Si vous disposez d'ouvrages ou d'articles de référence ou si vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème abordé ici, merci de compléter l'article en donnant les références utiles à sa vérifiabilité et en les liant à la section « Notes et références ».
Abdul Rahman Ghassemlou ( - ) est un économiste, un universitaire et un homme politique kurde iranien qui a été le secrétaire général du Parti démocratique du Kurdistan d’Iran (PDKI) de 1973 jusqu'à son assassinat, le 13 juillet 1989, commis par des agents de la République islamique d'Iran[1].
Biographie
Jeunesse et Famille
Ghassemlou est né le dans la vallée de Qasimlo situé dans la région de Urmiya. Il vient au monde dans une famille aisée. Son père est un riche propriétaire terrien d'origine kurde et sa mère est une assyrienne[2].
Éducation
Il passe son enfance dans son village natal puis rejoint les bancs d’une école à Téhéran pour ses études secondaires. C'est une période qui est alors marquée par la lutte contre le fascisme[1].
En 1947, âgé de 17 ans, il quitte l’Iran pour entreprendre des études supérieures et s'établit à Paris. La tentative d'assassinat contre Mohammad Reza Pahlavi en 1949 pousse les étudiants iraniens à manifester devant l'ambassade d'Iran à Paris. Il y tient un discours qui lui coûte la fin de l'aide financière envoyée par son père lequel avait reçu des pressions de la part du gouvernement iranien. Abdul Rahman Ghossemlou s'oriente alors vers un syndicat d'étudiants internationaux qui lui permet de continuer ses études d'économie à l'Université Charles de Prague. Il y obtient sa licence de Sciences économiques et politiques en 1952 et se marie, la même année, avec Helen Ghassemlou. Il retourne ensuite pendant plusieurs années au Kurdistan.
Recherches et publications
Au début des années 60, il retourne à Prague où il termine sa thèse sur l'économie et l'histoire du Kurdistan à partir de laquelle il rédige le livre Kurdistan and the kurds[3] en 1965, traduction anglaise de sa recherche initialement publiée en tchèque. Le livre sort ensuite en arabe en 1967, en polonais[4] en 1969 et en kurde en 1973. Dans cette recherche marquée par les études marxistes, il prône notamment l'indépendance du Kurdistan.
Il devient par la suite lecteur de kurde aux Langues Orientales à Paris[1] et tient des conférences à l’Université de la Sorbonne sur la civilisation kurde.
Son deuxième livre 40 ans de Luttes[5], qui traite des débuts du PDKI et de la République du Kurdistan, paraît en 1987.
Marxiste et nationaliste, il retourne au Kurdistan après l'obtention de sa licence en Sciences économiques et entre au PDKI. Bien qu'adhérant aux idéaux de gauche, il veut détacher le PDKI du Tudeh qui s'intéressait peu aux revendications kurdes. En 1952, la rupture entre le Tudeh et le PDKI est consommée.
L'accord kurdo-irakien, bien accueilli par les Kurdes d'Iran lui permet de se rendre à nouveau en Irak en 1970 et d'apporter ses compétences au sein d'un département qu'il dirige au Ministère du plan où il travaille jusqu'en 1973[6]. Dans la lancée de ses bonnes relations avec le mouvement nationaliste kurde en Irak de Mustafa Barzani et l'État irakien, il participe à plusieurs négociations entre les deux partis[7].
Secrétaire général du PDKI
Lors d'un congrès du PDKI en 1973, il est élu en tant que secrétaire général, ce qui l'amène à quitter son poste au ministère irakien. Il initie alors au sein de son parti un tournant qui prône la laïcité, le socialisme et l'anticapitalisme[1]. C'est aussi dans ces premières années qu'il lance le slogan "Démocratie pour l'Iran, autonomie pour le Kurdistan"[1].
La Révolution islamique
En Iran, la monarchie est renversée lors d'un processus révolutionnaire au cours duquel le chah Mohammad Reza Palhavi fuit en Égypte le 16 janvier 1979. Ghassemlou se trouve alors en Irak. Il cherche à rencontrer, à Neauphle-le-Château en France, Khomeini qui est alors l'un des principaux leaders de ce mouvement. Ce dernier refuse de le recevoir mais Ghassemlou soutient toujours la révolution en espérant que les revendications des Kurdes seront prises en compte.
Khomeini arrive en Iran le . Deux mois plus tard, il reçoit une délégation kurde le 28 mars puis déclare « Pas de Kurdes, d'Azéris, de Perses, de nations, de minorités. Nous sommes tous de la communauté d’Allah ».
Quelques mois plus tard, le 17 août 1979, il déclare qu'Abdul Rahman Ghassemlou est un « ennemi de Dieu ». Cette date marque la mise au ban des revendications kurdes au sein de la République Islamique d’Iran.
Le Kurdistan pendant la révolution
Avec le début des manifestations l'armée iranienne se replie de certaines casernes du pays. Les zones kurdes sont donc abandonnées, ce qui laisse les mains libres aux PDKI et au Komala pour prendre les villes. Dans un discours célèbre à Mahabad, Ghassemlou exhorte le nouveau gouvernement iranien d'accéder à la demande d'autonomie.
Avec le nouveau conflit armé qui éclate entre l'Iran et l'Irak en 1980, les Kurdes se voient prendre un nouveau rôle. C'est ainsi que, pendant de nombreuses années, le PDKI et le Komala recevront directement un soutien logistique et financier de Saddam.
En 1988, le PDKI négocient avec une délégation iranienne à Vienne. Khomeini décède pendant les négociations le 3 juin 1989, ce qui les stoppent. Elles seront relancées par Rafsanjani.
Ghassemlou désire Paris comme lieu de rencontre mais les iraniens insistent «Vienne ou Berlin. Paris ne sera jamais possible.». Le docteur Abdul Rahman Ghassemlou atterrit le 11 juillet 1989 à Vienne en provenance de Paris.
Idéologie politique
Dr Ghassemlou prône une politique humaniste et sociale. Il défend l’obtention de droits élémentaires pour le peuple kurde comme l’apprentissage de la langue kurde à l’école ou bien encore une autonomie territoriale.
Il œuvre pour l’unité des différentes factions kurdes. Dans ce sens, il entretient de bons rapports avec les Barzani, Jelal Talabani ou bien encore des groupes armés du Rojava.
Chaque parti et mouvement recevant de l’aide de pays différents (l’Iran pour Jelal Talabani et Massoud Barzani et l’Irak pour le PDKI et le Komala) avaient des bonnes relations internes.
Ce qui permit la mise en place d’une stratégie commune pour aider les partis et faire avancer la cause kurde.
En atteste Selahedîn Mûhtedî : «Une des fiertés de la lutte kurde, dans cette période fut que les différents partis du Rojhalat, du Bashur et du Rojava, dans une petite région, se sont réunis et ils avaient, pourtant, tous des Peshmerga en nombre mais aucun problème ne s’entreposa entre eux. Il y avait de la communication. Dr Ghassmlou allait à Bagdad avec l’état irakien et Saddam Hussein, avec qui il possédait de bonnes relations. Il faisait une entrevue et revenait et en parlait avec Mam Jelal. Si Mam Jelal allait à Téhéran. Il allait à Téhéran. Il parlait avec le gouvernement iranien. Et revenait en parlait avec Dr Ghassemlou et Abdullah Mohtadi (chef du Komala). Pour ce qui était des aides reçues par les différents partis kurdes comme l’argent ou bien encore les armes. Ils se les départageaient équitablement»
Attaché à la démocratie et aux droits de l'homme, il refuse que son parti, le PDKI, fasse le choix de la violence et du terrorisme[8].
Il ne voulait user de la force que comme dernier recours et en ne faisant pas de la population la première victime des actions du PDKI. Ce qui créa une grande popularité au sein de la population des Peshmerga, d’Abdul Rahman Ghassselou au Kurdistan iranien et en dehors des frontières.
En effet, il avait de très bonnes relations diplomatiques avec la scène politique internationale.
Il était connu et apprécié de Bernard Kouchner, Danielle Mitterrand ou encore Yasser Arafat qui disait de lui «Ghassemlou, tout en menant une lutte armée, il est resté profondément attaché aux pratiques des principes démocratiques».
Assassinat
Ghassemlou arrive à 18 h le en provenance de Paris à Vienne avec Abdullah Ghaderi-Azar qui occupait le poste de représentant du PDKI en Europe. Il doit y rencontrer des interlocuteurs de la République islamique, Jafar Sahraroodi, Mustafa Ajvadi et Amir Mansour Bozorgian lesquels étaient arrivés un jour auparavant, le 10 juillet. Ces derniers possèdent des passeports diplomatiques.
C’est la deuxième fois que les délégations se rencontrent. La première fois fut avec Jalal Talabani et Ahmed Ben Bella.
Cette deuxième entrevue a lieu chez le professeur d'université irakien Fadhil Rassoul. Abdul Rahman Ghassemlou est déposé en voiture à 14 h devant l’hôtel Hilton à une soixantaine de mètres de la maison de Fadhil Rassoul. Prenant les précautions nécessaires à ce type de rencontre, Abdul Rahman Ghossemlou ne disait jamais avec qui il parlait, ni les adresses complètes des lieux de rendez-vous. Les cadres du parti eux-mêmes ne disposaient pas de ces informations. Kerim Piroti le dépose en voiture et devait venir le rechercher à 17 h. Venu le chercher à 17 h, Le Dr Ghassemlou ne se présente pas. Une vingtaine de minutes plus tard, voyant qu’il n’était toujours pas là, il décide de faire le tour du quartier pour le retrouver. Malheureusement, la police est déjà sur les lieux.
Les trois kurdes sont abattus, malgré tout, Sahraroodi sera blessé par balle. Il y a de forte prétention autour d’Abdullah Ghaderi-Azar (mort de 11 balles) qui se serait battu avec les assassins et que dans la panique les Iraniens auraient tiré sur l’un des leurs.
Sa blessure entrave les plans des Iraniens. À l’arrivée de la police, Bozorgian dira « Ils ont tiré, tiré sur mon ami, sauvez-le ». Sahraroodi est emmené à l’hôpital sous surveillance policière et Bozorgian est emmené au poste de police autrichien. Quant à Mustafa Ajvadi, il a fui.
Les trois assassins ne sont pas arrêtés par les autorités autrichiennes : Mansour Bozorgian est remis à l’ambassade d’Iran où il reste pendant plusieurs jours avant d’en sortir clandestinement pour fuir l'Autriche, le 22 juillet. Jafar Sahraroodi est rapatrié par avion dans son pays.
Finalement, Mansour Bozorgian est promu général. Il a été nommé chef du quartier général des Pasdaran à Urmia, la ville natale de Ghassemlou.
Un citoyen allemand dira, en 2006 aux officiers italiens anti-mafia, qu’il était en contact avec les services de renseignement iraniens et que dans les premières semaines de juillet 1989, il ira livrer une dizaine d’armes légères à l’ambassade iranienne à Vienne.
Un cortège allant de la place de la République au cimetière du Père-Lachaise rassemble des milliers de militants, entourant Helen Ghassemlou et ses filles[10]. Deux ans plus tard, Bernard Kouchner écrit à propos d'Abdul Rahman Ghossemlou : « Lui seul avait la dimension historique suffisante pour embrasser tous les aspects des populations kurdes diverses et bagarreuses »[10].
Le 4 septembre 1989, le secrétaire général par intérim du PDKI, Saïd Badal, lors d'une visite à Bagdad, impute au président de la République islamique d'Iran récemment élu, H. Rafsandjani, la responsabilité de l'assassinat d'Abdul Rahman Ghossemlou[11]. Néanmoins, Christiane More considère en 1994 que le crime a été absous par la communauté internationale, tout comme celui à l'encontre de Sadegh Sharafkandi.
Références
↑ abcdef et gPhilippe Boulanger, « Abdul Rahman Ghassemlou, un héritage incertain ? », Magreb-Machrek, n°222, , p. 99-107 (DOI10.3917/machr.222.0099)
Carol Prunhuber (trad. de l'anglais par Joséfa Bertolino), L'impossible Kurdistan. Du rêve inachevé au tragique assassinat du leader Ghassemlou, Paris, Perrin, coll. « Synthèses historiques », , 592 p. (ISBN978-2-262-10390-3, lire en ligne).