Alice Joséphine Marie Million est née le à Nantes (Loire-Atlantique, alors Loire-Inférieure)[1]. Ses parents, Édouard et Joséphine Million, tiennent une épicerie rue Guépin, dans le centre-ville de Nantes[2]. À 19 ans, elle devient préceptrice des enfants d'une famille anglaise, découvre le sport qu'elle commence à pratiquer assidument, et voyage avec eux à travers le monde. Elle a tout juste 20 ans quand elle épouse à Londres, le , Joseph Milliat, un jeune Nantais employé de commerce, qui meurt quatre ans plus tard[3].
Bien que n'étant pas une sportive émérite depuis sa jeunesse, Alice Milliat choisit de se consacrer à l'aviron qu'elle pratique au Fémina Sport, club du 14e arrondissement de Paris, dont elle devient la présidente en 1915[4],[5]. Elle est la première femme à remporter le brevet Audax rameur 80 km pour avoir réalisé cette distance dans une embarcation légère et dans le temps imposé[5].
Avant la fin de la Première Guerre mondiale, en , les responsables des clubs de sport féminins créent la Fédération des sociétés féminines sportives de France (FSFSF), qui regroupe des clubs déjà existants comme le Fémina Sport (1912) ou En Avant, autre club parisien (1912)[6],[7],[8]. Le docteur Raoul Baudet en est le premier président et Mme Surcouf la première présidente. Alice Milliat est tout d'abord trésorière, puis secrétaire générale en avant d'accéder à la présidence le [4].
En , Alice Milliat organise le meeting d'éducation physique féminin international à Monte-Carlo, où se rencontrent des représentantes de cinq pays : France, Grande-Bretagne, Italie, Norvège et Suède[4]. Devant le succès rencontré, elle crée la Fédération sportive féminine internationale (FSFI), le [7],[4]. Elle est élue présidente, et son domicile du 3 rue de Varenne à Paris devient le siège social de la Fédération.
La Fédération sportive féminine internationale participe à l'organisation de Jeux mondiaux féminins en alternance avec les Jeux olympiques. Les premiers s'ouvrent à Paris au stade Pershing le [10],[11], soit deux ans avant les Jeux olympiques officiels. L’événement mobilise 20 000 personnes venues assister à ces jeux où se rencontrent des athlètes de cinq pays dans onze compétitions sportives[12]. L'Association internationale des fédérations d'athlétisme (IAAF) décide face à ce succès, de créer une commission chargée de la mise en place de compétitions athlétiques féminines aux niveaux national et olympique en collaboration avec la FSFI[12].
Alice Milliat est ainsi à l'origine des premiers Jeux olympiques féminins, à une époque où les épreuves sportives au féminin sont jugées « inintéressantes, inesthétiques et incorrectes » par le Comité international olympique (CIO) de Pierre de Coubertin. Pour l'historien et pédagogue français, la femme est avant tout une reproductrice destinée à « couronner les vainqueurs »[13].
En 1926, la Suède accueille la seconde édition des Jeux olympiques. À partir des Jeux de 1928 à Amsterdam, l'athlétisme apparaît comme discipline olympique. Alice Milliat devient la première femme juge lors des épreuves d'athlétisme des hommes[11],[13]. Toutefois, cette ouverture aux femmes lui semble trop partielle[3].
Le , elle renomme les jeux olympiques féminins en championnats du monde féminins, pour ménager la susceptibilité du CIO[3]. En 1932, le CIO restreint le nombre d'épreuves ouvertes aux femmes, et les exclut des jurys. Le gouvernement cesse également de distribuer des subventions et la militante s'épuise à trouver de nouvelles sources de financement[14] Ces jeux mondiaux perdurent jusqu'en 1936, date où l'IAAF intègre la FSFI dans ses structures et proclame leur fin, malgré sa demande d'organiser des jeux séparés tant que les femmes sont mises à l'écart de nombreuses compétitions[3],[6].
Alice Milliat, qui parle couramment trois langues, est la principale ambassadrice de la défense du sport féminin en Europe[15]. Malade et décriée pour le lancement d'une loterie destinée à l'acquisition d'un terrain d'entraînement, elle se retire définitivement de la scène sportive en 1935[16]. L'année suivante, la Fédération sportive féminine internationale (FSFI) disparaît de la scène internationale.
Selon le biographe Stéphane Gachet dans Alice Milliat, les 20 ans qui ont fondé le sport féminin, la militante, issue d'une formation de sténodactylo, accepte des travaux de secrétaire bilingue ou de traductrice jusqu'à la fin de sa vie[13].
Mort
Veuve et sans enfant, Alice Milliat meurt le , dans le 12e arrondissement de Paris[17],[2]. Elle est inhumée au cimetière Saint-Jacques dans le quartier sud de Nantes, dans la concession no 10990 de la famille Brevet, celle de sa mère. Son nom a longtemps été absent de sa sépulture, jusqu’à ce qu’en 2020, ses descendants collatéraux décident d’y apposer une plaque[18],[19].
Postérité et hommages
En 1982, l'écrivain André Drevon lui consacre la biographie Alice Milliat, La pasionaria du sport féminin[13]. En 2019, le Nantais Stéphane Gachet publie Alice Milliat, les 20 ans qui ont fondé le sport féminin.
La postérité d'Alice Milliat se poursuit avec la Fondation Alice Milliat, qui a pour but de promouvoir le sport féminin en créant des événements à l’échelle européenne et en labellisant des projets œuvrant pour le sport féminin et la mixité. L’entité est fondée le à l'INSEP, à l’occasion du lancement du « 11 Tricolore – la France au rendez-vous », en présence du président de la République François Hollande.
Le , une statue d'Alice Milliat est mise en place dans le hall du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) à Paris, aux côtés de celle de Pierre de Coubertin, dans le but de reconnaître et de saluer le travail d'Alice Milliat pour la juste reconnaissance du sport féminin[21].
(en) Mary H. Leigh et Thérèse M. Bonin, « The Pioneering Role Of Madame Alice Milliat and the FSFI in Establishing International Trade and Field Competition for Women », Journal of Sport History, vol. 4, no 1, , p. 72-83 (lire en ligne [PDF], consulté le )
Annick Davisse, Léo Lorenzi et Jane Renoux, Olympie : la course des femmes, Le Havre, La Courtille, (ISBN2-7207-0063-0).
Stéphane Gachet, Alice Milliat : les 20 ans qui ont fondé le sport féminin, La Compagnie du Livre, (ISBN979-10-93644-34-9).
Florence Carpentier, « Alice Milliat et le premier « sport féminin » dans l’entre-deux-guerres », 20 et 21 : Revue d'histoire, no 142, , p. 93-107 (lire en ligne)
[bande dessinée] Didier Quella-Guyot, Laurent Lessous, Marie Millotte et Chandre, Alice Milliat pionnière olympique (bande dessinée), Petit à Petit, , 64 p. (ISBN9782380461046)[36]
Fondation Alice Milliat Sa vie, son combat, son héritage. La Fondation Alice Milliat est la première fondation européenne en faveur du sport au féminin. Créée en réponse aux inégalités de genre dans le sport, elle est abritée par la Fondation de France et reconnue d'utilité publique. Directeur de publication : Éric Florand.
↑ a et bGhislaine Quintillan, « Alice Milliat et les Jeux féminins », Revue olympique, vol. XXVI, no 31, , p. 27-28 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
↑ a et bMusée national du Sport, Sportives (Plaquette d’une exposition) (lire en ligne), p. 10.
↑ ab et cIAAF, Tables de Cotation de l'IAAF pour les Epreuves Combinées, (réimpr. 2004) (lire en ligne [PDF]), p. 28.
↑ abc et dChrystelle Bonnet, Anne-Sophie Bourdet (ill. Pénélope Bagieu), « A Contre-Courant - Super-Héroïnes : Les vies méconnues et extraordinaires des pionnières du sport », L'Equipe, .