhumé dans le cimetière Sainte-Catherine.
Au total, Carlo Goldoni a écrit en 20 ans plus de 200 pièces d’importances diverses et dans différents genres : tragédies, intermèdes, drames, livrets d’opéra ou saynètes de carnaval ; ses comédies, écrites après 1744, assurent sa célébrité.
Carlo Goldoni a transformé la comédie italienne par ses productions plus que par ses écrits théoriques (Il teatro comico, 1750). Il a su garder le dynamisme de la commedia dell'arte et le jeu des masques en les associant à la comédie d’intrigue et en recherchant un certain réalisme dans la représentation des comportements. En Italie, il s'était heurté aux choix esthétiques de ses confrères, s'étant fait moquer par le dramaturge traditionaliste Carlo Gozzi, qui condamnait son réalisme dangereux, et critiqué par les partisans du théâtre baroque comme Chiari avec son théâtre bouffon et poétique. Ces oppositions et la désaffection du public le conduisirent à l’exil en France.
Il se proclamait toujours admirateur de Molière, tout en reconnaissant ne pouvoir égaler son génie. Il s’en différencie cependant par la légèreté des thèmes et par l’absence de pessimisme. Son œuvre est en effet marquée par sa confiance dans l’homme et son approche humaniste défend les valeurs de l’honnêteté, de l’honneur, de la civilité et de la rationalité. À l'image de Molière, il essaie aussi de critiquer les mœurs de ses contemporains. Certains de ses thèmes le rapprochent également de Marivaux[réf. nécessaire].
Les personnages qu’il a créés ne sont ni des abstractions vertueuses, ni des monstres immoraux ; plutôt : des représentants ordinaires du peuple et de la bourgeoisie. Ce regard amusé et moqueur sur les classes sociales dans un monde changeant fait toujours le charme de ses comédies, qui s’inscrivent aussi dans le courant des Lumières en luttant contre l’intolérance et les abus de pouvoir. Dans ses pièces italiennes, Goldoni n’aborde jamais les sujets touchant l’Église ni à la religion, alors que ses comédies en français ont souvent un ton anticlérical et critiquent l’hypocrisie des moines et du clergé.
Les pièces italiennes sont écrites en toscan littéraire, à la base de l’italien moderne, ou en dialecte vénitien, selon les moments et les lieux où elles ont été écrites.
Prolongements
L’époque moderne a redécouvert les œuvres de Carlo Goldoni. Des mises en scène brillantes ont marqué les mémoires comme celle, hyperréaliste, de La locandiera par Visconti en 1952, reprise à Paris en 1956. De même, les spectacles inventifs de Giorgio Strehler au Piccolo Teatro de Milan, repris plusieurs fois à Paris au théâtre de l’Odéon, en particulier Arlequin serviteur de deux maîtres entre 1977 et 1998 ont connu le succès. Au XVIIIe siècle, sous le titre : Le Valet de deux maîtres cette pièce devient un opéra-comique, comédie en un acte et en prose, mêlée d'ariettes, par le compositeur François Devienne, sur un livret de Jean-François Roger (1799).
Les pièces de Goldoni sont jouées de nos jours par de nombreuses troupes.
Un théâtre de Venise porte le nom de Teatro Carlo Goldoni.
Il servitore di due padroni (ou Arlecchino servitore di due padroni ; Arlequin serviteur de deux maîtres), 1745 (pour le canevas, entièrement rédigée en 1753)
Pérette-Cécile Buffaria, « Mettre en scène, évoquer ou analyser le « Molière italien » ? », in Maître et passeur. Per Marziano Guglielminetti dagli amici di Francia, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2008.
L'Impresario delle Smirne / L'imprésario de Smyrne, bilingue italien-français, édition et traduction par Jean-Philippe Navarre, Les Presses du Collège Musical, 2016.
Franck Médioni, Carlo Goldoni (Paris, Gallimard, 2015)
Fabien JOSSIF, Goldoni librettiste, Atelier National de Reproduction des Thèses, Lille, 2011.
↑E. de Silvestre, Renseignements sur quelques peintres et graveurs des XVe et XVIIIe siècles : Israël Silvestre et ses descendants (2e édition), (lire en ligne), p. 77-89