Cette élection fédérale est la première depuis la victoire électorale de la Fédération du Commonwealth coopératif lors de l'élection provinciale en Saskatchewan, et plusieurs prédisent une percée majeure pour la FCC au niveau fédéral. Certains s'attendent à ce que le parti remporte de 70 à 100 sièges, et même possiblement qu'il réussisse à former un gouvernement minoritaire. Malgré ces attentes élevées, le parti ne remporte que 28 sièges.
Pour défaire le FCC, dont la popularité menace le Parti libéral sur son flanc gauche, King estime qu'il faut offrir aux Canadiens une vie plus agréable que celle qu'ils ont connue au cours des années 1930. Se pose ainsi la question : comment éviter le retour aux conditions difficiles d'avant la Grande Guerre et d'après la Grande Dépression? King répond à cette question en adoptant une série de mesures sociales, qui allaient véritablement donner naissance à l'État Providence canadien. Les pouvoirs que l'État avait assumés pendant la Seconde Guerre mondiale, qu'Ottawa préservera jalousement par la suite, devaient ainsi fournir les ressources nécessaires à ce que les stratèges libéraux allaient appeler le « nouvel ordre social »[1]
Un enjeu important de cette élection est l'élection d'un gouvernement stable. Les libéraux exhortent les Canadiens à reconduire au pouvoir le gouvernement de Mackenzie King, et affirment que seul le Parti libéral a « une prépondérance de membres dans les neuf provinces ». Mackenzie King menace de déclencher une nouvelle élection s'il ne reçoit pas un mandat majoritaire : « Nous serions aux prises avec la confusion à un moment où le monde se trouve dans un état très perturbé. La guerre en Europe est finie, mais les troubles dans l'est ne sont pas finis[2]. »
Les progressistes-conservateurs essaient de tirer profit de la victoire électorale massive, en pleine campagne électorale fédérale, du Parti progressiste-conservateur de l'Ontario lors de l'élection générale ontarienne de 1945. Les publicités électorales du parti exhortent les électeurs à se rallier au parti : « L'Ontario le prouve ! Seul Bracken peut l'emporter [3]! ». Ils affirment qu'il sera impossible de former un gouvernement majoritaire sans une majorité de sièges en Ontario, que seuls les tories peuvent remporter. À la fin, les libéraux sont à quelques sièges d'un réel gouvernement majoritaire, même en remportant 34 sièges en Ontario (les progressistes-conservateurs en ont 48) ; toutefois, King peut compter sur huit libéraux indépendants pour appuyer le gouvernement.
Les programmes sociaux sont également un enjeu important de la campagne électorale. Un autre slogan libéral encourage les Canadiens à « instaurer un nouvel ordre social[4] » en appuyant la plateforme du Parti libéral, qui prévoit :
750 millions $ pour des terres, des emplois et des subventions d'entreprise aux anciens combattants ;
400 millions $ de dépenses publiques pour construire des logements ;
250 millions $ pour des allocations familiales ;
l'établissement d'une Banque de développement industriel ;
des prêts pour les agriculteurs ainsi que des prix planchers pour les produits de l'agriculture ;
des réductions d'impôts.
Faisant campagne avec le slogan « Travail, sécurité, et liberté pour tous — avec la FCC[5] », la FCC promet de garder les impôts de temps de guerre pour les personnes à revenu élevé et les profits excessifs afin de financer les services sociaux, et d'abolir le Sénat du Canada. La FCC se bat pour empêcher que l'appui du mouvement ouvrier soit accordé au Parti ouvrier progressiste (c'est-à-dire, le Parti communiste du Canada).
Le Parti travailliste-progressiste, quant à lui, fait valoir que le refus de la FCC de conclure un pacte électoral avec eux a enlevé 100 000 voix à la FCC lors de l'élection ontarienne, et avait conduit à la victoire des progressistes-conservateurs en Ontario. Il exhorte les électeurs à faire du mouvement ouvrier « un partenaire au gouvernement[6] ».
Le Parti du Crédit social du Canada tente, avec un succès modeste, de tirer profit de la perception positive du gouvernement créditiste albertain de William Aberhart en utilisant le slogan « Un bon gouvernement en Alberta — pourquoi pas à Ottawa [7]? ». En référence aux théories monétaires du crédit social, il encourage les électeurs à « voter pour le dividende national[8] ».
↑MORTON, Desmond. « L'impact des Guerres mondiales sur le Canada », dans Bulletin d'histoire politique, vol. 8 numéros 2-3, p. 249
↑"We would have confusion to deal with at a time when the world will be in a very disturbed situation. The war in Europe is over, but unrest in the east is not over."