La répartition du capital est fonction du nombre d'esclaves possédés ou cédés. À Saint-Louis on constate que les négociants européens représentent des chiffres modestes en comparaison des mulâtres et des Noirs. Par rachat de titres, la maison bordelaise Maurel détient 73 % du capital, les autres actionnaires étant cinq maisons dont Teisseire et Beynis, une seule marseillaise Charles Bohn et cinq mulâtres.
Banque privée, elle est dotée du pouvoir de l'émission de billets de banque au porteur pour 20 ans renouvelé en 1874. Toutefois, au début, les échanges commerciaux continuent d'être réglés avec les monnaies de commodité ou moyens d'échanges traditionnels : poudre d'or, cauri, barre de fer, thaler de Marie-Thérèse ou piastres d'argent du même poids, pagne de coton, bloc de sel gemme compressé, entre autres.
Elle finance les campagnes des traitants (achat de produits tropicaux, vente de produits manufacturés).
En 1867, elle ouvre une agence à Gorée (transférée à Dakar en 1884) puis en 1899 à Rufisque.
Après 1894, le pouvoir d’émission sera renouvelée d’année en année, le Gouvernement français envisageant la création d’une nouvelle banque pouvant émettre dans les autres colonies d’Afrique.
1901-1965 : la Banque de l’Afrique occidentale (BAO)
Jusqu’à la Première Guerre mondiale
La crise économique de 1889 à 1899 en Afrique a touché les négociants et la banque. Le Comptoir national d'escompte de Paris (CNEP) qui la refinance en France va jouer les intermédiaire et négocier avec les maisons bordelaises peu actives au-delà de la Guinée pour faire entrer au capital les sociétés marseillaises.
Le par dissolution et apport, elle devient la Banque de l’Afrique occidentale dont les actionnaires sont les maisons bordelaises (60 %), le CNEP (20 %), les Marseillais (20 %) : la Société marseillaise de crédit, Monte et Borelli et la compagnie maritime Cyprien Fabre et Cie. Le siège est fixé à Paris, 28 rue de Provence. La banque est banque d’émission, de prêt et d’escompte. Son activité est autorisée au Sénégal, en Guinée française, Côte d’Ivoire, Dahomey, Congo et plus étrangement dans les pays étrangers de la côte occidentale d’Afrique. Henri Nouvion, ancien directeur de la Banque du Sénégal, devient le premier Administrateur-Directeur Général de la Banque de l’Afrique Occidentale.
En 1929, le privilège d’émission de la banque est prorogé et étendu à l'Afrique-Équatoriale française, Cameroun et Togo. Son capital est augmenté avec des actions réservées aux gouvernements généraux, des parts bénéficiaires sont créées au profit de l’État qui perçoit une redevance sur la circulation. La BAO devient une société d'économie mixte sur laquelle s’exerce la tutelle d’un Commissaire du gouvernement.
Seconde Guerre mondiale
Dès , l’Afrique équatoriale se rallie à la France libre sous l’impulsion de Félix Éboué. Le Gouvernement de Vichy supprime le privilège d’émission en AEF par application des lois des 9, et .
En AEF, le est créée la Caisse centrale de la France libre chargée de l'émission monétaire. Le , une ordonnance autorise la CCFL à émettre de la monnaie à partir du . Les billets de la BAO sont surchargés de la Croix de Lorraine ou mentions diverses.
Le le Franc CFA[2] est créé par décret comme monnaie légale, entre autres, des colonies françaises en Afrique subsaharienne[3].
Après-guerre
En 1946, l’opposition des députés représentant les territoires africains fait échouer un projet de nationalisation de la BAO.
Le est créé l'Institut d'émission de l'Afrique occidentale française et du Togo, la BAO perd définitivement le privilège d’émission.
Les actions détenues par l’État sont cédées à des banques privées : Crédit commercial de France, Compagnie algérienne de crédits et de banque, Banque belge d'Afrique, Rothschild Frères (Georges Pompidou en sera le représentant au conseil d’administration) et à la Cie française d'Afrique occidentale (CFAO).
La BAO redevient une banque privée avec une activité purement commerciale.
En 1960, année de l'indépendance de nombreux pays africains, la BAO a 38 agences en Afrique. La même année elle s’implante au Nigéria en ouvrant une agence à Kanopuis à Lagos en 1961. Sa succursale de Guinée est nationalisée.
1965-1989 : la Banque internationale pour l'Afrique occidentale (BIAO)
En 1965, une nouvelle banque est créée, la Banque Internationale pour l'Afrique Occidentale (BIAO) dont le siège est à Paris, 9 avenue de Messine. La BAO lui apporte ses actifs et passifs bancaires. Elle cesse ses activités bancaires et change de raison sociale devenant la Compagnie Financière France-Afrique « COFIFA ». La COFIFA détient 51 % du capital, la First National City Bank of New York en détenant 49 %.
La COFIFA, cotée à la bourse de Paris est détenue à 51 % par le CNEP, puis par la BNP après sa création en 1966.
Au début des années 1970, certains gouvernements africains obligent à la création de banques de droit local et à une africanisation du capital. Les succursales africaines sont regroupées en filiales par pays d’implantation : en 1974, BIAO Cameroun et Mauritanie, en 1975, Haute-Volta.
Une politique d’africanisation des cadres est mise en place.
En 1970, elle s’installe à Bastia et crée une filiale au Zaïre. En 1972, elle prend une participation dans la Hamburg Africa Bank, banque allemande spécialisée dans le financement du commerce entre l’Allemagne et l’Afrique. Elle ouvre une succursale à Athènes qui sera reprise en 1980 par son actionnaire, le CCF.
Le , le Ministre des Finances autorise la Citibank à céder sa participation au Banco do Brasil (20 %), à l'Union de banques suisses (20 %) et à des intérêts publics africains (Cie Interafricaine de banque holding Luxembourg (10 %)).
En , elle achète avec le CCF à Londres une banque qui devient la Banque française de Commerce international.
Pendant toutes ces années, la BIAO développe son réseau. Elle continue à financer les campagnes de produits agricoles d’exportation : arachides, coton, café et cacao.
Elle participe aux financements des grands projets industriels et d’équipements des pays dont certains se développent à un rythme rapide.
Ses résultats fluctuent avec l’économie des pays et l'importance des récoltes, les cours des matières premières.
Son activité subit aussi le contrecoup des agitations politiques, changement de régime, nationalisation et parfois guerre.
La fin
En 1988, la banque connaît de graves difficultés, conséquence des prêts faits aux États africains dans une situation difficile consécutive au choc pétrolier. La COFIFA apporte dans un premier temps 105 M F. mais la commission de contrôle des banques exige le provisionnement pour 600 M F. de ces risques souverains. Le cours des actions de la COFIFA est suspendu et la BNP prend alors le contrôle de la BIAO.
Après l’échec de la négociation pour la reprise du groupe avec la Standard Bank of South Africa, un accord intervient en 1991 entre le liquidateur et le Groupe Meridien International Bank Ltd, d’origine zambienne, qui reprend la plupart des actifs à l’exception des filiales bancaires du Cameroun, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal qui avait déjà fait l’objet d’accords séparés.
En 1995, le groupe Méridien connaît à son tour de graves difficultés, les principales filiales bancaires en Afrique sont alors reprises par les États ou des intérêts privés des pays où elles sont installées.
Le nom BIAO en tant que banque subsiste encore dans quelques pays africains
En France, les agences du Bordelais, s'appelèrent successivement Banque européenne du Sud- Ouest puis Banque du Dôme à l'existence éphémère.
Implantation géographique en 1989
En 1989, la banque comptait 530 collaborateurs en France et 6 000 à l’étranger. Elle était présente :
en France à Paris, Lyon, Marseille, Nice, Bordeaux, Toulouse, Bastia et Ajaccio,
à Monaco, Hambourg, Londres et New-York à travers des succursales,
en Afrique à travers ses filiales et banques associées :
Jacques Alibert: De la vie coloniale au défi international: Banque du Sénégal, BAO, BIAO ; 130 ans de banque en Afrique - Chotard et Associés Éditeurs, 1983
Yves Ekoué Amaïzo: Naissance d’une banque de la zone franc, 1841-1901. La Banque du Sénégal- Paris, L’Harmattan, 2001.
Jean-Luc Aubert: Les billets de la banque de l'Afrique Occidentale. Chez l'auteur. Dépôt légal 1999