Selon André Guilcher, la forme bretonne du nom de l'île serait Enez Karn[1]. En breton, karn signifie « sabot de cheval » (et kern « sommet de montagne ou de crâne »)[2].
Quant au mot cairn adopté par les archéologues, c'est un terme écossais moderne, déformation de carne qui servait déjà au XVIe siècle à désigner une construction préhistorique. Carne provient lui-même du gaéliquecarn (« tas de pierres »)[3].
Concernant l'île Carn, on ignore ce que le nom a désigné initialement. Car on l'applique tout à la fois à l'île, au monument qu'elle porte (un cairn), à un seigneur de légende qui aurait habité là, et à l'ensemble du paysage alentour[4].
Des cartographes emploient la forme île de Carne à partir de 1675 ; d'autres île Carne à partir de 1838 ; d'autres enfin île Carn à partir du XIXe siècle et jusqu'à nos jours[5].
L'accès se fait à pied sec, à marée basse (pendant environ un tiers de la marée), par une chaussée de rochers d'environ 600 m de long[7]. À marée montante, un fort courant coupe la chaussée[8]. L'îlot a une superficie de 15 000 m2 aux plus hautes mers[4].
L'îlot est sommé d'un cairn trapézoïdal du néolithique moyen (aux alentours de 4200 av. J.-C., pour sa partie la plus ancienne[9]), comportant trois dolmens à voûte en encorbellement et à couloir[10]. Ce cairn primaire est condamné au néolithique final, et enseveli sous un grand cairn circulaire.
Des goémoniers au XXe siècle
Une famille de goémoniers, Le Vern, a habité sur l'île jusqu'à la Seconde Guerre mondiale ; leur maison fut détruite par les Allemands. Le brûlage du goémon s'y effectua jusque vers 1956[11].
La tradition populaire voyait dans les cairns les ruines de châteaux de Moyen Âge. Une légende est donc attachée à cette île, légende similaire à celle de Midas, roi de Phrygie, et à celle du roi armoricainMarc'h. Elle est recueillie en 1874, à Portsall, par le folkloristePaul Sébillot qui l'a publiée dans la "Revue des Traditions populaires"[4].
Dans le château de l'île, vivait le seigneur Karn, un seigneur cruel. Il était affublé d'oreilles de cheval, dissimulées sous un bonnet. Pour qu'ils ne divulguent pas son secret, il tuait systématiquement tous les jeunes gens qu'il faisait venir pour le raser. L'un d'eux, Losthouarn, de Pen-ar-Pont, préféra égorger le seigneur en le rasant que de subir le sort de ses prédécesseurs[13].
Selon une autre version recueillie à Penhars en 1892, le personnage cruel concerné serai le roi Guinvarch[14].
Notes et références
↑André Guilcher, « Toponymie de la côte bretonne entre le Four et l'île Vierge, » Annales Hydrographiques, 1952, cité par Pierre-Roland Giot, Barnenez, Carn, Guennoc, Université de Rennes I, 1987, t. I, p. 103.
↑Émile Ernault, Gériardurig brezonek-gallek, Saint-Brieuc, Prud'homme, 1927, p. 263 et 283. Laurent Stéphan, Visant Séité, Lexique breton-français, français-breton, Brest, Emgleo Breiz, 1998, p. 89 et 92.
↑Jean L'Helgouach, in Pierre-Roland Giot, Jean L'Helgouach, Jean-Laurent Monnier, Préhistoire de la Bretagne, Ouest-France, 1979, p. 169.
↑Pierre-Roland Giot, Jean L'Helgouach, « Le cairn de l’île Carn, en Ploudalmézeau », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. LXXX, année 1954
↑Per Pondaven, "Portsall, toute une histoire", Emgleo Breiz, 2010, (ISBN978-2-35974-007-3)