Au XVIIe siècle, les monuments qui fixent la double perspective de l’avenue sont indépendants l’un de l’autre. Le dégagement du palais du Luxembourg s’oriente vers la Seine par la rue de Tournon, le sud étant obstrué par le couvent des Chartreux. L’Observatoire est isolé, au-delà des limites de la ville, parmi les moulins et les vignes et négocie l’élargissement de son emprise vers la rue du Faubourg-Saint-Jacques. L’idée de relier les deux édifices vient des astronomes qui entendent matérialiser le méridien de Paris. Antoine Vaudoyer et Jean-François Chalgrin élaborent une allée plantée allant du Luxembourg jusqu’à la rue Cassini, tout en déviant, légèrement à l’est, le méridien[1].
En 1790, l'ordre des Chartreux est supprimé. La chartreuse de Paris est confisquée et vendue comme bien national. Une loi du 27 germinal l'an VI () prévoit le percement de plusieurs voies à l'emplacement de l'enclos des Chartreux : l'avenue de l'Observatoire, la rue de l'Ouest (actuelle rue d'Assas) et la rue de l'Est (partie de l'actuel boulevard Saint-Michel). L'espace entre la rue de l'Est et l'avenue de l'Observatoire n'est pas loti mais réservé à l'établissement d'une pépinière. L'extrémité méridionale de cette avenue porte le nom de « Carrefour de l'Observatoire », jusqu'en 1811[3].
Le , après un rapide procès organisé par la Chambre des pairs, le maréchal Ney, ancien prince de la Moskowa, est exécuté entre l’entrée de l’avenue de l’Observatoire et la grille du jardin du Luxembourg, le long du mur d’un enclos correspondant aujourd'hui à l’emplacement de la station RER Port-Royal.
Pierre-Nicolas Berryer, avocat du maréchal, évoque dans son livre de souvenir ce passage macabre : « Le mur qui était en construction et ses débris furent bientôt recouverts de son sang ; la foule empressée se précipita pour en recueillir les moindres traces, avec la même ardeur que s’il se fût agi des morceaux de la vraie croix (…) ».
Une draisienne, ancêtre de la bicyclette est expérimentée à Paris par son inventeur, le baron badoisKarl von Drais, en avril 1818 à ce même carrefour, à proximité des jardins de l'abbaye de Port-Royal[4],[5].
Le photographe Gyula Halász, plus connu sous son nom d'artiste Brassaï, est l'auteur de nombreuses photographies artistiques prises dans le quartier Montparnasse, dont l'une représente l'avenue en plein brouillard, un soir de l'année 1934.
No 1 (et 7, rue Auguste-Comte) : immeuble très ornementé construit en 1923 par l’architecte Henri Delormel[7] pour un commanditaire surnommé, selon un ancien propriétaire de l’immeuble, « le quincaillier de la Reine d’Angleterre » car il fournissait des robinetteries pour les paquebots anglais. Le « quincaillier » se suicida peu avant la fin des travaux en découvrant qu’une actrice dont il était amoureux, et à laquelle il avait l’intention d’offrir l’immeuble, le trompait[8]. En 1939, le bâtiment est mis à prix 1 800 000 francs lors d'une vente au Palais de justice[9]. L'ornementation en est remarquable : on peut y observer des consoles soutenues par des têtes de lions et des oriels soutenus par des têtes d’éléphants enroulant leur trompe autour d’une boule. En façade, on note également l’évolution des visages sculptés aux différents niveaux, immédiatement au-dessous des balcons. Au premier niveau, ce sont des têtes de bébés, puis, à l’étage au-dessus, des têtes d’adolescents ; ensuite, au niveau supérieur, des têtes d’adultes font office de support. Au dernier étage, enfin, ce sont des personnages d’âge mûr.
No 29 : les parents de Romain Rolland vivaient dans un appartement[12] où l'écrivain, futur prix Nobel de littérature, vint habiter, après son divorce en 1901.
No 31 : emplacement du bal Bullier, ouvert de 1847 à avant 1939, et jadis le siège social du Comité des fêtes de la Rive gauche, important acteur du Carnaval de Paris et, en particulier, des fêtes de la Mi-Carême[13]. À cet endroit s'élèvent le centre universitaire Jean-Sarrailh et le restaurant universitaire.
« […] parmi la population sage et recueillie qui, lorsque le ciel est beau, meuble infailliblement l’espace enfermé entre la grille sud du Luxembourg et la grille nord de l’Observatoire, espace sans genre, espace neutre dans Paris. En effet, là, Paris n’est plus ; et là Paris est encore. Ce lieu tient à la fois de la place, de la rue, du boulevard, de la fortification, du jardin, de l’avenue, de la route, de la province, de la capitale ; certes, il y a de tout cela : c’est un désert. Autour de ce lieu sans nom, s’élèvent les Enfants-Trouvés, la Bourbe, l’hôpital Cochin, les Capucins, l’hospice de La Rochefoucauld, les Sourd-Muets, l’hôpital du Val-de-Grâce ; enfin tous les vices et tout les malheurs de Paris ont là leur asile ; et pour que rien ne manquât à cette enceinte philanthropique, la Science y étudie les marées et les longitudes ; M. de Chateaubriand y a mis l’infirmerie Marie-Thérèse ; et les Carmélites y ont fondé un couvent. […] Cette esplanade, d’où l’on domine Paris, a été conquise par les joueurs de boules, vieilles figures grises, pleines de bonhomie, braves gens qui continuent nos ancêtres, et dont les physionomies ne peuvent être comparées qu’à celles de leur public, à la galerie mouvante qui les suit. »
Notes et références
Notes
↑Également dénommé sous le nom d' « attentat des jardins de l'Observatoire ».
↑Également dénommé « jardins de l'Observatoire », appellation qui, cependant, désigne un autre espace public.
Références
↑Bruno Institut français d'architecture, La métropole imaginaire: un atlas de Paris [exposition, Paris, Institut français d'architecture, 1989], Mardaga, (ISBN978-2-87009-393-1).