Abbaye de moines de la Congrégation de Savigny puis abbaye de moines cisterciens à partir de 1147.
Présentation monastique
Origine de la communauté
L'abbé qui est chargé par saint Godefroy, moine supérieur de l'abbaye de Savigny, d'installer en 1118 une douzaine de religieux dans l'étroit vallon marécageux de Bric-Essart, fonde ainsi l'abbaye des Vaux de Cernay.
Abbaye cistercienne jusqu'à la Révolution, elle voit ensuite plusieurs propriétaires privés se succéder. Elle accueille depuis 1988 une activité hôtelière.
L'abbaye des Vaux-de-Cernay est classée au titre des monuments historiques en 1994. Ses fonds d'archives, et les études de la Société archéologique de Rambouillet, sont en libre accès[2].
Historique
Du Moyen Âge à la Révolution française
La véritable histoire de Cernay-la-Ville commence au début du XIIe siècle avec l'édification de l'abbaye de Notre-Dame des Vaux de Cernay de l'ordre de Savigny[3]. La compilation et l'étude des cartulaires[2] nous apprennent que l'abbé Artaud (ou Arnaud) fut chargé par saint Godefroy, moine supérieur de l'abbaye de Savigny, d'installer le 17 septembre 1118 une douzaine de religieux dans l'étroit vallon marécageux de Bric-Essart à la suite d'un don de Simon III de Neauphle-le-Château et de sa femme Ève[4]. Ils y fondent l'abbaye des Vaux de Cernay. D'abord construite en bois, les premières constructions furent lentement consolidées en pierres à partir de 1145 (carrières de grès proches), après un éprouvant travail d'assainissement et d'irrigation autour du ruisseau des Vaux. La première attestation de l’appellation Vaux-de-Cernay se trouve dans un acte de Louis VII daté de 1142[2].
En 1147, un nouvel essor est issu du rattachement de l'ordre de Savigny à Cîteaux, qui vint donner aux Vau(l)x de Cernay le rang prestigieux d'abbaye cistercienne dans la filiation de Clairvaux.
Les Vaux de Cernay vont alors devenir un centre de culture[5] très important aux XIIe et XIIIe siècle, en étant protégé par une communauté des nobles locaux attachés aux monarchies et féodalités avec, en arrière plan, le soutien de la papauté. Le sixième abbé Guy des Vaux-de-Cernay, proche de Simon de Montfort (qu’il suivra dans la 4e croisade de 1202), fut un prédicateur enflammé d'après le chroniqueur Pierre des Vaux de Cernay et deviendra évêque de Carcassonne (après le siège de Zara en Hongrie puis le combat contre les Albigeois).
En mars 1215, des religieuses cisterciennes fondèrent l'abbaye de Porrois, soumise aux Vaux de Cernay, qui devait devenir célèbre sous le nom de Port-Royal. C'est en 1235 que les moines placeront à leur tête Thibaut de Marly (saint Thibaut en 1270 † 1247), qui fera rayonner un courant intellectuel et relationnel remarquable jusqu'au XIVe siècle entre les diocèses de Paris (maison rue des Moines-de-Cernay, devenue rue du Foin) et de Chartres, près de la place des Vosges. C'est aussi à cette époque que Louis IX (Saint Louis) rencontra le saint abbé pour l'entretenir de la stérilité de sa femme, la reine Marguerite de Provence. Elle eut par la suite 11 enfants. Sur la tombe de Thibaut de Marly vinrent s'agenouiller Philippe le Hardi, Philippe le Bel, Charles VI. L'abbaye reçut de nombreuses visites prestigieuses au cours des siècles suivants, que ce soient rois, reines, le dauphin de Louis XIV avec sa cour après la chasse, présidents et grands noms de la République française (dont Victor Hugo, qui en dessina la rosace).
Mais dès le XIVe siècle, l'abbaye périclitera progressivement et les bâtiments ne seront plus entretenus car le pays est ravagé par les guerres et fléaux de toute sorte (guerre de Cent Ans de 1337 à 1453). En décembre 1463, par ses lettres patentes, le roi Louis XI confirma sa protection royale, octroyée par ses prédécesseurs. Au début du XVIe siècle, les abbés qui se succèdent aux Vaux s’efforcent de réparer les ruines accumulées et en essayant tant bien que mal de rendre au monastère la vie qui l’animait avant la guerre de Cent Ans. En 1542, l’abbaye passe en commende, ce qui entraîne un affaiblissement de son mode de financement.
Le XVIe siècle vit l’arrivée du premier abbé commendataire ; à cette époque en pleine guerre de religion, le monastère ne comptait pas plus de vingt-deux moines. Se succédèrent alors à la tête de l’abbaye quelques personnages prestigieux tels Henri de Bourbon-Verneuil, bâtard d’Henri IV, ou encore Jean II Casimir Vasa, ancien roi de Pologne (soutenu par Louis XIV) en 1669, qui la visita en 1671 avant de décéder l'année suivante. Le monastère connaîtra une embellie à la fin du XVIIe et au XVIIIe avec des aides notables (Jean de Furet et Catherine Sainte-Marie sa femme : dalle funéraire de 1641 inventoriée aux Archives départementales des Yvelines, sis en l'église de Cernay-la-Ville)[6]. En 1672, Armand-Louis Bonnin de Chalucet en devint abbé commendataire, assurant la restauration de la galerie sud et du cloître, avant des travaux considérables du XVIIIe siècle.
Époques moderne et contemporaine
Les temps révolutionnaires n'épargnent pas la communauté, qui est dissoute brutalement en 1791 avec vente précipitée des mobiliers et des biens sur réquisition des bâtiments par le tribunal de Dourdan[4]. Les moulins et les fermes sont éparpillés entre des particuliers après que les reliques de saint Thibaut ont été brûlées ; on retrouve bien plus tard son crâne conservé aujourd'hui dans un mur de l'église du village. Après que les ruines de l'abbaye sont passées entre les mains de différents propriétaires (dont certains utilisent les pierres comme matériau de carrière) l'ensemble est acheté en 1873 par la baronne Charlotte de Rothschild. La famille fortunée s'efforce de reconstituer l'esprit des lieux avec des travaux importants pour consolider ou réhabiliter les vestiges dans une évocation architecturale de style anglican. Après la mort de la baronne en 1899, le domaine entre dans le patrimoine de son petit-fils, Henri de Rothschild, auteur dramatique. Au commencement de la Seconde Guerre mondiale, les statues du château de Versailles trouvèrent refuge dans le parc de l'abbaye[7]. L'héritier disparaît en 1947. L'industriel Félix Amiot, constructeur d'avions, devient ensuite le nouveau propriétaire du domaine. Il y transfère ses bureaux d'études et cet endroit restera strictement privé et fermé au public jusqu'à la fin du XXe siècle.
C'est en 1988 que l'ensemble de l'abbaye des Vaux de Cernay fut racheté à la famille Amiot par le groupe « Les Hôtels Particuliers » dirigé par Philippe Savry. D'importants investissements de rénovation sont menés[8], dans le but d'ouvrir l'abbaye à la fois à un public touristique classique (visites payantes, restaurant) mais aussi à une clientèle hôtelière « de prestige » ou évènementielle (séminaires...).
Le , l'abbaye des Vaux-de-Cernay est classée au titre des monuments historiques[9] Cette protection concerne les parties bâties, les sols sur lesquels elles sont construites, ainsi que la grille en fer forgé du XVIIIe siècle. Cet arrêté vient en remplacement d'une inscription aux monuments historiques datée du , arrêté qui ne fut pas annulé et est donc toujours en vigueur.
L'abbaye est revendue fin 2020 au groupe Paris Society[10],[11], qui entend en prolonger l'activité hôtelière après une rénovation complète des locaux concernés, et le remplacement du mobilier (dont une grande partie est vendue aux enchères en 2021[12]). En octobre 2023, s'ouvre un hôtel cinq étoiles de 147 chambres[13],[14], un « hôtel de campagne » de luxe[10].
Architecture
L'abbaye a été ouverte aux visiteurs entre 1988 et 2023. Les deux éléments les plus remarquables sont les ruines de l'abbatiale et la salle capitulaire des moines. Cette salle, qui fait 80 m de long, comporte deux travées de voûtes gothiques qui en fait l'une des plus grandes salles de ce type en France, avec celle du collège des Bernardins à Paris. Différentes salles composent cet ensemble, comme l'ancien cloître, la galerie de lecture, le moulin, la salle capitulaire.
Près de cette abbaye, se trouve la fontaine de Saint-Thibaut (XXe siècle). L'édifice qui s'élève au-dessus de la fontaine Saint-Thibaut est un vestige du cloître, de style renaissance, construit au XVIe siècle, puis remployé en édicule, lors de la restauration du domaine par la baronne de Rothschild[15].
↑ ab et cFrance Notre-Dame (Abbey) Vaux de Cernay, Lucien (Lucien Victor Claude) Merlet, Auguste Moutié et Honoré Théodore Paul Joseph d'Albert Luynes, Cartulaire de l'abbaye de Notre-Dame des Vaux de Cernay, Tome 1, Paris, Typ. de H. Plon, (lire en ligne).
↑ a et bFrance Notre-Dame (Abbey) Vaux de Cernay, Lucien (Lucien Victor Claude) Merlet, Auguste Moutié et Honoré Théodore Paul Joseph d'Albert Luynes, Cartulaire de l'abbaye de Notre-Dame des Vaux de Cernay, Tome 2, Paris, Typ. de H. Plon, (lire en ligne).
↑Jérôme Blachon, « Des cisterciens aux seigneurs laïques : histoire de la ferme d'Ithe (XIIe – XVIIIe siècles) », Paris et Ile-de-France : mémoires publiés par la Fédération des sociétés historiques et archéologiques de Paris et de l'Ile-de-France, vol. 49, .
Coutumes et Folklores en Yvelines, p. 60-214), Victor R. Belot, Édition Guénégaud, 1977
Le Guide la Vallée de Chevreuse et de Port Royal, p. 22, 57 et 197-199, Éditions de la Manufacture 1992. Textes touristiques concis qui reprennent l'historique de l'Abbaye avec date d'origine 1138 contestée (ce qui est 1118) et l'orthographe Thibault (avec un "l" avant le "t")
L'Abbaye des Vaulx de Cernay, plaquette histoire résumée Abbaye par Groupe Philippe Savry (2000). Historique résumé non sourcé.
Marcel Aubert, L'Abbaye des Vaux-de-Cernay, Monographie publiée par M. Marcel Aubert pour M. le baron Henri de Rothschild, Paris, 1931
Dom Beaunier, La France monastique, t. 1, la province ecclésiastique de Paris, Paris, 1905, p. 47
Antoine-Félix Boisselier, « Description pittoresque et archéologique de l'abbaye des Vaux-de-Cernay », Mémoires de la société archéologique de Rambouillet, 1913, t. XXII, p. 180-202
Maurice-Pierre Boye, Les Vaux-de-Cernay. À la billebaude en Yvelines et autres lieux, Paris, 1960, p. 273-299
Maurice-Pierre Boye, Chevreuse et ses environs, Paris, 1939, p. 35-38
Camille Boyer, « L'abbaye cistercienne Notre-Dame-des-Vaux-de-Cernay », Mémoires de la société archéologique de Rambouillet, 1939, t. XXVIII, p. 35-35
Pauline Prévost-Marcilhacy, Les Rothschild, bâtisseurs et mécènes, Paris, 1995