André Mathieu est le fils du pianiste et compositeur Rodolphe Mathieu et de la violoniste Wilhelmine « Mimi » Gagnon. Il compose ses premières pièces pour piano à l'âge de quatre ans (Les Gros chars ; Trois études). Une nuit, alors qu’il a cinq ans, André Mathieu improvise au piano une pièce qui sera intitulée Dans la nuit. Pour la première fois, il crée une œuvre à partir de sons provenant du plus profond de son être et qui n'est pas une imitation ou une traduction sonore d'événements réels. Wilhelmine Gagnon encourage dès lors le père de Mathieu à s’investir complètement dans l’enseignement musical de son fils[3]. À cinq ans, il donne également son premier concert en public à Montréal en interprétant son Concertino no 1 avec orchestre.
Il obtient en septembre 1936 une bourse du Québec pour aller étudier le piano à Paris avec sa famille[4]. Il le fait avec Yves Nat et Madame Giraud-Latarse, première assistante d'Alfred Cortot. Il étudia aussi l'harmonie et la composition avec Jacques de la Presle puis donna un récital, toujours à Paris, en décembre de la même année à la salle Chopin-Pleyel ; il n'avait alors que sept ans. Après un autre récital donné à la salle Gaveau le , Il donne le , un concerto au Séminaire de Sainte-Thérèse ; Émile Vuillermoz écrit : « Si le mot "génie" a un sens, c'est ici que nous pourrons le déchiffrer[5]. » Puis : « Car je ne sais pas encore si le petit André Mathieu deviendra un plus grand musicien que Mozart, mais j’affirme qu’à son âge Mozart n’avait rien créé de comparable à ce que nous a exécuté, avec un brio étourdissant, ce miraculeux garçonnet[6]. » Quant à Rachmaninov, il dit au sujet d’André Mathieu : « Il est plus génial que je ne le serai jamais[7] » et affirma qu’André Mathieu était le seul pouvant avoir la prétention d’être son successeur[8]. Malheureusement, le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en 1939 empêcha le retour de la famille Mathieu à Paris.
André Mathieu partit alors en tournée de concerts, dont deux seront donnés avec la Société des Concerts Symphoniques de Montréal. Il donna également des récitals au Town Hall à New York, au Château Laurier d’Ottawa et au Château Frontenac à Québec. Peu de temps après, il reçut de nouveau une bourse d’études du Québec.
En 1941, il déménage à New York avec sa famille afin de poursuivre ses études musicales avec son professeur de composition, Harold Morris. Il remporte à douze ans le premier prix du Concours de composition du 100e anniversaire de l’Orchestre philharmonique de New York en 1942, et joue son Concertino no 2 pour piano et orchestre au Carnegie Hall, une salle de concert où il revient deux fois dans l’année qui suivit. Mais malgré ses succès, ses progrès et le renouvellement de sa bourse d’études, André Mathieu s’ennuyant du Canada, ses parents décident d’effectuer un retour à Montréal[9].
En 1943, alors qu’il est âgé de seulement quatorze ans, il termine la composition de l’œuvre maîtresse de sa carrière, son Concerto no 3 pour piano et orchestre, appelé successivement Symphonie Romantique, Concerto Romantique et finalement Concerto de Québec en raison du film canadien La Forteresse, tourné à Québec, dans lequel est jouée une version abrégée du concerto. Puis, malgré les critiques toujours élogieuses après ses récitals, le public québécois lui, commence déjà à déserter André Mathieu. Ce dernier, devenu adolescent, ne suscite plus la curiosité que son statut d’enfant prodige engendrait quelques années auparavant[10].
Mathieu retourne seul à Paris en 1946 pour étudier la composition avec Arthur Honegger et Jules Gentil. Il assiste aussi à un cours de maître donné par Alfred Cortot pendant lequel il fut invité à jouer. Après que Mathieu eut terminé, Cortot lui dit : « Monsieur, vous êtes un des plus grands pianistes que je connaisse, et croyez-moi je les ai tous entendus. Donnez-moi un an de votre vie, Monsieur, je ferai de vous le plus grand pianiste du siècle. » Mathieu répondit : « Mais je ne suis pas pianiste, je suis compositeur ![11] » Au cours de son séjour en Europe, André Mathieu donne vingt-trois récitals, et il remporte chaque fois un véritable triomphe. Mais en 1947, alors qu'il a dix-huit ans, déçu par ses professeurs, à court d’argent et s’ennuyant de sa famille, il décide de revenir au Canada.
De retour à Montréal, Mathieu est rayonnant, confiant et a plusieurs projets en tête : partir en tournée à travers le Canada, enregistrer son Concerto no 3 pour une compagnie canadienne et retourner à Paris un an plus tard[12]. Il ne parviendra à en réaliser aucun. Le , il joua son Concerto no 3 en direct sur les ondes avec l’orchestre de Radio-Canada[13]. La même année, il amorça la composition d'un quatrième concerto, qui, après quelques représentations partielles, fut pendant longtemps oublié (sa redécouverte fut faite lors d'un concert à Shanghai en 2010 et suivi d'un enregistrement CD intégral). Le succès du Concerto no 3 fit croire à André Mathieu que sa popularité au Canada était bonne, mais en réalité, le public québécois, préférant la musique populaire, n’est pas intéressé par ses pièces : en 1948 et 1949, il ne donna qu’une poignée de récitals[14]. De plus, la Société des Concerts symphoniques de Montréal ne l’invita pas et aucune de ses œuvres, à part le Concerto no 3, ne fut éditée ou enregistrée.
Alors la carrière d'André Mathieu déclina, il tomba peu à peu dans l'oubli et sombra dans l'alcool. Malgré tout, jusqu’à la fin de sa vie, André Mathieu tentera à de nombreuses reprises de relancer sa carrière et de rejoindre son public, mais échouera chaque fois. En 1953, il soumit une de ses pièces à Léopold Stokowski pour qu’elle soit jouée au Carnegie Hall dans le cadre d’une soirée consacrée à des œuvres canadiennes[15]. En 1962, André Mathieu envoya au Conseil des Arts du Canada une demande pour obtenir une bourse afin de suivre des cours de perfectionnement en orchestration pendant un an à Paris[16]. En 1967, il travailla durant des semaines à l’orchestration de sa Rhapsodie Romantique en vue de la faire jouer par l’Orchestre symphonique de Montréal, mais Wilfrid Pelletier refusa finalement l’œuvre[17]. En 1968, un projet de tournée dans la province avorta en raison d'un manque d'intérêt du public[18]. Mais les tentatives les plus désespérées furent ses pianothons, épreuves surhumaines pendant lesquelles il joua au piano sans s’arrêter pendant un nombre d’heures record (il jouait ses œuvres et ensuite il improvisait). Ces événements médiatisés ne lui rapportèrent que des sommes d’argent insignifiantes et la désapprobation du milieu musical québécois qui jugeait qu’ils étaient indignes d’un pianiste-compositeur[19].
Pendant les dernières semaines de sa vie, André Mathieu fut souvent malade. Le , alors qu’il a trente-neuf ans, il est retrouvé mort dans son lit à la suite d'un infarctus du myocarde ou d’une cirrhose du foie[20]. Le , il fut inhumé au cimetière Côte-des-Neiges de Montréal, sans monument ni même une mention de son nom[21]. André Mathieu laissa derrière lui plus de 200 œuvres, mais parce qu’elles ne furent pas cataloguées convenablement, seulement un quart environ a été retrouvé jusqu’à présent[22].
Rhapsodie romantique (1958), dédiée à Marie-Ange Mathieu, orchestré par Gilles Bellemare.
Suite pour deux pianos
Les Vagues, Saisons canadiennes
Piano et violon
Sonate pour violon et piano (1944)
Nocturne pour violon et piano (1945)
Fantaisie brésilienne (1946)
Mélodies
Mélodies, sur des poèmes de Verlaine par exemple. (Il pleure dans mon cœur ; Les chères mains ; Colloque sentimental ; Le ciel est si bleu…)
Ballet
Scènes de ballet (Berceuse, Complainte, Dans les champs, Danse des espiègles) (1944-1945)
Trio
Trio pour piano, violon et violoncelle (1949)
Quatuor à cordes et piano
Quintette (1953)
Discographie
Symphonie romantique pour piano et orchestre (Concerto de Québec), Scènes de ballet, Philippe Entremont, piano, Michel Plasson, chef d'orchestre, Orchestre National du Capitole de Toulouse, Analekta AN 2 9803, 1998. Enregistré en .
Rhapsodies : Mathieu, Rachmaninov, Gershwin. Enregistrement présentant trois rhapsodies interprétées en concert en par le pianiste Alain Lefèvre et l'Orchestre symphonique de Montréal sous la direction de Matthias Bamert. Cet événement marquait la création de la Rhapsodie romantique d’André Mathieu, Analektra AN 2 9277, 2006[34].
Concerto no 4 et œuvres pour chœur et orchestre, Alain Lefèvre, piano, chœur et Orchestre symphonique de Tucson (Arizona) sous la direction de George Hanson, Analekta, enregistré en concert en 2008.
↑Lefebvre, Marie-Thérèse, Rodolphe Mathieu : L'émergence du statut professionnel de compositeur au Québec, 1890-1962, Sillery, Septentrion, , 278 p. (ISBN978-2-89448-408-1), p. 208