Le contexte : la protection des convois pendant la guerre de Succession d'Autriche
La guerre, qui a repris entre la France et l'Angleterre en 1744 (guerre de Succession d'Autriche) n'a vu se dérouler sur mer que deux batailles importantes. La première a lieu en 1744 devant Toulon afin de lever le blocus du port — imposé par la flotte de l'amiral Mathews — et d'en dégager une escadre espagnole qui s'y était réfugiée. Après cet affrontement, la Marine française, qui combat avec des effectifs très inférieurs à ceux de la Royal Navy — 51 vaisseaux contre 120 en 1744, sans compter les frégates — a réussi à éviter les grands engagements pour préserver les liaisons avec les possessions coloniales des Antilles, d'Amérique, d'Afrique et des Indes. Les Français ont donné la priorité à l'escorte des convois marchands ou de transports de troupes, organisés par le ministre de la marine, Maurepas. Ces missions ont été remplies avec succès de 1744 à 1747, au point que les chambres de commerce des ports ont adressé des félicitations aux officiers de la Marine de guerre, note l'historien Patrick Villiers[3].
La Royal Navy est de son côté empêtrée dans une interminable guerre contre l'Espagne commencée en 1739 et dans un lourd soutien à l'armée britannique engagée aux Pays-Bas autrichiens[4], ce qui l'oblige à disperser ses escadres un peu partout. Celle de la Manche, entre autres, était très importante, alors que les Français, après les deux échecs de leurs plans d'invasion de l'Angleterre avaient quasiment déserté ces eaux, n'y laissant agir que les corsaires.
La Royal Navy ne prend conscience du succès de la stratégie française qu'en 1746, ce qui suscite une vigoureuse réaction menée par des chefs nouveaux (Anson, Hawke) qui remplacent les vieux amiraux[5]. Ces derniers décident de serrer la côte française au plus près avec une nouvelle escadre, le Western Squadron, chargée de guetter l’arrivée ou le départ des convois (souvent prévenus aussi, par un service d’espionnage renforcé)[6]. Cette politique de blocus provoque en 1747 la reprise des grands affrontements navals sur la façade atlantique. Une première bataille a opposé les deux marines au large des côtes espagnoles en mai 1747. Cet affrontement s'est soldé par la défaite des 6 vaisseaux de La Jonquière et leur capture par les 14 d'Anson, le convoi ayant réussi en partie à s'enfuir.
Les forces en présence : un large avantage à la Royal Navy malgré les efforts français
À Versailles, on tire les leçons qui s’imposent de cet affrontement : la stratégie des convois escortés qui a bien fonctionné pendant presque trois ans est maintenant tenue en échec. Mais est-il possible d’en changer ? Renoncer aux convois escortés serait reconnaitre la suprématie de la Royal Navy devant les ports français, laisser sans protection le commerce colonial et accepter une quasi-rupture des liaisons avec les possessions françaises d’outre-mer. Un abandon bien évidemment impossible. Le Ministre de la Marine décide donc de renforcer l’escorte. Alors que La Jonquière ne disposait que de 6 vaisseaux dont 4 de petit gabarit, on porte la division à 8 vaisseaux dont 4 sont de véritables vaisseaux de force, le Tonnant (80 canons, vaisseau amiral), l’Intrépide (74), le Monarque (74) et le Terrible (74). Ils sont suivis par 4 vaisseaux de moyenne puissance, le Neptune (68 canons)[7], le Fougueux (64), le Trident (64) et le Severn (56), accompagnés par une frégate, le Castor (26 canons)[8]. Cette force respectable dispose donc de 554 canons servis par 3 500 marins et soldats[9], soit 250 canons de plus que n’en avait La Jonquière, sans tenir compte de la frégate qui ne doit normalement pas intervenir dans une bataille navale[10]. L’escorte compte aussi en neuvième position le Content, un navire armé de la Compagnie des Indes porteur de 60 canons. Mais la valeur militaire des navires de la Compagnie est faible. Leur armement ne doit pas faire illusion car leur équipage n'a pas le niveau d'entrainement de celui d'un vaisseau de guerre et il est moins nombreux en raison de la place laissée aux marchandises et aux passagers. L’armement n’est normalement prévu que pour faire face à des corsaires ou des pirates dans les mers du Sud, et éventuellement repousser un concurrent des compagnies adverses, anglaises ou néerlandaises[11].
Cette force est confiée à Henri-François des Herbiers de L'Estenduère (ou Létenduère), un commandant qui a fait ses preuves dans de précédentes missions d'escorte[12]. Il doit assurer la sécurité d’un immense convoi de 252 voiles qui se rassemble autour de l’île d'Aix à destination des Antilles. Un autre officier expérimenté, Conflans, ne cache pas son inquiétude. Dès le 14 juin, il écrit à Maurepas pour le mettre en garde : « Les ennemis, ne s’occupent plus que du soin de couvrir nos côtes, nous ôtent l’espérance de sauver aucune flotte ni vaisseau de guerre à moins d’un hasard singulier. L’aventure de M. de La Jonquière nous en fournit un triste exemple. Il serait plus avantageux que le commerce risquât moins jusqu’à la paix que d’aventurer tant de biens[13]. » Tout est dit. Mais peut-on demander à plus de 200 navires de se mettre à l’abri et de décharger en attendant la conclusion des interminables négociations de paix ? C’est bien sûr impossible, à moins d’accepter d'avance le tollé des armateurs et des chambres de commerce, sans parler d’avoir à encourir le reproche particulièrement déshonorant, au XVIIIe siècle, de couardise… L'avertissement n'est cependant pas vain, puisque Conflans fait lui-même l'expérience de l'efficacité du blocus anglais trois mois plus tard. Le 20 septembre 1747, il est blessé et capturé au large d'Ouessant alors qu'il se rend à Saint-Domingue pour y prendre son poste de gouverneur général[14].
Côté anglais, le Western Squadron est maintenant commandé par Edward Hawke, qui dispose, comme lors de la bataille du printemps précédent, de 14 vaisseaux. L’escadre s’est vue retirer son navire amiral de 90 canons, mais ce retrait est compensé par la présence de deux vaisseaux de force de 70-74 canons. Elle se compose du HMS Kent (74 canons), du Warspite (70), suivis d'un groupe important de vaisseaux moyens, le Devonshire (64/66, vaisseau amiral), le Yarmouth (64), le Monmouth (64), le Princess Louisa (60), le Windsor (60), le Lion (60), le Tilbury (60), le Nottingham (60), le Defiance (58), le Eagle (60), le Gloucester (50) et le Portland (50). Cette force puissante n’est curieusement pas accompagnée de frégates et on ne note la présence que d’une corvette, le Weazel (16)[15]. En laissant de côté la corvette, Hawke dispose de presque 860 canons, servis par 7 200 marins et soldats[16]. Avec 6 vaisseaux et 300 canons de plus que ce dont dispose L'Estenduère, la supériorité de l’escadre anglaise reste écrasante, même si l’historien anglo-saxon Tunstall fait remarquer que 3 vaisseaux anglais manquent de poudre[17]. Les vaisseaux de Hawke semblent avoir été radoubés récemment : ils ont des coques propres, ce qui leur donne un avantage en vitesse non négligeable par rapport à des adversaires dont les carènes sont incrustées de coquillages et d’algues.
Une bataille acharnée à huit contre quatorze
Le 17 octobre, le convoi de 252 navires quitte l’île d'Aix et commence à faire route vers le sud-ouest. L’escorte suit en ligne de front, par vent de travers arrière, sa vitesse réglée sur la navigation plus lente des navires marchands. Le 25 octobre, à 88 lieues au large du cap Finisterre, la frégate le Castor (26) signale des voiles inconnues au nord-ouest sur les arrières des Français. Il est 9 h 0 du matin. L'Estenduère, sur le Tonnant (80), pense d’abord qu’il s’agit d’une partie de son propre convoi dont il a été séparé pendant la nuit. Mais on se rend rapidement à l’évidence que c'est une escadre anglaise qui se rapproche. L'Estenduère ordonne au convoi, à la frégate, et au vaisseau de la Compagnie des Indes de poursuivre leur route, puis forme la traditionnelle ligne de bataille pour s’interposer.
Hawke est sur le HMS Devonshire (64/66). À la vue des voiles françaises il hisse d’abord le signal de « chasse générale », puis se ravise devant la belle contenance de l’escadre adverse et se forme à son tour en ligne de file. Comme au combat du printemps 1747, ce ne sont pas seulement deux forces qui se font face et s’observent, mais aussi deux cultures navales différentes. Côté français, les ordres sont clairs : le convoi est prioritaire et doit passer coûte que coûte. Côté anglais, l'objectif primordial est la saisie du convoi, ce qui ne devrait normalement pas poser de gros problèmes vu la disproportion des forces : l'escorte française devrait normalement s'enfuir… C’est d’ailleurs ce que ferait la Royal Navy si elle était confrontée à cette situation. Car on pratique aussi le convoi escorté côté anglais, mais en cas d'attaque ennemie impossible à repousser, l'escorte doit se replier et c'est le convoi qui est sacrifié. Cette politique permet à la Royal Navy de maintenir sa supériorité numérique alors que côté français on donne la priorité aux navires de commerce[18]. Compte tenu de cette logique, la bataille est inévitable.
Hawke, après un temps de réflexion, décide d’engager le combat en profitant de sa supériorité numérique pour envelopper l’escadre adverse[19]. Il fait rompre la ligne de file et ordonne de nouveau la chasse générale. L’affrontement commence vers 11 h 30. Le HMS Lion (60) et le Princess Louisa (60) sont les premiers au contact. Ils remontent la ligne française mais essuient le tir de tous les autres vaisseaux à leur passage. Avec l’arrivée des autres vaisseaux de Hawke, la ligne française est peu à peu prise sur les deux bords et le combat s’intensifie. Les Anglais tirent d’abord à mitraille et à boulets ramés pour fracasser les mâts et les agrès afin de paralyser leurs adversaires[20]. Les vaisseaux succombent les uns après les autres, après avoir démâté ou épuisé leurs munitions (ou les deux). Le Monarque (74), presque démâté, compte une quarantaine de coups reçus au niveau de la ligne de flottaison et donne fortement de la bande. Son commandant est tué à son poste. Le second officier doit baisser pavillon. Parmi les prisonniers se trouve le jeune Suffren (18 ans) qui gardera toute sa vie un souvenir mémorable de ce combat[21].
Après sept heures de lutte acharnée, 6 vaisseaux français ont été capturés. Les quatre les plus en arrière de la ligne de file vers 16 h 0, et deux autres, au centre, vers 19 h 0. La bataille devrait normalement toucher à sa fin. Elle redouble cependant d’intensité car les deux derniers vaisseaux livrent un combat réellement extraordinaire. L'Estenduère, sur le Tonnant (80) partiellement démâté, se bat encore à un contre cinq sous voiles basses. Quant à L’Intrépide (74), qui était en tête de la ligne française, il n’a pas encore trop souffert car il a été le dernier rattrapé dans la poursuite. Ce vaisseau est tenu de main de maître par un commandant très expérimenté, le marquis de Vaudreuil. Il échappe à ses poursuivants, vire de bord et traverse l’escadre ennemie pour se porter au secours de son chef. Cette brillante manœuvre sauve le navire amiral qui se dégage à son tour. Les Anglais, encombrés par leurs six prises et dont cinq vaisseaux sont à peu près dans le même état que les vaincus, ils sont épuisés. Ils tentent cependant de donner la poursuite, avec trois vaisseaux en bon état, le Nottingham (60), le Yarmouth (64) et l’Eagle (60)[22], mais la nuit tombe et l’obscurité couvre les fuyards. À l’aube, l'Intrépide réussit à prendre en remorque le Tonnant. La résistance et la retraite réussie de ces deux navires n'a pas pour seule origine la qualité de leur commandement. Le Tonnant et l’Intrépide sont des vaisseaux récents, maniables et puissants, sortis depuis peu des chantiers navals et bénéficiant d'une forte avance technologique sur les unités plus anciennes, y compris dans la Royal Navy[23]. Les deux vaisseaux arrivent sur Brest le 9 novembre 1747.
Le bilan discuté d'une bataille aujourd'hui oubliée
Les pertes françaises sont lourdes, bien que mal connues. Elles seraient peut-être de 800 morts et blessés[1]. Curieusement Michel Vergé-Franceschi ne donne aucun décompte, pas plus que Jean-Claude Castex, qui se contente de dire que les pertes « sont à peu près égales des deux côtés[20],[24]. » Les pertes anglaises se monteraient à 154 morts et 558 blessés, selon l’historien Joseph Allen qui écrit en 1852[1], ce qui donne effectivement, à 100 victimes près, des pertes totales (morts et blessés) à peu près équivalentes et qu'on peut compléter en signalant la mort du commandant du Nottingham[24].
Le sacrifice de 6 vaisseaux et de leurs équipages tués, blessés ou prisonniers, a-t-il permis de sauver le convoi ? La réponse reste discutée. Hawke laisse échapper les deux vaisseaux français survivants, mais relance la poursuite du convoi. La frégate le Castor (26), est rattrapée le 30 octobre avec les marchands les plus lents et se sacrifie à son tour : elle est capturée par trois vaisseaux anglais[20] qui semblent avoir saisi en même temps 7 navires marchands. Le sort des 245 navires restants sur la route des Antilles continue à faire débat. Michel Vergé-Franceschi soutient sans plus de précision que l’essentiel du convoi a été saisi par les Anglais[20]. L’escorte se serait donc sacrifiée inutilement[25]. Ce n’est pourtant pas l’avis de Jean Meyer et Martine Acerra qui soutiennent que le convoi a atteint sa destination[26]. C’est à peu de chose près la position de Patrick Villiers, spécialiste de la guerre de course, et qui précise que moins de 40 navires ont été pris sur 250, ce qui limite fortement l’impact de la victoire anglaise[27]. Cette position semble la bonne et a le mérite de fournir un décompte précis.
Avec le recul de l'Histoire, on peut analyser les conséquences de cette bataille en distinguant trois niveaux :
Le premier niveau est d'ordre politique : Pour l’Angleterre, cette bataille parait sur le moment une brillante victoire qui renforce sa position. Hawke exhibe en triomphe sur la Tamise les vaisseaux capturés et il est fait chevalier de l'Ordre du Bain. La bataille souligne la grande vulnérabilité des possessions coloniales et du commerce français, difficilement défendus par une marine de guerre insuffisante, mais on n'en perçoit aucune conséquence sur les discussions de paix commencées depuis des mois[28]. La guerre de Succession d'Autriche s'achève d'ailleurs sur ce qu'il faut bien appeler une victoire française en Europe et aux Indes, même si Louis XV, par conformité avec ses principes religieux sur une paix juste et équitable, rend toutes les conquêtes françaises[29]. En vérité, l'Angleterre, qui sort d'une guerre bien plus longue (elle avait commencé en 1739 contre l'Espagne) est heureuse d'en finir aussi, d'autant que les finances sont exsangues et que le désir de paix est tout aussi important qu'à Versailles : « Nous l’échappons belle » lâche le comte de Chesterfield après la signature des préliminaires de paix[30]. Tout est dit. La situation militaire en 1747-1748 n'est pas celle de 1759 (batailles de Lagos et des Cardinaux) ou de 1805 (Trafalgar). Les équipages internés en Angleterre vont être assez rapidement libérés avec la signature de la paix en 1748. Quant au commerce colonial français, un moment mis en danger par les défaites de 1747, il va repartir avec une exceptionnelle vigueur, au point d’être l’une des causes du conflit suivant.
Le second niveau est d'ordre militaire et porte sur la réorganisation de la flotte anglaise. La Royal Navy, qui a eu beaucoup de mal à venir à bout des nouveaux vaisseaux français de 74 canons intègre immédiatement les exemplaires saisis en 1747 à ses effectifs et se met à les copier[31]. L’amirauté anglaise va se lancer aussi dans une politique de réforme en profondeur en liquidant les vaisseaux trop vieux ou inadaptés, en rajeunissant le corps des officiers, en améliorant l’encadrement sanitaire, en renforçant la discipline, en construisant de nouvelles bases outre-mer… Ces réformes vont donner d’éclatantes victoires à la Navy lors du conflit suivant et contribuent à expliquer l’oubli dans lequel va glisser cette bataille, tout comme celle du cap Ortégal. Oubli qui perdure encore aujourd’hui, au point qu’il est difficile, comme on a pu l’entrevoir plus haut d’en faire un bilan humain et matériel précis. Les historiens français font de ce combat un récit le plus souvent succinct, quand ils n’omettent pas tout simplement d’en faire mention[32]. L'Estenduère, bon marin qui n’a jamais démérité dans les obscures missions d’escorte, n’est sorti de l’anonymat que le temps de ce combat. La bataille n'ayant pas eu d'incidence sur le sort de la guerre, elle va progressivement s'enfoncer dans l'oubli en y entrainant le chef français, d'autant qu'il décède peu de temps après au poste de commandant de la marine à Rochefort (1750)[33]. Aucun vaisseau de guerre français n’a jamais porté son nom.
Le dernier niveau est encore militaire et tient à l'évolution de la tactique de combat. Ce dernier n'a en effet pas été mené en suivant le schéma habituel de la ligne de file. Hawke a progressivement enveloppé l'escadre adverse pour la détruire navire par navire. Un choix tactique qui n'a été possible que parce qu'il disposait d'une forte supériorité numérique, comme d'ailleurs Anson au cap Ortégal. Ces deux batailles montrent que contrairement à ce qui a été trop souvent écrit, le combat en ligne de file n'était pas une loi d'airain et que les chefs anglais savaient s'en défaire si l'occasion s'en présentait. Côté français, L'Estenduère, vu l'infériorité de ses effectifs, n'avait de toute façon guère le choix, même si on constate dans tous les affrontements navals, que les Français sont fidèles à cette tactique qui a l'avantage, lorsque les deux flottes sont à égalité de limiter les risques, mais aussi les résultats. La plupart des batailles en ligne de file sont indécises, comme celle de Toulon en 1744 et permettent souvent aux deux camps de clamer victoire. Il faudra attendre Suffren, côté français pour remettre (très difficilement) en cause cette tactique, et les guerres révolutionnaires côté anglais pour s'en défaire cette fois définitivement en prenant l'habitude de briser la ligne ennemie, d'ailleurs sans attendre l'arrivée de Nelson aux commandes de la Royal Navy. Avant d'en arriver là, les deux marines se retrouveront lors de la guerre de Sept Ans et de la révolution américaine, mais c'est une autre histoire que celle qui nous intéresse ici…
Le marquis de L'Estenduère est chargé en octobre 1747 d'escorter avec 8 vaisseaux le grand convoi de 252 navires de commerce pour les Antilles.
Edward Hawke dispose avec le Western Squadron de 14 vaisseaux pour surveiller Brest et intercepter les convois français.
La bataille du Cap Finisterre se déroule au large du finisterre espagnol sur les lieux d'une première bataille livrée au même endroit au printemps précédent.
Le marquis de Vaudreuil qui manœuvre habilement l'Intrépide réussit à empêcher la capture de son chef sur le Tonnant et à dégager les deux vaisseaux.
Le Terrible et le Monarque dans un port anglais après leur capture. Ces deux vaisseaux ne se sont rendus qu'après un combat acharné.
Le Severn, le Terrible et le Neptune sous pavillon anglais vers 1750. Tous les bâtiments capturés sont intégrés à la Royal Navy.
Suffren, alors jeune officier, est capturé sur le Monarque et décrira ce combat comme l'un des plus glorieux conduit par la Marine royale.
La bataille achève de révéler les qualités des nouveaux vaisseaux français de 74 canons. Après 1747, les Anglais copient le modèle en grande nombre.
↑Le premier combat étant celui du cap Sicié en 1744 et le second celui de la bataille du cap Ortégal en mai 1747, sur le même lieu que la bataille que nous étudions ici.
↑Deux convois ont été organisés en mai et septembre 1744. Le 14 mai 1745 Maurepas a publié une ordonnance organisant les convois obligatoires sous peine de 500 l.t (livres tournois) d’amende pour le capitaine. En 1745, trois convois sont partis pour les Antilles (dont un de 123 voiles en septembre) et deux en sont revenus. L’escadre de huit vaisseaux du Bailli de Piosin a protégé l’arrivée à Cadix d’un convoi franco-espagnol de dix millions de piastres. En 1746, deux départs seulement, mais Conflans et Dubois de La Motte ont escorté sans perte 123 et 80 navires. La Galissonnière a ramené six navires de la Compagnie des Indes. En janvier 1747, Dubois de La Motte est rentré avec le convoi des Antilles estimé à 40 millions de l.t, soit deux fois le budget de la Marine (Villiers, Duteil et Muchembled 1997, p. 86–87).
↑L'expression est de Villiers, Duteil et Muchembled 1997, p. 84. Il s’agit de Towsend, Davers, Digby Dent ou Fox, lesquels se sont montrés incapables d’intercepter les convois français dans l’Atlantique les années précédentes. Des chefs aujourd’hui oubliés par l’Histoire. Lacour-Gayet 1902, p. 184-188. Notons qu’au même moment, l'Espagne, qui supportait les attaques anglaises sur ses colonies américaines depuis 1739 résistait aussi, la Royal Navy n'ayant réussi qu'à s'emparer de Porto-Bello. La Navy échouait devant Carthagène puis Santiago de Cuba. La marine anglaise des années 1740 « semble rouillée » note Zysberg 2002, p. 220.
↑Composition donnée par Cunat 1852, p. 14. Le Severn est un bâtiment d'origine anglaise capturé en 1746.
↑Composition des équipages fournie par Castex 2004, p. 84.
↑Rappelons que les frégates sont chargées de l’éclairage des gros vaisseaux, c'est-à-dire faire du renseignement, ainsi que porter les ordres et les dépêches.
↑Ce navire n’est d’ailleurs la plupart du temps pas mentionné par les historiens rendant compte du combat.
↑Henri-François Desherbiers, marquis de L'Estenduère (1682-1750) est un valeureux capitaine, qui a fait ses preuves dans de nombreux combats sous Louis XIV et dans de nombreuses missions d’exploration hydrographiques aux Indes et au Canada dans les années 1710–1730. Il est alors un habitué des missions d’escorte (Taillemite 2002, p. 333-334).
↑Composition de l'escadre anglaise donnée par Allen 1852, p. 162-163.
↑Pour les deux escadres, le nombre total de canons est obtenu par la simple utilisation d’une calculette. Michel Vergé-Franceschi parle d'une escadre anglaise de 20 vaisseaux mais sans fournir de précision et semble nettement se tromper (Vergé-Franceschi 2002, p. 602). La composition des équipages est fournie par Castex 2004, p. 84.
↑Beaucoup plus tard, lors de sa campagne aux Indes, Suffren se plaira à raconter dans le plus grand détail ce fait d’armes, qu’il considérait comme un des plus glorieux qui se fussent livrés sur mer (Monaque 2009, p. 43).
↑L'affirmation de Michel Vergé-Franceschi correspond au contenu de l'article en anglais qui précise que le convoi, laissé sans protection a été assailli et largement capturé par les corsaires des Antilles, mais sans citer de référence bibliographique.
↑Les rédacteurs de la version anglaise de l'article écrivent que l'affrontement aurait convaincu le gouvernement français de se mettre à la table des négociations pour sauver les Antilles françaises menacées de famine avec le blocus. Cette bataille aurait aussi incité Louis XV à rendre les Pays-Bas autrichiens lors des discussions de paix. Ces affirmations -sans référence bibliographique- apparaissent comme une sur-interprétation des faits et ne sont corroborées par aucun document d’époque ni témoignage des diplomates ou ministres ayant travaillé avec Louis XV à ce moment-là.
↑Rappelons, pour élargir le contexte, que l’armée anglaise a été régulièrement écrasée aux Pays-Bas autrichiens, dans l'actuelle Belgique. L’armée française y a récolté un magnifique chapelet de victoires à Fontenoy (11 mai 1745), à la bataille de Rocourt (11 octobre 1746) et à la bataille de Lauffeld (2 juillet 1747). Tous les Pays-Bas autrichiens sont conquis en 1747 et les Provinces-Unies menacée d’invasion avec la chute des forteresses de Berg-op-Zoom (16 septembre 1747) puis de Maastricht le (7 mai 1748), ce qui hâta les pourparlers de paix (Bély 1992, p. 506–513). Aux Indes, La Bourdonnais et Dupleix avaient repoussé toutes les attaques anglaises et conquis la grande place anglaise de Madras. Sur le traités de paix d'Aix-La-Chapelle, on peut consulter, outre l’ouvrage de Lucien Bély, les pages éclairantes de la biographie de Michel Antoine (Antoine 1993, p. 398-403).
↑La guerre a coûté 40 millions de livres à l'Angleterre. Anecdote citée par Zysberg 2002, p. 237.
↑« Je puis seulement vous dire que l’Invincible surpasse à la voile toute la flotte anglaise. Je ne puis m'empêcher de penser que c'est une honte pour les Anglais qui font toujours grand cas de leur marine » déclarait Keppel après inspection du vaisseau capturé au cap Ortégal. Cité par Meyer et Acerra 1994, p. 91. Le vaisseau va être intégré à la Royal Navy sous le nom de HMS Invincible et va être à la base d'une nouvelle série de vaisseaux de ligne, la Valiant Class, qui formera l'ossature de la marine anglaise jusqu'en 1815 (Acerra et Zysberg 1997, p. 68). Les deux 74 canons capturés au cap Finisterre, le Monarque et le Terrible subissent le même traitement.
↑C’est le cas par exemple de Lucien Bély, qui n’en souffle mot dans son ouvrage majeur (Bély 1992). Même chose du côté d’André Zysberg, pourtant spécialiste de la guerre navale, qui signale la création du Western Squadron, mais sans rien dire des deux batailles de 1747 alors qu’il consacre de très longues pages à la guerre de Succession d’Autriche (Zysberg 2002, p. 234). Michel Antoine ne la mentionne pas dans les presque mille pages de son imposante biographie de Louis XV (Antoine 1993). Jean Béranger et Jean Meyer signalent brièvement la bataille du cap Ortégal, mais laissent de côté celle du cap Finisterre (Meyer et Béranger 1993, p. 193). Jean Meyer se rattrape lorsqu’il écrit l’Histoire de la Marine française avec Martine Acerra : tous deux font un récit assez circonstancié du combat et de ses conséquences (Meyer et Acerra 1994, p. 100), de même que Patrick Villiers (Villiers, Duteil et Muchembled 1997, p. 84-85 et 87). Le récit fourni par Michel Vergé-Franceschi dans son Dictionnaire d’Histoire Maritime est extrêmement bref et on peine à le compléter avec le compte-rendu brouillon, pour ne pas dire bâclé de Jean-Claude Castex qui se trompe de date (14 octobre au lieu du 25), change le nom de L’Etenduère en « Létendeur », transforme le marquis de Vaudreuil en « comte », et enfin modifie la puissance de feu de l’Intrépide en le faisant passer à 80 canons… (Castex 2004, p. 84-85). En combinant tous les récits et analyses on obtient une bonne contextualisation de la bataille, mais on doit se contenter, comme le lecteur a pu le voir, de détails limités sur les péripéties du combat.
Alain Boulaire, La Marine française : De la Royale de Richelieu aux missions d'aujourd'hui, Quimper, éditions Palantines, , 383 p. (ISBN978-2-35678-056-0)
Garnier Jacques (dir.), Dictionnaire Perrin des guerres et des batailles de l'histoire de France, Paris, éditions Perrin, , 906 p. (ISBN2-262-00829-9)
Jean Meyer et Jean Béranger, La France dans le monde au XVIIIe siècle, Paris, éditions Sedes, coll. « Regards sur l'histoire », , 380 p. (ISBN2-7181-3814-9)
Martine Acerra et André Zysberg, L'essor des marines de guerre européennes : vers 1680-1790, Paris, SEDES, coll. « Regards sur l'histoire » (no 119), , 298 p. [détail de l’édition] (ISBN2-7181-9515-0, BNF36697883)
André Zysberg, Nouvelle Histoire de la France moderne, t. 5 : La monarchie des Lumières, 1715-1786, Point Seuil,
Patrick Villiers, Jean-Pierre Duteil et Robert Muchembled (dir.), L'Europe, la mer et les colonies XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, Hachette supérieur, coll. « Carré Histoire » (no 37), , 255 p. (ISBN2-01-145196-5)
H.-E. Jenkins (trad. de l'anglais), Histoire de la marine française : des origines à nos jours, Paris, Albin Michel, , 428 p. (ISBN2-226-00541-2)
Jean-Claude Castex, Dictionnaire des batailles navales franco-anglaises, Laval (Canada), éditions Presses Université de Laval, (ISBN2-7637-8061-X, lire en ligne)
Guy Le Moing, Les 600 plus grandes batailles navales de l'Histoire, Rennes, Marines Éditions, , 620 p. (ISBN978-2-35743-077-8, OCLC743277419)
Lucien Bély, Les relations internationales en Europe au XVIIe – XVIIIe siècle, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Thémis », , 731 p. (ISBN978-2-13-044355-1)
En anglais
(en) Joseph Allen, Battles of the British navy, vol. 1, Londres, Henry G. Bohn, , 604 p. (lire en ligne), p. 165