La plus grande partie de l'aire est constituée du massif du Ngorongoro, chaîne de montagnes, de cratères et de plateaux d'origine volcanique faisant partie de la vallée du Grand Rift. Ces reliefs stoppent les nuages venant du sud et de l'est qui déversent leurs précipitations (de 500 à 1 700 millimètres par an) qui, associées aux températurestropicales (jusqu'à 35 °C), permettent l'établissement d'une flore et d'une faune tropicale. Cette zone montagneuse est encadrée au sud par le lac Eyasi, au nord-est par le bassin du lac Natron et au nord et à l'ouest par la plaine du Serengeti.
D'une étendue de 8 288 km2, l'aire de conservation s'étend d'environ 960 mètres à 3 648 mètres d'altitude (mont Loolmalasin).
Situé dans une zone densément peuplée par une faune variée, l'aire de conservation du Ngorongoro est un lieu de transit et de séjour de nombreux animaux migrateurs, principalement des mammifères. Ces animaux se déplacent au fil des saisons entre le cratère du Ngorongoro, la plaine du Serengeti et le Kenya. En été, 1,7 million de gnous, 470 000 gazelles, 260 000 zèbres et des milliers d'autres mammifères, prédateurs et oiseaux, fuyant les conditions arides qui s'installent et recherchant des pâturages, quittent la plaine du Serengeti pour se réunir dans l'aire de conservation du Ngorongoro et plus particulièrement dans le cratère du même nom.
Selon l’historien Guillaume Blanc, Ngorongoro constitue un exemple paradigmatique d’appropriation de terres africaines par des Occidentaux sous des motifs ambigus de protection de la nature[2].
La généalogie de la création du parc peut ainsi être remontée jusqu’à la peste bovine des années 1888-1892, localisée de la Corne de l’Afrique jusqu’au Mozambique, et alors largement causée par les Européens. De fait, l’importation par ces derniers de bœufs venus d’Inde provoque au début des années 1890 une épizootie d’une ampleur inédite pour la région[3]. Les conséquences de cette peste bovine causée indirectement par les Européens sont nombreuses pour les populations locales : effondrement des troupeaux d’élevage, perte des animaux de trait, auxquels viennent s’ajouter une sécheresse qui aggrave la situation ainsi qu’une invasion de criquets qui détruit les récoltes. D’un point de vue social, cette épizootie se traduit enfin par une flambée des prix des céréales et donc une multiplication des famines dans la région.
Le résultat est que les populations locales fuient les territoires touchés : mécaniquement, la savane s’étend et regagne du terrain sur les terres cultivées et pâturées. Lorsque, vingt ans plus tard, les Européens redécouvrent ces paysages désormais désertés, ils espèrent en faire des zones protégées. Ainsi, quelques années après l’épizootie, la future réserve tanzanienne de Ngorongoro est délimitée à l’endroit même où, avant de devoir fuir la maladie et la famine, vivaient des sociétés pastorales masaï. Or, lorsque les Masaï demandent à recouvrer la propriété de leurs terres au début du XXe siècle, les autorités allemandes refusent. Alors que ce territoire a été habité et exploité depuis plusieurs siècles, il est ainsi déclaré inhabité et « naturel » par les puissances coloniales[4].
L'aire de conservation du Ngorongoro, aujourd'hui gérée par le Ngorongoro Conservation Area Authority, est aussi l'héritière d'une série de mesures revendiquées en faveur de la protection de la nature qui débute en 1928 avec l'interdiction de la chasse dans la zone. L'année suivante, la réserve de chasse du Serengeti couvrant 2 286 km2 est créée et est transformée en parc national en 1951 en incluant la future aire de conservation du Ngorongoro. Cette dernière est détachée du parc en 1959 par l'ordonnance 413 afin de permettre le pastoralismemasaï jusqu'alors interdit dans la zone suivant le statut des parcs nationaux.
Des mesures sont alors prises pour renforcer la protection de l'aire de conservation : interdiction des cultures et du pastoralisme dans le cratère du Ngorongoro en 1975 par le Game Parks Law Act 14, inscription sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO en 1979[5], reconnaissance internationale de la réserve de biosphère du Serengeti-Ngorongoro en 1981 et enfin lancement du programme de développement et de protection du Ngorongoro (Ngorongoro Conservation & Development Program) en 1985.
Population
L'aire de conservation du Ngorongoro est une zone très peu urbanisée et peuplée, la majorité des habitants étant des éleveurs semi-nomadesmasaï. Ces derniers, qui ont commencé à s'aventurer dans le cratère du Ngorongoro vers 1850, ont mal supporté les mesures de protection mises en place au XXe siècle qui restreignent les espaces dévolus aux pâturages. Les relations sont alors tendues entre la population pastorale et l'administration de l'aire de conservation. Ces tensions se sont aggravées avec l'augmentation de la population sans compter l'interdiction du pastoralisme dans les cratères du Ngorongoro et d'Empakaai ainsi que dans les secteurs forestiers.
La population est passée de 8 700 en 1966 à une estimation de 40 000 Masaï en 1994, soit le quart de la population masaï de Tanzanie, possédant 300 000 têtes de bétail qui occupent les trois quarts de la superficie de l'aire de conservation. Une autre estimation effectuée en 1996 comptabilise 26 000 éleveurs et 285 000 têtes de bétail. Malgré le tourisme qui s'est développé dans la région, les Masaï s'appauvrissent et le cheptel domestique diminue d'année en année.
Tourisme
L'aire de conservation du Ngorongoro constitue l'un des sites majeurs du tourisme en Tanzanie avec plusieurs dizaines de milliers de visiteurs par an qui viennent principalement pour la faune sauvage mais aussi pour les paysages, la population et les sites archéologiques.
↑Guillaume Blanc, L’Afrique et le monde : histoires renouées. De la Préhistoire au XXIe siècle, Paris, La Découverte, , « Chapitre 7. Prédation au paradis. La nature africaine comme nostalgie et laboratoire écologique du monde (XVIIe – XXIe siècle) », p. 209
↑(en) Clive Spinage, Cattle Plague. A History, New York, Kluwer Academic/Plenum Publishers, , p. 497-524
↑(en) Richard Waller, The Ecology of Survival. Case Studies from Northeast African History, Londres, Lester Crook, , « Emutai. Crisis and Response I, Maasailand 1883-1902 », p. 73-112