Reporter-photographe de presse, Alfred Machin travaille un temps au journal L'Illustration. Il est ensuite recruté par la puissante firme Pathé, qui l'envoie en Afrique à partir de 1907. Il en rapporte des scènes filmées de chasse, des courts-métrages d'aventures et animaliers. Les scènes qu'il tourne de la vie des grands fauves font sensation. Au péril de sa vie, il n'hésite pas à recourir à des plans rapprochés. Il figure aussi parmi les pionniers de l'image aérienne[2]. La performance est saluée par la presse française et étrangère. En décembre 1907, Machin, accompagné du chasseur bâlois Adam David, quitte la France pour filmer dans la région du Soudan. Les deux aventuriers remontent le Nil Blanc jusqu'en amont de Fachoda puis ils suivent le Dinder, un affluent du Nil Bleu, qui descend de l'Abyssinie. Là, ils trouvent une riche faune et des sites pittoresques, dignes d'être cinématographiés. Cependant, une bonne partie de ces images ne seront pas exploitables. Alfred Machin réussit tout de même à finaliser deux films : Chasse à l'hippopotame sur le Nil Bleu (1908) et Chasse à la panthère (1909). Il rentre en France en septembre 1908 et entreprend, quelques mois plus tard, toujours pour Pathé Frères, un deuxième voyage à travers l'Afrique, accompagné cette fois de Julien Doux, un jeune cinéaste français de 19 ans. Via Alexandrie, Le Caire et Khartoum, ils remontent le Nil sur deux grandes felouques et, en , l'expédition atteint le « cœur de l'Afrique ». Ils rentrent en France le et présentent un premier montage d'images prises le long du Nil : En Afrique Centrale, Fachoda. Cette deuxième expédition a produit environ une vingtaine de films, répartis en 3 séries : Voyage en Afrique (8 films), Les Grandes Chasses en Afrique (6 films) et Voyage en Égypte (4 films). Certaines images de l'expédition servent également à composer une anthologie des documentaires, diffusée en 1910 et 1911, et un long métrage : Voyages et grandes chasses en Afrique[3].
Alfred Machin s'emploie un temps à la direction de la photographie pour deux succursales spécialisées de Pathé : la « Comica » et la « Nizza », établies à Nice. La Comica est consacrée à la farce, la Nizza au cinéma animalier. Pathé charge le réalisateur de développer une industrie cinématographique aux Pays-Bas puis l'envoie en Belgique en 1912 comme directeur artistique de l’une des filiales de Pathé, la Belge Cinéma Film. Charles Pathé confie à Alfred Machin la mission d'exploiter le premier studio de cinéma en Belgique. Le fonctionnement de la Belge Cinéma Film a constitué un laboratoire incontestable de la stratégie internationale de cette entreprise cinématographique[4].
C'est d'ailleurs en 1912, à la chaussée de Gand (Molenbeek-Saint-Jean), que prend naissance le cinéma belge. Plusieurs films de qualité, dont La Fille de Delft mais aussi le pacifiste et prémonitoire Maudite soit la guerre (en couleurs peintes au pochoir), sont tournés par Alfred Machin dans l'environnement des studios du château du Karreveld. Le cinéaste commande l'exécution dans ce lieu d'un studio vitré, des ateliers, une infrastructure pour les artistes ainsi qu'un mini-jardin zoologique qui accueille des animaux exotiques tels que des ours, des chameaux et des panthères[5]. Il utilise également Mimir la panthère comme personnage dans plusieurs de ses films.
Peu après la Première Guerre mondiale, Alfred Machin ouvre Les Studios Machin dans l'ancien studio Pathé-Nice, à quelques kilomètres de Nice[6], qui deviendront une grande entreprise familiale. Sa femme, Germaine Lecuyer interprète plusieurs rôles. Tout comme Claude Machin ou Cloclo (1921-1978), l'un de ses trois fils, qui joue ainsi quelques rôles d'enfants dans les films de son père[7]. Tout est réalisé par l'entreprise sauf la pellicule ; le studio est notamment équipé de sa propre centrale électrique qui fournit quelque 8 000 ampères et d'un laboratoire. Il y a également une ménagerie et une très spacieuse volière. Machin a même négocié avec la compagnie locale un arrêt de tramway à sa porte[8].
Dresseur d'animaux passionné, Alfred Machin adopte un chimpanzé du nom d'Auguste. Il admire son intelligence et lui apprend de multiples tours pour les besoins de films documentaires ou de comédies animalières. Le singe tourne dans Cœur des gueux avec l'interprète Maurice Féraudy. La production nécessite plusieurs mois de préparation et la construction d'une dizaine de grands décors[8]. Le film suivant est une fiction entièrement jouée par des animaux : Bête comme les hommes (1924). Insolite, celui-ci ne suscite pas l'enthousiasme du public français mais obtient un certain succès en Amérique du Nord. Alfred Machin est un cinéaste très prolifique. Il signe plus de cent films. Pour l'essayiste Francis Lacassin[9], il a permis, grâce à ses expérimentations et à ses innovations, une importante évolution du cinéma.
Une de ses panthères le blesse grièvement à la poitrine lors d'un tournage. À la suite de cet accident, la santé du cinéaste décline. Il meurt en 1929 d'une embolie à Nice, après avoir achevé Robinson Junior.
↑Ce livre évoque le contexte du travail de Machin en Afrique.
↑Avec une publication en fin d'ouvrage de 20 scénarios pour lesquels aucun matériel film n'a pu être retrouvé à ce jour.
↑Quelque deux cents documents et le témoignage de ses collaborateurs rassemblés par Francis Lacassin font d'Alfred Machin, de la jungle à l'écran un ouvrage qui permet de découvrir un grand pionnier de l'histoire du cinéma français, hollandais et belge.
↑ a et bRené Prédal, « Le cinéma français sur la Promenade des Anglais », Cinéma, no 114, , p. 79-80
↑Francis Lacassin, Alfred Machin, de la jungle à l'écran, Paris, Dreamland, 2001.
↑Ce documentaire offre un intérêt historique car ce sont les plus anciennes tournées à Madagascar. V. à ce propos la manifestation sur Regards comparés Madagascar organisée par Africultures en 2003 africultures.com).
↑L'intrigue tourne autour d'une femme qui aime les animaux et ne peut pas s'empêcher de les ramener chez elle.
↑Un film social et progressiste marquant du réalisateur français qui met en scène l'exploitation par un grand magasin de ses confectionneuses. Leur misère au quotidien entraîne une dégradation de leur santé. Elles deviennent tuberculeuse et contaminent malgré elles la riche clientèle à travers les textiles qu'elles confectionnent.
↑avec Fernand Crommelynck dans le rôle du capitaine Stewart, Cécile May dans Mademoiselle Stewart, Jean Liezer dans le rôle du détrousseur de cadavres Vaneck, Fernande Dépernay qui incarne la dame de compagnie, Herzé dans le sous-officier blessé, Georges Mertens, Fernand Gravey
↑Une vengeance d'un coiffeur en forme de vaudeville.
↑Le cinéaste filme des goumiers algériens ; des combattants à l’allure inhabituelle, arrivant de France et issus de diverses tribus d'Algérie. Les goumiers y apparaissaient comme des cavaliers à l'allure fière, à la peau mate, portant un turban blanc et armés d’un long et mince fusil, porté à l’épaule par une bretelle.